Quelle a été votre première réaction quand le président du CNT vous a informé de la prise d’otage à Kosyam, qui s’est ensuite révélée être les prémisses d’un putsch ?
Je lui ai fait remarquer que l’opportunité était malheureuse. Le Groupe de contact et de suivi était à Ouagadougou et la FILEP (foire du livre) venait de s’ouvrir le matin-même. Faire un coup d’Etat dans ces conditions, c’était véritablement verser dans l’impopularité. J’ai continué néanmoins à la CENI et j’y ai eu une séance de travail avec le vice-président de cette institution. Je suis ensuite revenu au bureau et j’ai travaillé jusqu’à 19 heures avant de rentrer chez moi.
Ensuite, c’est parti pour la grande tambouille. Comment avez-vous vécu cette semaine infernale ?
Le lendemain (Ndlr : jeudi 17 septembre), je suis allé rencontrer des camarades pour échanger sur la situation et prendre des nouvelles de nos camarades qui avaient été retenus avec le Président et le Premier ministre. C’est chemin faisant que nous avons appris qu’il y avait une manifestation prévue à la place de la Nation. Nous y sommes allés avec un de nos camarades et quand nous sommes arrivés, nous avons constaté que la place a été investie par les éléments du RSP.
Depuis lors, beaucoup d’acteurs sont entrés dans la clandestinité. Etait-ce votre cas ?
Non. Je suis resté à mon domicile pendant tous les événements. Je me suis dit qu’en ce qui me concernait, j’étais plus protégé en étant dans mon quartier qu’en allant dans un autre. S’il arrivait qu’on m’enlève, les voisins vont tout au moins être alertés. Ailleurs, je serais resté un anonyme. L’on dira qu’on a arrêté quelqu’un et le temps que l’on sache de qui il est question aurait rendu la situation plus complexe.
Et votre famille ?
Elle est restée avec moi. Du reste, nous ne sommes pas nombreux. Dans la journée, ma femme et ma fille allaient chez ma belle-mère et la nuit, elles revenaient. Sauf une seule nuit où je suis resté seul à la maison.
A quoi occupiez-vous votre temps ? La lecture ?
Dans la journée, nous étions avec d’autres camarades et menions des activités, puisqu’il fallait réagir par rapport à la situation. Parmi nos réactions, il y eut la déclaration avec les partis politiques pour condamner le coup d’Etat et celle envoyée aux différents Présidents de l’Union africaine pour dénoncer l’accord qui avait été arrêté avec le Président Macky Sall. C’est dire que dans la journée j’étais très occupé et le soir je revenais dormir chez moi.
En tant que Président d’institution, avez-vous reçu des consignes particulières de sécurité ?
Non. Pas du tout. Vous vous rappelez bien que ce sont les secrétaires généraux des ministères qui ont été convoqués par les putschistes. Ce que je puis dire est que j’étais en contact avec le président du CNT pour un certain nombre de choses. Et ça, ce n’était pas en tant que chef d’institution, mais en tant que militant de la société civile.
Qu’en était-il des provisions à la maison ? En tant que président d’institution, le frigo était-il plein ?
(Rires)...Dès le premier jour, mon épouse a pourvu à cela. Dès qu’elle a appris la décision de grève illimitée par les syndicats, elle est partie faire des provisions pour la famille et pour sa maman. Ce qui nous a permis de tenir le coup. Malgré mon statut de Président d’institution comme vous le dites, il n’y avait que de l’eau dans le frigo.
Même pas quelques cannettes de bière ?
(Rires)...Non, Non, Non ! Il fallait rester lucide ! Si vous buvez la bière et que vous n’êtes plus maître de vous-même, ça peut créer de petits soucis. La seule précaution que j’ai eu à prendre a été de mettre en lieu sûr mon matériel de travail pour éviter que...
Matériel de travail ... c’est-à-dire...
Mon ordinateur qui contient des documents et des informations que j’ai dans le cadre de mes fonctions, et que je devais mettre à l’abri. J’ai aussi fait des copies des dossiers que j’ai mis en lieu sûr au cas où mon ordinateur serait saisi.
Aujourd’hui, c’est la reprise. Dans quelle ambiance se passe-t-elle et quels dossiers avez-vous sur votre table de travail?
Nous avons des dossiers en cours qui doivent être poursuivis. Nous devons également refaire le programme pour le dernier trimestre de l’année. Compte tenu des récents événements, il y a certes un petit contretemps ; mais les contrôleurs d’Etat savent quelles sont les tâches qui leur reviennent d’ici la fin de l’année, étant entendu que sur certains points, l’ASCE pourrait être sollicitée.
Entretien réalisé par
Issa K. Barry