La société civile et les partis politiques ont montré un visage tellement hideux de leur mauvaise organisation et de leur incapacité à assurer une transition au Burkina Faso que l'armée a dû prendre toutes ses responsabilités. C'est pourquoi, même si la nomination d'Isaac Zida au poste de Premier ministère peut apparaître dans la forme comme une mainmise de l'armée sur la transition, dans le fond, elle est bien compréhensible et même justifiée.
Quand on a demandé aux organisations de la société civile de désigner leurs représentants au Conseil national de transition (sorte d'Assemblée nationale pour la période de transition), les acteurs ont failli en venir aux mains. Parce que chacun voulait être dedans. Recalés par les organisations qui devaient les désigner, certains ont tenté par tous les moyens pour être membre de ce CNT. Avec comme argument qu'ils étaient au-devant de la lutte qui a conduit à la chute du régime. Du côté des partis politiques, on a failli également vivre le même scénario. Heureusement qu'il y a, en leur sein, des personnes assez averties, qui savent faire du discernement et sauver leur dignité. Comment donc des personnes de ce genre, qui n'arrivent même pas à s'entendre sur le minimum, peuvent-elles conduire la destinée de tout un peuple?
Alors qu'il était en exil à Yamousoukro en Côte d'Ivoire, l'ancien président Blaise Compaoré a dit en substance qu'il plaignait le sort de Zida, car il n'aimerait pas que son pire ennemi soit dans la position où il se trouve. Car, lui militaire n'avait pas réussi à gérer le milieu bien complexe des civils. Le message est sans doute passé auprès de Zida et de l'ensemble des forces armées qui ont compris que, pour une transition réussie au Burkina, il faut qu'elles soient présentes dans le dispositif. On comprend donc leur forte présence au sein du Conseil national de transition (25 membres); leur présence dans les ministères clés (Défense, Administration du territoire et Sécurité, Droits humains, Sports et Loisirs, etc). Il n'y a plus de doute que c'est seulement l'armée qui peut nous sortir d'affaire dans la situation socio-politique actuelle du Burkina Faso.
Qu'on le veuille ou non, on est obligé de s'accommoder avec elle, et l'accompagner franchement à réussir cette mission, non pas seulement pour son bien à elle, mais pour notre bien à nous tous. C'est pourquoi, les Burkinabè sincères, doivent retrousser les manches, et se regarder dans la glace et dire les choses par leur nom, s'investir autant qu'ils le peuvent pour bâtir à nouveau le Faso, sans exclusive dans la mesure où, que ce soit le Premier ministre Yacouba Isaac Zida ou le président Michel Kafando, ils ont besoin de l'accompagnement de tous. Dans la sincérité, le don de soi, l'acceptation du sacrifice pour une cause juste.
Dans cette dynamique, ils ne devront pas accepter de compromettre l'avenir du pays parce que des gens estiment qu'ils ont «bombé leur poitrine devant des balles» et qu'il faut les récompenser. La mission est assez «redoutable» pour composer avec le premier venu.
Dabaoué Audrianne KANI