Paul Kaba Thiéba, nouveau PM : Faut-il faire crédit à… ce banquier ?

| 08.01.2016
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Paul Kaba Thiéba, nouveau PM : Faut-il faire crédit à… ce banquier ?
© DR / Autre Presse
Paul Kaba Thiéba, nouveau PM : Faut-il faire crédit à… ce banquier ?
Habemus PM ! Nous avons un Premier ministre. Enfin, devrait-on dire, car, pour reprendre nos cyberlecteurs, « même l’élection du pape n’a pas pris autant de temps ». Son nom : Paul Kaba Thiéba, un fringant quinqua originaire de Kouy à une vingtaine de kilomètres de Tougan et né le 28 juillet 1960 à Bobo-Dioulasso. On a beau dire que la perle était si rare à trouver dans ce Burkina de 17 millions d’âmes qu’il fallait prendre tout le temps nécessaire pour la dénicher afin de ne pas se tromper sur la personne, on reste songeur.


Tout s’est passé comme si c’est seulement depuis son investiture le mardi 29 décembre 2015 que le nouveau président, Roch Marc Christian Kaboré, pourtant élu depuis plus d’un mois, a découvert qu’il lui fallait un chef de gouvernement.

Alors qu’on pensait qu’après sa prestation de serment et l’élection de Salif Diallo le lendemain au Perchoir, sa machine à gouverner partirait sur des chapeaux de roues.

Comment dans ces conditions les Burkinabè peuvent-ils ne pas voir dans ce difficile accouchement la guerre de clans larvée que les RSS traînent depuis l’époque du CDP et qui n’a pas forcément disparu parce qu’ils avaient un ennemi commun à abattre et qu’ils sont maintenant au MPP ? A moins que ce ne soit la fameuse règle non écrite de l’équilibre ethno-régionaliste (et dont du reste il faut qu’on se départisse si on veut former une vraie Nation) qui ait constitué la source du blocage.

Mais passons. En tout cas pour être rare, l’oiseau qui s’est posé hier avec la libellule de fer l’est tellement qu’il est inconnu au régiment. Normal puisqu’après un Bac C décroché en 1979 au Lycée Zinda et un doctorat de 3e cycle « option monnaie, finance, banque » en 1987 à l’université de Grenoble II, il a jusque-là fait sa carrière professionnelle à l’étranger. D’abord en France à la Caisse des dépôts et consignations, puis à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Dakar qu’il a intégrée en 1993 et dont il était depuis février 2014 l’Administrateur délégué du Fonds de stabilité financière. C’est donc là, dans la filière BCEAO si on peut dire, que les radars du nouveau locataire de Kosyam ont localisé celui qui est maintenant son Premier ministre.

Pour une «tête» comme on dit souvent, c’en est une, de sorte que, question compétence, on ne devrait pas s’inquiéter outre mesure au regard du cursus de l’occupant de la Primature. Même si, pour faire cliché, c’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon qui, tout en imprimant sa patte personnelle, va poser les fondations de ce Burkina nouveau que tout le monde appelle de ses vœux selon le plan (programme de gouvernement) de son mandant.

Mais si côté capacité, son expérience, ses états de service plaident en faveur de ce technocrate pur jus, politiquement, puisque la fonction est éminemment politique ne l’oublions pas, c’est une autre histoire. A priori, le fait d’être vierge sur ce terrain-là est à la fois un atout et un handicap. N’ayant pas (encore) la carte du parti au pouvoir, n’étant pas du sérail et n’ayant de ce fait pas d’ambitions politiques (à moins qu’il ne se découvre une vocation tardive), il est censé être au-dessus des querelles de clocher qui ne manquent jamais dans de grandes formations tel le MPP ; et devrait donc avoir des coudées franches pour travailler à équidistance des différentes chapelles et à l’abri des intrigues de cour. Il se trouve que ne pas être un habitué des eaux saumâtres du marigot politique national où nagent de gros prédateurs peut être aussi son talon d’Achille, car l’agneau innocent qui vient de naître a vite fait d’être croqué par les ogres de la faune politique s’il ne va pas dans le sens qu’ils souhaitent.

Cela dit, les gourous du régime auraient tort de ne pas lui faciliter la tâche, car si Thiéba devait échouer, ce serait un échec collectif qui n’épargnerait personne. Au demeurant, lui pourrait retourner tranquillement à la Banque des banques ou ailleurs quand Ouagadougou pourrait devenir subitement petit pour les politiciens professionnels. Mais on n’en est pas encore là. Il faut de prime abord faire crédit à ... ce banquier, et tout le mal qu’on souhaite au nouveau venu, c’est de réussir sa mission pour le bien-être des Burkinabè. Une chose est sûre, vu les attentes, nombreuses dans ce Faso post-insurrection, il ne va pas chômer, dans la mesure où il hérite de ce poste à un moment où le pays amorce sa reconstruction aussi bien politique qu’économique et sociale, et même mentale.

Ousseni Ilboudo

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