Tournées du PM: cette méthode a atteint ses limites

| 10.07.2014
Réagir
Faire le terrain c’est bon mais il faut après se donner le temps de la réflexion pour l’action
© DR / Autre Presse
Faire le terrain c’est bon mais il faut après se donner le temps de la réflexion pour l’action
Avril 2011-juillet 2014. Voici déjà 3 années 3 mois que le journaliste Luc Adolphe Tiao, en provenance de Paris où il était ambassadeur, a déposé ses valises de Premier ministre fraîchement nommé, à l'ancien palais présidentiel de Koulouba, à Ouagadougou. Trois ans après sa prise de fonction, que de chemin parcouru dans les coins et recoins du pays pour des visites!

Il ne se passe pratiquement pas, en effet, une semaine ou presque sans que l'on ne fasse écho, dans la presse, d'une tournée de Luc Adolphe Tiao dans telle ou telle contrée. Si ce n'est pas pour visiter les chantiers de 11-Décembre, c'est pour constater de visu le déroulement de l'installation d'une cimenterie, d'une usine de fabrication d'engins, d'inauguration de ceci ou de cela, etc. De Réo à Dori en passant par Dédougou, Fada N'Gourma, Kaya, Ramatoulaye ou Tansarga, le pays a été parcouru d'ouest en est et du nord au sud par le chef du gouvernement. Le record du Burkina-totter Saye Zerbo a même été battu!

La dernière visite en date a été celle effectuée le 8 juillet dans les locaux de la Société de fabrication d'aliments pour bétail (SOFAB) dans la commune rurale de Koubri. La énième.

Une semaine auparavant, Luc Adolphe Tiao avait visité le chantier de la route Sabou-Koudougou-Didyr, le 30 juin. Une énième énième visite. Le même jour, celui-ci était dans la commune de Ténado pour compatir à la douleur de ''ses'' parents sinistrées par les inondations; pour ne citer que des exemples récents.

Ainsi, le Premier ministre (PM) a maintenu le même rythme pour des visites visiblement devenues son sport favori. Mais qu'est-ce qui amène le PM à courir tant dans les villes, villages, communes, provinces et régions du Burkina Faso?

Juste après son arrivée à la primature, ses visites entamées aussitôt avaient reçu une audience favorable auprès de l'opinion publique. Situation nationale obligeait, les tournées dans les régions pour rencontrer les forces vives étaient perçues comme s'inscrivant dans une démarche pouvant permettre d'éteindre un tant soit peu le feu de la crise qui avait atteint une proportion inquiétante. Quoi donc de plus normal que le «journaliste-communicateur» nommé en sapeur-pompier à l'époque par le président Blaise Compaoré prenne son bâton de pèlerin et prêche pour le retour de la paix et de la cohésion sociale qui avaient été fortement ébranlées.

Mais depuis lors, la situation s'est quelque peu améliorée, du moins comparativement à 2011. Il est vrai, la tentative de passage en force envisagée par le pouvoir pour mettre en place le sénat et organiser le référendum pour réviser l'article 37 de la Constitution pourrait réveiller les vieux démons qui sont toujours aux aguets. Mais la situation a connu une amélioration. Le pays n'est pas, quoi qu'on dise, dans un état où l'on a encore la mauvaise nostalgie du couvre-feu en plein jour, de même que le discours à 13 h du chef de l'Etat. Autant dire qu'un calme relatif est revenu depuis 2012. Toute chose qui devait être mise à profit par le chef du gouvernement pour aller au charbon et se consacrer intensément et exclusivement au travail pour le bien-être des populations.

Au contraire, on constate que Luc Adolphe Tiao a maintenu le cap de ses visites effrénées. Sa région d'origine (le Centre-ouest) a été ''beaucoup trop'' (un pléonasme proportionnel au nombre de visites) «servie». C'était des tournées de précampagne et de campagne pour être élu député. Ce qui fut fait; mais pourquoi s'obstine-t-il à effectuer des visites qui, le plus souvent, n'ont pas forcément un impact, ni un enjeu sur la vie et l'avenir du pays? Par exemple, en quoi une unité de production de motos d'un particulier a-t-elle une répercussion sur l'amélioration des conditions de vie des Burkinabè pour mériter la visite d'un chef de gouvernement? Il y a des emplois, certes, mais est-ce vraiment nécessaire de mettre sous le feu des projecteurs une unité au détriment des autres? Il était à Brafaso et on attend toujours la suite...

On le sait, les visites ne constituent pas en soi un problème mais il faut qu'elles servent à quelque chose de positif, de constructif. A ce propos, l'on est tenté de rappeler au Premier ministre qui fait semblant de l'ignorer que la fonction du Premier ministre qu'il occupe est sacrée. A ce titre, il ne faut pas la «désacraliser», à travers des visites parfois banales qui ne méritent pas le déplacement d'une personnalité du rang de chef du gouvernement.

Par conséquent, Luc, comme nous appelons très confraternellement notre confrère, doit cesser de se comporter comme un Premier ministre du tourisme qui vole la vedette au ministre-journaliste en charge du Tourisme. Trop de visites sont suivies d'autant de promesses souvent difficiles à tenir. Il est donc temps que Luc Adolphe Tiao recadre ses sorties en effectuant celles qui sont utiles et nécessaires au lieu de vouloir satisfaire des gens qui en profitent pour faire du marketing politique et commercial.

Certes, il faut éviter de se cloîtrer dans des bureaux au risque de méconnaître les réalités du terrain. Cependant, les visites doivent être ciblées et circonscrites dans la dynamique de la réalisation du programme quinquennal «bâtir ensemble pour un Burkina émergent» qui a du mal à produire ses effets escomptés.

En dépit des tournées multiples et multiformes du PM, la réalité est là: l'émergence promise tarde à se réaliser, laissant du même coup, la place à des grèves et autres mouvements d'humeur devenus monnaie courante. Raison de plus pour se mettre vite et sérieusement au travail. Le pays a arrêté depuis longtemps de travailler.

Depuis le temps qu'il tourne, il sait que les problèmes sont les mêmes et de quoi souffrent les populations. L'heure devrait être maintenant à la recherche de solutions ou d'ébauches de solutions à ces problèmes. Le pays a besoin d'hommes pragmatiques ayant une vision prospective du développement et capables d'anticiper sur des projets et programmes susceptibles de faire bouger les lignes du développement véritable pour le bien-être des populations.

Les Echos du Faso

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité