A la lumière de cette démarche qui épouse les principes légaux, on peut affirmer qu'après 9 mois de gestion, les organes de la Transition sont en train de renouer avec la logique. Et c'est par là justement que ces organes issus de l'insurrection devraient commencer. Au lieu de cela, ils s'étaient longtemps perdus dans des tiraillements futiles sur des mesures impopulaires qui ont connu leur épilogue par le verdict sans appel de la Cour de justice de la CEDEAO qui exige du Burkina la levée de «tous les obstacles» qui excluent certains Burkinabè de la course aux élections prochaines. Certainement subjugués par l'envie d'éloigner les barons du défunt régime de l'appareil d'Etat, les organes de la Transition, notamment le CNT, ont toujours pris des initiatives qui sont, somme toute, compréhensives dans le fond, mais empreints d'incohérence dans la forme. C'est pourquoi il s'est pris les pieds dans le tapis avec le nouveau code électoral. «A vouloir tout faire au galop, on enterre les vivants», nous enseigne le célèbre écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma. Ainsi, cette mise en accusation, si elle est bien accueillie par ceux qui étaient au devant de la scène lors de l'insurrection, il faut espérer que cette fois, la procédure a été mûrement réfléchie afin qu'on n'ait pas à redire sur des éventuelles erreurs judiciaires.Cela est important d'autant plus que les principaux visés et leurs partisans crient à l'acharnement, vu la coïncidence de la prise de cette mesure avec le verdict de la Cour de justice de la CEDEAO. Il faut donc éviter de se vêtir du boubou hideux d'un Etat qui fait corps avec la règle de deux poids deux mesures. Les griefs qui sont reprochés aux prévenus, notamment l'enrichissement illicite, le détournement de deniers publics sont bien connus du règne de Blaise Compaoré. On se souvient encore du rapport de l'ASCE qui avait épinglé certains caciques du régime en 2012. Mais contre toute attente, le gouvernement de l'époque, comme pour faire un pied de nez au travail abattu par l'ASCE, avait déclaré par la voix de son Premier ministre Luc Adolphe Tiao, de façon éhontée et effrontée, que «des mesures ont été prises» pour que les incriminés puissent rembourser les sommes détournées. C'est donc dire que les 27 ans de règne de Blaise Compaoré ont fait du Burkina Faso, le creuset de l'impunité dans toutes ses formes. De ce fait, le CNT qui vient de lever le lièvre, doit aller jusqu'au bout de son initiative sans discrimination aucune. C'est en cela que la première tentative aurait dû ratisser plus large en ne se limitant pas seulement aux membres des derniers gouvernements du pouvoir Compaoré, mais en tenant compte de tous ceux qui se sont rendus coupables de pratiques condamnables pendant leur magistère au cours de la IVeRépublique. Cependant, il reviendra à ceux qui sont déjà dans le collimateur de la Haute cour de justice de démontrer que les chefs d'accusation formulés par les députés sont fictifs; sinon ils boiront l'eau boueuse des élucubrations de leur gestion jusqu'à la lie, bien entendu dans la légalité. Et personne ne pourra les plaindre car ce ne sera que justice rendue aux populations. En tout cas, justice sélective ou pas, les prévenus doivent s'atteler à la préparation de leur défense au lieu de ruer dans les brancards. Et vu ce qui est reproché à certains, il serait étonnant qu'ils en sortent blanchis.
ParLomoussa BAZOUN