Mais aussi liés qu’ils soient par l’histoire, la géographie et surtout l’économie, les dirigeants actuels, passés et même à venir n’auront d’autre choix que de tempérer leurs humeurs du moment pour se concentrer sur les diktats de la diplomatie au service du bon voisinage.
Et c’est apparemment ce que Michel Kafando et Alassane Ouattara ont mis en pratique au cours de cette visite officielle de 48 heures destinée à « magnifier » le caractère séculaire des liens qui unissent la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. A l’agenda des deux délégations : des sujets d’intérêt partagé "au regard de la communauté de destin qui définit les relations entre les deux pays".
Il faut dire que, de ce point de vue, il y a eu entre Ouagadougou et Abidjan ce que l’on pourrait appeler en langage diplomatique des hauts et des bas. On se souvient en effet que sous le régime de Laurent Gbagbo, la «Patrie des hommes intègres» s’était clairement retrouvée dans le collimateur d’Abidjan, accusée à tort ou à raison d’avoir offert gîte, couvert et même armes et munitions qui permettront à la rébellion des «Forces nouvelles» de faire vaciller le pouvoir du FPI.
Ironie de l’histoire, c’est ce voisin « déstabilisateur » qui servira de cheville ouvrière au retour de la paix, car c’est à Ouagadougou que sera signé l’accord politique entre Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, ouvrant la porte à un retour progressif à la normale. Mais les choses se précipiteront avec la crise politique à l’issue de la présidentielle de 2010. Un grave conflit entre le camp de la légalité constitutionnelle et celui de la légitimité internationale qui fera des milliers de morts et se soldera par la défaite du camp Gbagbo.
Autres temps autres mœurs. Il n’en faillait pas plus pour qu’après la grisaille, le climat entre les deux capitales renoue avec une certaine embellie, surtout après l’arrivée au palais de Cocody de l’ami, pour ne pas dire du frère, Alassane Ouattara si cher à bon nombre de Burkinabè et à son homologue d’alors, Blaise Compaoré.
Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Les ‘’Quatre Glorieuses’’ sont passées par là, et dans la foulée, on est passé de l’ADOlatrie à l’ADOphobie, aidés en cela par ADO lui-même qui, dans ses prises de positions concernant le Burkina, n’a pas toujours fait dans la dentelle diplomatique : d’abord par son soutien implicite à son ami Blaise dans son projet de modification de l’article 37 de la Constitution ; ensuite sa médiation partisane entre le CDP, parti au pouvoir, et son aile dissidente qui par la suite deviendra le MPP ; et comme si cela ne suffisait pas, aux yeux des insurgés des 30 et 31 octobre, Alassane restera celui qui a accordé l’asile au président déchu. La liste des griefs est longue et le serait davantage si à tout cela on ajoutait les critiques ouvertes et récurrentes du président ivoirien à l’égard de la politique intérieure de la Transition, notamment de l’adoption du fameux code électoral, et ses appels, parfois intempestifs, à l’inclusion.
Autant dire que ces deux voisins-là reviennent de loin et que pour le coup ils avaient bien besoin de magnifier une fois de plus le caractère séculaire des liens qui les unissent. Reste à espérer qu’à force de poignées de main chaleureuses et de discours d’apaisement, ADO et M’Ba Michel auront véritablement transcendé leurs humeurs personnelles au profit des intérêts de leurs peuples.
La Rédaction