Que dire de cette équipe de combat, censé tracter la transition jusqu'à bonne gare ?
Outre, la présidence, Michel Kafando compte se mouvoir dans son élément devenu naturel : la diplomatie, en gardant les affaires étrangères, un ministère de souveraineté, qu'il compte bien rehausser, par son expertise personnelle.
Le Premier ministre Yacouba Isaac Zida s'octroie lui aussi, un autre département de souveraineté : la défense, poste-clef, s'il en est, dans un pays où l'armée, a toujours été au cœur du pouvoir depuis 1966, pour ne pas dire qu'elle est le pouvoir. Du haut de cet observatoire, le Lt-cl Zida pourra tracer les contours de la réforme de son corps : le Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Un chantier très important de cette transition, quand on sait qu'à la faveur de la mutinerie de 2011 et même avant, la Grande Muette, avec des sautes d'humeur, rappelait régulièrement au politique qu'il y régnait un malaise : autant de coups de semonce, auxquels vient s'ajouter le cas du RSP, véritable armée dans l'armée. Il faudra trancher ce nœud gordien !
Le Premier ministre à quelques piliers sur lesquels il peut s'appuyer pour ce programme transitionnel :
- avec d'abord, le colonel Auguste Denise Barry, qui retrouve le Ministère de l'administration territoriale et de la sécurité, département qu'il avait dirigé, quelques semaines. Brillant officier, le cl Barry aura à suivre de près les réformes relatives aux scrutins de 2015 ;
- il y a aussi le colonel Boubacar Bâ qui atterrit au Ministère des mines. Précédemment chef de division de l'état-major général des armées, il est l'œil et l'oreille du chef du gouvernement, dans ce secteur générateur de ressources pour le Burkina. A titre d'exemple, l'exportation de l'or au titre de 2013, a rapporté 800 milliards de FCFA. Ce sera l'occasion de secouer le cocotier, notamment sur les permis d'exploitation, les contrats, bref de voir clair dans un domaine qui était devenu la vache à lait d'un clan pour ne pas dire d'une famille ;
- enfin, il y a le colonel Kabré David qui est désormais au sport. Il sera un précieux allié du Premier ministre. Ce gouvernement ne manque pas d'atouts, ou d'as si l'on s'en tient à quelques fortes individualités connues ou inconnues.
Tel Augustin Loada, constitutionnaliste, qui devra consolider les acquis laissés par ses prédécesseurs que sont Soungalo Ouattara et Vincent Zakané. A commencer par les syndicats.
- Il y a René Bagoro, qui dirigera l'habitat et l'urbanisme. Il a étéà la tête du tout puissant Syndicat burkinabè des magistrats (SBM). Il s'était rendu célèbre, en estampillant «d'illégal» la carte d'électeur de 2010, ce qui, à l'époque, avait occasionné le départ des ministres de la justice et de l'administration territoriale ;
- Moumouni Djiguemdé, à qui échoit le Ministère des infrastructures et du désenclavement, est, dit-on, aussi très compétent ;
- de même que le jeune Frédéric Nikièma, qui va s'occuper de la communication et des relations avec le CNT, lui qui a fait ses preuves à l'extérieur et au Centre pour la gouvernance démocratique (CGD). C'est le «petit» de Loada, qui hérite d'un portefeuille sensible, en cette période de transition, où chacun voyant midi à sa porte, entend qu'il soit midi partout. Fils d'Aimé Nikièma, figure de proue du MBDHP et ami d'Halidou Ouédraogo, «Frédi» a les ressources pour ce poste.
L'équilibre régional et politique semble avoir été respecté : du Nord au Sud et d'Est en Ouest, toutes les composantes ethno-régionales s'y retrouvent. Politiquement par exemple, l'UNIR/PS par Samadou Coulibaly, s'empare d'un ministère à problème, celui de l'éducation nationale, où le continuum est une patate chaude que lui lègue Koumba Boly.
Le professeur Filiga Michel Sawadogo du MPP, retrouve ses vieilles amours, en étant bombardé ministre de l'enseignement supérieur. Ex-recteur, enseignant à l'université, il connaît le département.
Le seul couac dans ce gouvernement semble être le cas Adama Sagnon. Ex-procureur du Faso, ayant géré, peu ou prou, le dossier Norbert Zongo, il a été nommé à la culture. Il n'avait même pas rejoint le «Salon Murat» (lire page...) du palais de Kosyam, qu'une bronca des agents de son ministère se fit entendre : pas question qu'il dirige le département. Il est tout simplement reproché à Adama Sagnon d'avoir été de ceux qui ont conduit à un enterrement de première classe, le dossier Norbert Zongo, en déclarant le non-lieu. Erreur de casting ? Où tout simplement désir d'associer comme le veut la charte, des éléments de l'ex-régime ?
En lame de fond, le cas Sagnon est un exemple symptomatique du piège qui guette ce gouvernement de transition : comment corriger les travers et les dérives, de l'époque Comppaoré tout en travaillant dans l'optique de réussir la transition ?
Dépatrimonialiser le pouvoir, débusquer les fortunes sans histoires, traquer les délinquants à col blanc, mais aussi ceux qui ont les mains tachées de sang en somme instaurer une sorte de transition dictatoriale vertueuse, sans hypothéquer davantage l'avenir de ces générations, qui ont trop longtemps attendu leur heure. Telle est la lourde mission qui incombe aux «26 soldats»du Lt-cl Zida.
En vérité, il s'agira d'allier «décompaorisation» et transition. Or, Blaise Compaoré, c'est presque trois décennies de règne sans partage. La transition durera 12 mois. Un chantier immense. C'est pourquoi, cette équipe devra s'atteler à l'essentiel, ne pas être obnubilé par l'ombre, mais être rivé sur la proie. Pouvoir réconcilier les Burkinabè avec eux-mêmes, et tracer les linéaments d'élections exemplaires en 201, tel doit être le tableau de bord qui devra guider l'équipe de Zida I. Tout le reste pourrait s'apparenter à des futilités ou discours oiseux.
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