La question mérite bien d'être posée. Car de nombreux Burkinabè voudraient savoir ce que sont devenus les anciens dignitaires du régime Compaoré, après les événements des 30 et 31 octobre. Eux qui, pour la plupart, ont soutenu le projet de révision de l'article 37 de la Constitution. Le moins que l'on puisse dire est que, dès le début de l'insurrection, ils ont vite été mis en lieu sûr par les services de sécurité. Les uns par hélicoptère, les autres dans des véhicules banalisés (sapeurs-pompiers, Croix-Rouge, ambulance, ou encore de l'armée, etc). Le premier point de chute pour le plus grand nombre a été le camp de la gendarmerie à Paspanga, puisque c'était le plus proche de l'Assemblée nationale ou également des institutions au centre-ville. Le Colonel Serge Alain Ouédraogo, chef des opérations de maintien de l'ordre, avait soutenu qu'ils étaient bien traités. On veut bien croire qu'ils le sont toujours.
Puis, plus rien. Depuis, personne ne sait où ils sont, ce qu'ils font, et quelles sont les perspectives qui s'offrent à eux. Si au début, Assimi Kouanda, Alpha Yago et Salif Dolbzanga avaient pensé que la parole ne leur avait pas été «coupée», ils se sont vite rendus à l'évidence. «Vous devez vous taire car, c'est par votre faute que nous sommes dans la situation actuelle». Ainsi, ils l'ont vite «bouclé». Le Secrétaire exécutif national du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) avait été, selon certaines sources, mis pratiquement en résidence surveillée, privé de certaines libertés. «Il n'est ni en prison, mais il n'est pas aussi libre de ses mouvements», avait expliqué une source.
Comme lui, d'autres dignitaires étaient, et le sont toujours, pratiquement de fait dans la même situation. «Si vous sortez, nous ne sommes pas en mesure d'assurer votre sécurité». Du coup, ils sont obligés de se terrer. En outre, après qu'on leur ait retiré leurs passeports diplomatiques, les «sanctions» à leur endroit se suivent et se ressemblent. Ils sont anciens ministres, anciens dirigeants d'institutions, etc, dont les comptes bancaires sont gelés. Autrement, ordre a été donné aux banquiers de ne pas permettre de mouvements sur leurs comptes. «Je n'ai plus de maison, même celles de mes enfants ont été incendiées, je n'ai plus de moyen de locomotion, ma bibliothèque a été incendiée, je n'ai plus rien, je suis en errance», a témoigné l'un d'eux. C'est à coup sûr dans cette situation que se trouvent la majorité d'entre eux, pour ne pas dire eux tous.
Séri Aymard BOGNINI