Transition : la vie ne se limite pas au Code électoral et aux problèmes de l'armée

| 24.07.2015
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Transition : la vie ne se limite pas au Code électoral et aux problèmes de l'armée
© DR / Autre Presse
Transition : la vie ne se limite pas au Code électoral et aux problèmes de l'armée
Sur le plan social, la Transition a failli. Il est vrai qu'elle a adopté le Programme socio-économique d'urgence de la Transition (PSUT) d'un montant de 25 milliards de francs CFA. Un programme que le gouvernement ne manque pas l'occasion de citer comme acte concret en faveur des jeunes, des femmes et du monde rural. Mais l'observation laisse sceptique sur les retombées de ce programme, qui ressemble fort bien à ceux exécutés sous l'ère Compaoré.


A part cela, on peut retenir que la Transition a excellé dans les activités entrant dans le domaine politique. Au titre de ces activités, la modification du Code électoral a été critiquée par un éminent juriste, par ailleurs conseiller spécial du Premier ministre Issac Zida. On s'est demandé en son temps si le projet de texte n'était pas passé par le Premier ministère pour qu'il donne son avis. Avec le verdict de la Cedeao, on est en droit de penser que la loi a été votée dans la précipitation au point d'ignorer le caractère «violation massive des droits de l'homme».

Un autre fait qui a marqué ces neuf mois de l'après-Compaoré est la perturbation à trois reprises de la Transition par l'armée en décembre 2014, en février et juin 2015. La dernière en date a nécessité la mise en place d'un cadre de concertation composé de sages. La crise avait pris une telle ampleur que les Burkinabè craignaient le pire. Il faut dire que l'armée, au pouvoir depuis 1966, veut garder le pouvoir. Au RSP, beaucoup de novices politiques supportaient l'option du coup d'Etat. Mais de nos jours, l'armée ne peut pas prendre le pouvoir par la force. Sinon, elle l'aurait fait. L'armée a eu le mérite de contribuer à se discréditer dans cette dernière crise, et le président Michel Kafando l'a fait savoir dans son deuxième discours à la nation le jeudi 16 juillet 2015: «Je le dis tout net, il n'est pas juste que pour des intérêts divergents, notre Armée nationale dont c'est la mission de protéger la paix au Burkina Faso, en vienne à être le perturbateur de la paix au Burkina Faso. Où est donc cette armée nationale, cette armée modèle à laquelle on se réfère tant dans les missions de maintien de la paix à l'extérieur? Trois fois, en l'espace de sept mois de Transition, nos institutions ont vacillé à cause des dissensions au sein de l'Armée». On espère bien que le message a été définitivement compris. Mais le Code électoral et la crise avec l'armée ne peuvent pas constituer les faits marquants de cette Transition. Les Burkinabè attendent mieux.

Les problèmes sociaux attendent des solutions. La Transition ne s'est pas attaquée aux questions des lotissements. Tout le monde connaît l'attachement primaire que le Burkinabè a pour la terre. Avoir sa parcelle au Burkina Faso est une question de fierté et de dignité. Les problèmes créés sous l'ère Compaoré restent en l'état.

Sur le terrain de l'éducation, l'accès des enfants dans les salles de classe n'a pas changé sous la Transition. On assistera à un problème d'accès d'enfants à l'école à la rentrée des classes en octobre à cause du manque de salles de classe. Le secteur privé, comme chaque année, augmenterait les frais d'inscription. Pourtant, dans la loi d'orientation sur l'éducation, il est écrit que l'école est gratuite et obligatoire pour tout enfant dont l'âge est compris entre 6 et 16 ans. A cela s'ajoute la baisse de la qualité de l'enseignement et tout cela n'émeut personne sous cette Transition.

Dans le domaine de la santé, la Transition n'a pas réussi à doter le Burkina d'un système sanitaire de référence et accessible à tous. Après cette Transition, ceux qui ont eu la chance ou ceux qui ont les moyens se feront soigner à l'extérieur, faute de moyens techniques sur place. Dans ce secteur, le privé dicte aussi sa loi à côté du public, qui se caractérise par un manque de moyens techniques et de motivation des agents.

On s'attendait à ce que la Transition vide les tiroirs des directeurs de ressources humaines et de la solde à propos des avancements, des reversements des agents publics. De nos jours, de nombreux agents attendent la régularisation de leur situation en vain.

La Transition ne s'est pas non plus occupée des nombreux contentieux de travail entassés à l'inspection du travail et au tribunal du travail. Pourtant, c'était le meilleur moment pour vider les dossiers en cours, procéder aux dédommagements et contraindre les employeurs à s'exécuter suite aux décisions de justice.

Sur le terrain de la lutte contre la corruption, la Transition a tâtonné. Dans un premier temps, d'anciens ministres de Blaise Compaoré ont été entendus avant d'être relâchés par les juges d'instruction qui ont déclaré leur incompétence. Afin de rattraper les choses, la Haute cour de justice a été mise en place. Tout se passe comme si l'exécutif ignorait qu'une personne au Burkina Faso ne peut pas être poursuivie pour des faits commis au moment où elle était ministre par une juridiction ordinaire.

Sous cette Transition, des organisations spontanées de la société civile ont ravi la vedette à la société civile classique. L'opinion nationale accuse des membres du gouvernement de financer cette nouvelle société civile. Pourquoi entretenir cette société civile tout en sachant qu'on est partant?

Si la Transition arrivait à lutter efficacement contre la corruption -elle l'a montré dans l'affaire Guiro-, elle trouverait des ressources pour les nombreuses dépenses auxquelles elle fait face.

La Transition ne peut pas régler tous les problèmes du Burkina Faso, mais elle peut faire quelque chose pour trouver des solutions face à certaines priorités engageant la majorité des Burkinabè.

Djénéba Sangaré

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