Quand les hommes du RSP ont exigé le départ des militaires du gouvernement, ils avaient à l’esprit Zida et son « complice » Auguste Barry et dans une moindre mesure Ba Boubacar. Dès les premiers moments de la montée au pouvoir de Zida, les colonels Ba et Barry sont tout de suite apparus comme ses plus proches fidèles. Zida venu du sérail présidentiel était loin d’inspirer une totale confiance aux autres corps de l’armée. Surtout que son entrée en scène s’est faite de manière inélégante. Mais très vite, Honoré Nabéré et ses hommes ont pris la mesure de la situation. Derrière Zida, ils ont vite senti un coup fourré de Blaise et de Diendéré.
Avec le général Djibril Bassolet qui s’était rapproché du Haut commandement de l’armée, la décision est prise de laisser faire. Mais ils n’ont pas voulu laisser le champ totalement libre au RSP. Les colonels Auguste Barry et Kabré du bataillon de commandement et de service, Ba Boubacar, un artilleur du Groupement Central des Armées, sont envoyés avec la mission de marquer de près Zida. Sont-ils restés fidèles à leur mission originelle ? Difficile de le dire. En tout cas, le développement des événements semble avoir favorisé une symbiose entre eux et les OSC, au point que leurs commanditaires en sont venus à se poser des questions sur leurs véritables motivations. Si du côté de Zida et Diendéré les rapports vont vite se dégrader, il n’en fut pas de même entre les deux autres colonels et la nouvelle équipe qui est arrivée au Haut commandement. Pas étonnant que ce soit le RSP qui ait le premier engagé la charge. Et ce fut l’incident du 30 décembre 2014 où Zida a été contraint de quitter le conseil des ministres pour aller au rapport. Depuis, la rancœur des hommes de Diendéré s’est concentrée sur le trio Zida-Barry-Ba.
Que leur reproche-ton ?
Dans la querelle des frères d’armes qui s’est muée en crise nationale, rien n’a été formellement établi en termes de griefs reprochés aux uns et aux autres. Cependant parmi ceux qui circulent sous le manteau, on peut retenir quelques-uns :
Auguste Denise Barry : Le principal crime qui lui est reproché, c’est d’être la tête pensante de Zida. Les deux sont décrits comme un duo infernal à la base de tous les mauvais coups. Pour le RSP, ces deux colonels conspirent contre les chefs de ce régiment qui seraient des obstacles à leurs ambitions. Le contrôle par Barry du secteur de la sécurité est vécu par le clan Diendéré comme une véritable menace. L’alerte donnée le 28 juin par Barry sur un prétendu complot en est un exemple. Sur la réalité du complot, on ne finira pas d’épiloguer. Sans doute pour Barry, il existait de vrais indices de ce complot qui n’a pu être empêché que parce qu’il a été éventé. En cette matière, il est généralement difficile de donner des preuves quand les auteurs ne sont pas passés à l’acte. Dans ces conditions, la protection des sources est d’importance surtout que les renseignements proviennent de taupes bien tapies au cœur même de la conspiration. Dans ce genre de situation on ne découvre la réalité que bien plus tard.
Ba Boubacar, l’artilleur chargé des mines : Le discret ministre des mines est perçu comme le pourvoyeur des fonds destinés à assouvir les ambitions politiques du trio. Certes, on ne dit pas par quel mécanisme les fonds sont siphonnés des circuits miniers, mais on ne fait aucun mystère sur l’usage qui en est fait. Les OSC en seraient une des destinations. Leurs animateurs sont pointés du doigt et on n’hésite pas à les affubler de l’infamant délit d’apparence. Mais si le colonel Ba trouve relativement grâce aux yeux des contempteurs de Zida, c’est parce que malgré tout, il ne semble pas être une menace, en tout cas pas autant que Zida et Barry.
David Kabré : Il est issu du même corps que Barry, c’est-à-dire le Bataillon de Commandement et de Service (BCS). Officier de sport, son profil comme son poste semble l’avoir éloigné des radars des responsables du RSP. Il n’apparait ni dans les diatribes des partis membres du Front républicain ni dans celles des OSC proches de l’ancien régime.
Les insurgés s’inquiètent du devenir de la Transition
Le départ de Barry a fait grincer des dents dans la galaxie des insurgés. Quoi de plus normal. Le colonel Barry était en effet, un des fervents et des plus déterminés défenseurs des acquis de la Transition. Il a montré sa fermeté quand il s’agit de prêter main forte aux organes de contrôle. On peut en juger par les arrestations et détentions d’anciens barons du régime : Salif Kaboré, Arthur Kafando, Jean Bertin Ouedraogo, Jérôme Bougouma, le déferrement à la prison d’anciens maires comme Salia Sanou, Séraphine Ouedraogo, Marin Ilboudo, Thomas Bagré, Pascal Sawadogo. Ou encore l’arrestation et l’incarcération de l’ancienne député du CDP Ouattara Assita, devenue par la suite militante de la NAFA. On n’oubliera pas non plus les interpellations de Juliette Bonkoungou et de Simon Compaoré. C’est aussi lui qui veille au grain en gardant sous contrôle les organisations liées à l’ancien régime. On l’a vu lors du vote de la loi électorale, où certaines manifestations ont été strictement contenues ou encore avec l’interpellation de Pascal Zaida à Bobo-Dioulasso. Barry était véritablement le bras armé de la Transition, celui qui incarnait aux yeux des insurgés l’esprit de l’insurrection. Son départ a provoqué des remous au sein des OSC. Alors que le président Kafando était muré dans son palais, refusant de prendre certains de ses ministres au téléphone, il n’a pas hésité à entendre et à recevoir Guy Hervé Kam qui en avait visiblement gros sur le cœur, après avoir appris que Barry allait être remplacé à la sécurité par un général à la retraite. Le message de Kam a été clair : nous n’accepterons pas que la Sécurité soit confiée à quelqu’un qui ne serait pas proche des insurgés. A en juger par la solution qui a été retenue, on peut dire que les deux hommes se sont compris.
L’épisode de Barry est sans doute tourné. A moins d’un retournement inattendu de situation. Les OSC engagées dans la Transition semblent en avoir pris acte. A la rencontre avec l’ambassadeur américain, elles ont certes exprimé leur dépit sur le retrait de Barry mais elles ont surtout exprimé leur ferme détermination à voir les élections se tenir à bonne date. Un souhait largement partagé par de nombreux Burkinabé dont le souci est que plus rien ne doit désormais perturber la vie nationale, pas même les OSC, dont les exigences leur paraissent parfois maximalistes.
Certaines sources font état de l’arrivée d’Auguste Barry à Kosyam auprès du chef de l’Etat, comme conseiller. Ce serait un atout pour le chef de l’Etat qui pourra disposer à ses côtés d’une personne aussi avisée, tant en matière électorale que sécuritaire. Sans doute le RSP dont les hommes fourmillent à la présidence ne voit pas les choses de la même manière. Mais si l’arrivée à Kosyam de Barry s’avérait, cela traduirait la volonté du chef de l’Etat de s’affranchir quelque peu du joug des hommes de Diendéré qui ont établi autour du palais un véritable réseau de renseignement au profit de leur chef.
Par Germain B. NAMA