Cette sortie, qui peut être perçue comme une opération de séduction et de réconciliation à l'endroit de journalistes, nous fournit un corpus dans lequel nous avons extrait trois phrases qui peuvent tenir lieu de sujet de composition française ou de dissertation philosophique. D'abord, Blaise Compaoré a dit en substance : « J'ai apporté plus d'écoles, plus de dispensaires, plus d'eau, plus de libertés ».
Du point de vue des statistiques, c'est évident que le régime de Blaise Compaoré a fait beaucoup de réalisations dans plusieurs domaines. Des écoles, Des dispensaires, des routes, etc., il y en a beaucoup plus aujourd'hui au Burkina qu'il n'y en avait en 1987, année où il a décidé de mettre fin à l'expérience révolutionnaire. Ces réalisations qu'il a égrenées sur le plateau de la Télévision nationale peuvent effectivement être mises à son actif, mais elles auraient pu être meilleures et réduire considérablement la misère des Burkinabè si la gouvernance qu'il a mise en place était plus transparente.
En entretenant le flou sur une question aussi centrale, le chef de l'Etat confine son peuple dans un rôle de « littérateur »
Dans ce pays, l'on a la fascination du chiffre et de la quantité au détriment de la qualité. Le président va-t-il souvent sur le terrain pour constater de visu le délabrement et la vétusté précoces de ces réalisations ? Sait-il seulement que ces réalisations, à peine achevées et réceptionnées, sont suffisamment dégradées pour être reprises ? Sait-il seulement que ces travaux bâclés sont le fait d'une poignée de Burkinabè, véritables sponsors de son régime, qui se la coulent douce dans un pays qui dispute âprement le bonnet d'âne avec le Niger dans le classement mondial du PNUD ? Ce bilan, élogieux aux yeux de Blaise Compaoré, et qui, somme toute, doit être nuancé, pourrait le tenter à modifier la Constitution, comme l'a fait l'autre pour « achever ses chantiers ». Et que dire de la liberté qu'il « a apportée aux Burkinabè » ? Certes, le président y a contribué, mais cette liberté a été conquise par le peuple burkinabè au prix de son travail, de sa sueur et de son obstination. La deuxième phrase du président qui appelle un commentaire est la suivante : « Je suis citoyen comme les autres ». Il faut d'emblée dénoncer cette conception de l'égalité des citoyens. En effet, tous les Burkinabè n'ont pas présidé au destin du Burkina Faso pendant 26 ans. L'on pourrait décrypter également cette phrase ainsi qu'il suit : comme je suis citoyen comme vous, ce n'est pas la rue qui va m'empêcher de jouir de mes prérogatives de citoyen. Je suis donc, en vertu de ce principe, électeur et éligible.
Ce qui est vrai. Mais en entretenant le flou sur une question aussi centrale, le chef de l'Etat confine son peuple dans un rôle de « littérateur ».
Et puis, si le président tarde à dévoiler ses intentions à propos de l'article 37, c'est que, quelque part, sa conscience lui rappelle qu'agir dans le sens de la révision dudit article, ne s'inscrit pas dans la logique du bien, du moins de l'apaisement ; on ne cache pas ses intentions quand on est convaincu du bien-fondé de son acte. Alors, si ce n'est pas bien, pourquoi vouloir coûte que coûte franchir le pas ?
Enfin, la dernière phrase du président , digne d'intérêt, est la suivante : « Je respecte la constitution ». De quelle Constitution s'agit-il ? Si c'est de l'actuelle Constitution, les choses sont claires : Blaise Compaoré ne peut pas briguer un autre mandat. S'il parle de la Constitution que les députés et les sénateurs vont bientôt élaborer, pour lui permettre de sauter le verrou de l'article 37, qu'il le dise aux Burkinabè. Ils ont le droit de le savoir en des termes sans équivoque.
Pousdem Pickou