Le tout nouveau ministre délégué de la sécurité est allé s’entretenir avec les agents de police pour saluer leur courage et la détermination dont ils font preuve au quotidien dans l’exécution de leurs missions. Nommé en remplacement du Colonel Sidi Paré, accusé de complicité avec les putschistes du 16 septembre, Alain Zagré, dans un franc-parler, a encensé la police nationale pour le rôle combien important qu’elle a joué non seulement lors des événements insurrectionnels d’octobre 2014 - ce n’est pas par hasard qu’il a choisit la date du 30 octobre pour s’adresser à ses hommes - mais aussi lors du coup d’Etat du 16 septembre.
« Vous avez fait preuve de courage et surtout de loyauté en restant du côté du peuple et de la République. (...) Votre détermination dans l’exécution de vos missions et votre loyauté envers les institutions républicaines ont été payantes », s’est exprimé Alain Zagré, qui a traduit à cette occasion la gratitude du Président du Faso et de son gouvernement, ainsi que celle de toute la Nation aux policiers.
Mais à l’évidence, cette rencontre n’avait pas pour seul objectif de dire merci à la police, mais aussi et surtout les inviter à redoubler de vigilance face à la recrudescence du terrorisme et du crime organisé. « Aussi, j’attend de vous que vous puisiez dans vos dernières réserves d’énergies pour assurer la sécurité et la quiétude des élections. L’Etat et la Nation entière vous le revaudront », a ajouté le ministre délégué à la sécurité, qui a fait remarquer à ses interlocuteurs du jour que la réussite des élections couplées du 29 novembre 2015 repose sur leurs épaules.
« Lorsque le policier lui-même n’est pas en sécurité, comment peut-il aller sécuriser les autres ? »
Après ce cérémonial, le ministre a engagé un dialogue direct avec les agents. Autorisation a été donnée à tout policier, quel que soit son grade, de s’exprimer librement. Dans les rangs, comme à l’accoutumée, personne n’ose lever le doigt. Le ministre les rassure. La hiérarchie aussi. Mais les hommes sont toujours timides. « Vos hommes ont-ils peur ? », le Commissaire principal de police, Jean Alexandre Darga (Chef du commissariat central de Ouagadougou) répond : « A la police, la peur ne fait pas partie de notre vocabulaire ». Ainsi rassuré, un officier de police prend la parole. Presque toujours la peur au ventre, il dépeint un tableau pas très reluisant des conditions dans lesquelles se démerdent les policiers. Cet officier de police se souvient amèrement des injustices que ses collègues ont subies en 2006 lors d’affrontement entre militaires et policiers, et en 2011, lors des mutineries. A cela s’ajoutent d’autres problèmes internes liés à des détournements où des questions indemnitaires. Mais le plus grave des problèmes soulevé par ce policier est le manque de matériel logistique. « Mais lorsque le policier lui-même n’est pas en sécurité, comment peut-il aller sécuriser les autres ? », s’interroge-t-il. Il finit son intervention sur un salve d’applaudissement de ses collègues et même de ses patrons. Et un autre de lui emboîter le pas. Ce dernier s’est intéressé à la composition de l’unité qui s’occupe actuellement de la sécurité présidentielle après le démantèlement du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP), et de la question de création d’un syndicat au sein de la police.
Quand le RSP détourne le matériel destiné à la police...
A ces questions, le ministre a reconnu être mis au courant des difficultés que rencontrent les agents de police au quotidien et leur a donné des assurances. « La police est le parent pauvre des forces de défense et de sécurité, et je n’ai pas l’intention de me taire », a déclaré Alain Zagré, qui a fait savoir qu’au temps de Blaise Compaoré, tout l’armement était détourné au profit du RSP, le matériel de maintien de l’ordre destiné à la police y compris. Mais grâce au démantèlement du RSP, tout cet armement destiné à la police ont été récupéré et mis à sa disposition. S’agissant de la sécurité présidentielle, le ministre délégué à la sécurité a fait savoir qu’un « groupement inter-arme », constitué de militaires, de gendarmes et de policiers, sera créé à cet effet. La débat sur la possibilité de création d’un syndicat au sein de la police va faire l’objet de concertation approfondie, préconise pour sa part le conseiller technique du ministre, le contrôleur général de police Thomas Dakouré. En effet, selon la loi 045 relatif au statut du corps de police, le policier doit se départir de toute action de cessation de travail.
Max Junior