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Blaise Compaore
Selon un communiqué de la Direction de la communication de la présidence du Faso, le chef de l'Etat, « soucieux de garantir l'unité nationale, de préserver les acquis démocratiques, et fidèle à la longue tradition de dialogue et de paix qui ont toujours caractérisé le peuple burkinabè », a instruit le Premier ministre et le ministre d'Etat, ministre chargé des Relations avec les institutions et des réformes politiques, de lui fournir un rapport d'étape circonstancié sur la mise en place du Sénat, au plus tard le 31 août 2013.
Ce communiqué, qui émane du palais de Kosyam, peut être décrypté de plusieurs façons : d'abord, les raisons des instructions présidentielles. Une analyse du terme « circonstancié » dans le communiqué indique que les motivations du président sont nobles. En effet, « le souci de garantir l'unité nationale », de « préserver les acquis démocratiques » et de sauvegarder « la longue tradition de dialogue et de paix » est à saluer et à encourager dans un contexte qui présente des similitudes à bien des égards avec la société française du début du 20e siècle où l'opinion nationale était profondément divisée entre « les Dreyfusards et les anti-dreyfusards ». Assurément, la mise en place du Sénat aura provoqué une fracture géante de la société burkinabè au point de mettre en péril la stabilité des institutions et la paix sociale. « Deux Burkina » s'observent en chiens de faïence, chaque camp nourrissant le désir de pousser l'autre à la faute. Dans un tel contexte, les mots utilisés dans le communiqué présidentiel ont une forte connotation politique en ce sens qu'ils peuvent être entendus comme un appel de la plus haute autorité du pays, à la paix et à la concorde nationale. Même si, à l'étape actuelle, rien ne permet de conclure hâtivement à une suspension de la mise en place du Sénat, on peut courir le risque de dire que le président a dû entendre la clameur de « l'autre Burkina ». Cette nouvelle disposition d'esprit tranche déjà avec celle qu'il a affichée à l'occasion de sa dernière visite en République de Côte-d'Ivoire. Rappelons qu'à l'occasion de cette sortie sur les bords de la lagune ébrié, le président Blaise Compaoré avait martelé sur un ton martial que les marches ne pouvaient pas modifier une loi. L'autre lecture que l'on pourrait faire du communiqué présidentiel est que le président veut faire du dilatoire. Une telle hypothèse de lecture transformerait la plaie en une véritable gangrène qui ébranlerait les assises de la société burkinabè. C'est pourquoi le président, pour se faire une idée exacte de la situation socio-politique qui prévaut dans son pays, doit s'affranchir du « carcan » de ses plus proches conseillers afin d'avoir le recul nécessaire pour prendre les décisions susceptibles de sauvegarder la concorde et le vivre-ensemble. Le rapport circonstancié qu'il a commandité sur la mise en place du Sénat doit en être un, c'est-à-dire un exposé dans lequel on relate ce qu'on a vu et entendu. L'objectivité, l'honnêteté et la responsabilité doivent inspirer les rédacteurs de ce rapport pour qu'ils disent réellement ce qu'ils ont vu, entendu relativement au Sénat. Les Burkinabè, légitimement, ont hâte de connaître le contenu de ce précieux document qui façonnera inévitablement le destin politique de notre pays.
Pousdem PICKOU