En un midi de fin octobre, comme dans un rêve, l'emblématique Blaise COMPAORE rendait sa démission et mettait fin lui-même à 27 ans de règne. L'homme fort de Ziniaré venait de tomber, contre toute attente. Le Capitaine ne s'est pas noyé seul. Il n'aura perdu que son pouvoir et sa fierté. Les à cotés de son pouvoir ont payé très cher le lourd tribut de sa chute. Il faut même penser que les ex dignitaires du régime ont été ceux qui ont donné de leurs biens pour que Blaise COMPAORE accepte de rendre le tablier, pour n'avoir pas auparavant donné d'utiles conseils. Ils se sont crus invincibles et inamovibles, oubliant que le pouvoir leur est venu des mains de quelqu'un d'autre.
Le grand problème des Burkinabè ayant été résolu par le départ de COMPAORE, le 31 octobre 2014, la confusion se fait jour à la tête de l'Etat. L'armée, à qui le peuple demande de prendre le pouvoir, se divise déjà. Le Chef d'état-major général des armées, le Général Honoré Nabéré TRAORE, à peine s'être autoproclamé président, est détrôné par un « jeune » Lieutenant-colonel du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Ce régiment est le meilleur produit « made by Blaise » de l'armée. Avec des allures populistes, il se fait accepter par le peuple qui veut d'un homme d'actions. Des promesses, il en a faites, mais ce que le peuple ignore (raison pour laquelle on insulte sa conscience), c'est que la procédure administrative pour, par exemple, débloquer des milliards, ne se fait pas du jour au lendemain. Yacouba Isaac ZIDA, venu du néant, pour le Burkinabè lambda, hérite du pouvoir de son bienfaiteur. Quelle audace donc aurait pu pousser ce « jeune » Lieutenant-colonel à faire un « coup d'état » au Général TRAORE ? Qui plus est, pourquoi la haute hiérarchie militaire a-t-elle décidé à l' « unanimité » de mettre aux commandes ZIDA, quand il y avait confusion totale ?
Un Président aux ordres, juste pour des formalités d'usage ?
ZIDA est du RSP, donc un élément clé de COMPAORE. Ce qui fait penser que ce n'est donc pas fortuit, ni par pure audace, que celui-ci retire le pouvoir des mains d'un ainé, dans une institution où la hiérarchie et la discipline passent avant toute chose. Pour étayer ce que nous pensons, une communication téléphonique entre ZIDA et Blaise COMPAORE a été interceptée après le départ de ce dernier à Yamoussoukro. Ce problème réglé à l'interne, la communauté internationale sort son grand jeu par des menaces de sanction, entrainant le retour à l'ordre constitutionnel et l'adoption d'une charte par les différents acteurs de la vie sociopolitique de la nation. La fameuse charte, au départ, excluait les militaires du gouvernement. Celle-ci n'a pas été ratifiée par le président ZIDA, qui a proposé une autre qui lui permettait de venir aux affaires. Faisant suite à cela, Michel KAFANDO est nommé Président de la transition par un collège le 17 novembre 2014. Les aspirations du peuple semblent être comprises par le président KAFANDO, qui a fait l'annonce de l'ouverture du dossier SANKARA et de celui de Norbert ZONGO. En outre, dans une lancée de justice sociale, les dettes internes, selon le président KAFANDO, seront remboursées. Le train de vie de l'Etat a, lui aussi, été réduit à travers l'adoption d'un budget dit d' « austérité ». Annonce après annonce, il est attendu beaucoup du gouvernement de la transition.
Par la suite, personne n'est étonné de voir ZIDA nommé premier ministre du gouvernement de transition. A quoi cela rime-t-il ? Il faut penser qu'après avoir refusé la charte qui l'excluait des affaires, ZIDA s'est fait nommer premier ministre par le président KAFANDO. Il faut bien douter de l'autorité de ce président qui est entouré par le RSP et dont ZIDA en était le N° 2. Il n'est plus président, la transition n'est plus militaire, et comme Vladimir POUTINE, qui devient premier ministre de MEDVEDEV, ZIDA semble diriger dans l'ombre la transition par la force des armes et pour le compte de toute autre personne que le peuple burkinabè.
