Renouvellement de l'administration publique : C’est bien, mais attention aux dérapages

| 09.01.2015
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Renouvellement de l'administration publique : C’est bien, mais attention aux dérapages
© DR / Autre Presse
Renouvellement de l'administration publique : C’est bien, mais attention aux dérapages
Le Conseil des ministres, en sa séance du mercredi 7 janvier 2015, a adopté un rapport « relatif à un décret portant modalités de désignation et de révocation des Directeurs généraux des établissements publics, des sociétés d'Etat, des sociétés d'économie mixte à participation majoritaire de l'Etat, des fonds rattachés aux départements ministériels et des projets/programmes de la catégorie A.


Ce décret habilite le Conseil des ministres à nommer et à révoquer directement, durant la période de la Transition, les directeurs généraux, sur proposition des ministres de tutelle technique, sans requérir l'avis des conseils d'administration ou du Comité interministériel de sélection des candidats.

L'adoption de ce décret vise à alléger les procédures de désignation et de révocation des directeurs généraux en tenant compte des délais et exigences de la Transition ».

Cette décision risque de faire encore des gorges chaudes, dans ce Burkina post-insurrectionnel où toutes les décisions des autorités de la transition ne sont pas favorablement accueillies. Pendant que certains y verront une chasse ouverte aux sorcières, d'autres applaudiront à tout rompre. Mais une chose est sûre, le gouvernement Zida semble décidé à marquer de son empreinte cette période transitoire, et l'on est porté à croire qu'il veut s'en donner les moyens.

Ce serait de bonne guerre, même si l'on pourrait s'interroger sur l'opportunité d'une telle décision, en cette si courte période de transition. Certains pensent que cela devrait être du ressort de la prochaine équipe. D'autres, par contre, s'en félicitent et croient voir, au-delà de l'aspect lourdeur de l'administration qui peut retarder la prise de certaines décisions, une façon pour le gouvernement de contourner les Conseils d'administration dont certains auraient pu s'opposer ouvertement à la révocation de certains DG.

Quoi qu'il en soit, l'on peut dire que ce sont les deux faces d'une même médaille, mais le plus important est de voir laquelle des faces sert le mieux les intérêts du peuple et de l'Etat, toutes les deux comportant bien entendu leurs avantages et leurs inconvénients, ainsi que leurs risques.

Cette décision ne devrait pas s'appliquer systématiquement et à tout va

En tout cas, avec cette décision, l'épée de Damoclès plane désormais, ostensiblement, sur la tête des DG, et l'on peut s'attendre à ce que les Conseils des ministres soient attendus avec appréhension par ces derniers, comme au temps de Thomas Sankara, sous la Révolution.

A l'analyse, il y a lieu de croire que le gouvernement a besoin d'une certaine marge de manœuvre et veut se donner les coudées franches dans son action. Cela est tout à fait normal à bien des égards, car, même dans certaines grandes démocraties, à nouveau dirigeant, nouvelle administration. De cette manière, à l'heure du bilan, vous êtes entièrement comptables des actions que vous aurez posées. L'on peut donc comprendre que la transition veuille s'appuyer sur« ses hommes », et surtout rester dans la logique de la cohérence de l'insurrection populaire qui veut un changement en profondeur, avec des hommes nouveaux, en rupture totale avec le système Compaoré. Mais attention aux dérapages ! Attention aux abus, attention au choix des hommes, attention au népotisme et aux mauvaises nominations qui pourraient faire monter le mercure social. Il est bien de ne pas faire les choses à moitié, et de vouloir faire bouger les lignes dans le sens du renouveau, et d'en poser les jalons. Mais il est impératif que les choses se passent dans la transparence, sans précipitation et sur des critères objectifs. Surtout pas sur la base de la délation qui pourrait ouvrir la porte à des règlements de comptes, avec pour effet le manque de sérénité dans les services.

Il est vrai que compte tenu de l'aspect stratégique de certains postes, certaines nominations, sous l'ancien régime, n'étaient pas faites sur la base de la compétence et du mérite, mais sur le degré de soumission et de servilité des intéressés vis-à-vis du pouvoir d'alors. Pour cela, il y a donc un risque à garder certains DG qui, en suppôts fidèles de l'ancien régime, pourraient poser des actes à même de nuire à l'action de la transition. Car, qu'on se le dise, certains Burkinabè n'ont pas encore fait le deuil du défunt régime.

Pour autant, cette décision ne devrait pas s'appliquer systématiquement et à tout va. Il faudrait de la hauteur de vue et de la clairvoyance. Autrement, la transition risque de se tirer une balle dans le pied, si elle devait, aveuglément, fouetter dans le tas. Attention à la manipulation ! Et appuyez-vous sur des renseignements bien recoupés et fiables.

Maintenant que le ton est donné, faut-il s'attendre, dans les prochains jours, à une grande valse des DG ? Wait and see.

Outélé KEITA

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