Le Conseil national de transition (CNT), un doublon aussi budgétivore que l'ex Parlement
La course aux postes a commencé, les diseurs de « Blaise, dégages ! » veulent être aux commandes pour faire leur preuve. C'est bien ce qu'on voulait, que ceux qui crient au changement se retroussent les manches et mettent les mains à la pâte. Mais comme on le dit, on reconnait le bon maçon au pied du mur. Nos vaillants « combattants de la liberté » se sont d'abord battus pour se faire appeler « députés » dans un « Conseil » national de transition. Qu'est-ce que ce titre aurait pu leur apporter ? Ensuite, vient la question cruciale où nombre d'entre eux perdent la dignité, à propos de leurs émoluments. Ces émoluments sont exorbitants, pour des gens qui se plaignaient de la gestion mafieuse du pouvoir du régime COMPAORE. Pire, ces mêmes conseillers avancent qu'ils sont venus trouver des textes qu'ils ne font qu'appliquer...
Ce qui s'apparente à une certaine ironie du sort, du moment où ceux-ci ont été appelés à ces fonctions pour produire des textes qui rompront avec le régime précédent. Il faut noter que même les élus du peuple n'avaient pas un tel salaire, ceux-là qu'ils accusaient de ne rien faire. Après les nombreuses plaintes des populations sur les ondes, la question a été résolue avec un salaire « raisonnable », mais dont certains conseillers ne sont pas très satisfaits pour autant...
Quid du RSP ?
Et « last but not the least », des difficultés surviennent entre le premier ministre ZIDA et ses compagnons d'armes du RSP. En effet, ZIDA a procédé à des nominations qui font beaucoup de mécontents. Ses compagnons du RSP n'hésitent pas à le sommer de revoir ses notes, car avant d'être premier ministre, il est un des leurs. Continuant dans sa dynamique de promesses non tenues, il est obligé de ne pas se rendre au Conseil des ministres hebdomadaire du 4 février dernier, qui est « pris en otage » par les éléments du RSP. Ils exigent son départ de la primature, mais aussi le départ du gouvernement de tous les militaires qui y sont. Yacouba Isaac ZIDA est contraint d'aller se réfugier chez le Mogho Naaba, seul endroit sûr où ses compagnons d'armes, prêts à en découdre avec lui, ne viendront pas. Après des négociations entamées par le président KAFANDO, l'ordre est revenu dans les rangs et ZIDA est maintenu à son poste. Quel a été le rôle du président dans ces négociations, quand on sait que son autorité face aux militaires laisse à désirer ?
De plus, le premier ministre, même s'il a été maintenu à son poste, cela après avoir fui ses compagnons d'armes, a-t-il encore de crédit aux yeux de ceux qu'il gouverne ?
Le rêve brisé des Burkinabé...
Nonobstant tous ces faits, il y a lieu d'avoir des inquiétudes sur ce qu'on peut appeler le « rêve burkinabè », car imaginons un peuple, furieux de voir une famille ou un clan s'accaparer tous les biens de sa nation ! Ce clan commet ensuite des crimes de sang, endeuillant des familles qui attendent des années que justice soit rendue. Enfin, ce peuple se soulève lorsque les tenants du pouvoir veulent mettre la cerise sur le gâteau, car le président veut modifier encore la Constitution pour s'éterniser au pouvoir. Ce soulèvement se solde par une victoire du peuple qui, par le départ du président, espère un changement radical...
L'on dira peut-être que trois mois, c'est tôt pour le changement et, qu'il y a les élections comme priorité, pour ne pas déborder du délai de la transition. Mais que faut-il penser, quand on a l'impression que l'ombre du président déchu plane toujours ? Que faut-il penser quand, en trois mois, on sent déjà la démagogie dans les discours d'un premier ministre qui semble n'être qu'un « bon petit » de Blaise COMPAORE ? Le peuple burkinabè s'est-il fait donc berner ? On le saura bien, avec le temps.
Question à un franc : « Qui est vraiment le maître de la transition burkinabè ? KAFANDO, ZIDA, le RSP ou Blaise COMPAORE ? »
C. O. J. B.
(stagiaire