Hier après-midi dans la petite salle de l'hôtel Da Vinci au square Nelson Mandela, où une partie de la délégation burkinabé a établi ses pénates, il y avait un échantillon représentatif des quelque trois cents Burkinabé vivant en Afrique du Sud, avec à sa tête l'ambassadrice, Salamata Sawadogo. Il y a là le personnel de la représentation diplomatique, des fonctionnaires internationaux, des étudiants, des commerçants dont un s'autoproclame « businessman » ; une communauté « petite par la taille mais grande par l'esprit de solidarité qui l'anime » selon les termes de madame Sawadogo.
Pour le chef du gouvernement, cette rencontre était une occasion « pour donner des nouvelles du pays », même s'il sait que depuis l'Afrique du Sud, son auditoire a l'oreille collée au Burkina, et la transition, de son point de vue, se passe relativement bien. « Plus on s'approche des échéances électorales, plus l'effervescence monte. Certains disent qu'ils vont gagner au quart de tour ; pour d'autres ¨on gagne ou gagne¨ mais nous , nous sommes sereins, et les élections auront lieu à bonne date. C'est vrai que nous avons un GAP d'environ 13 milliards pour le budget de l'organisation, mais nous avons des promesses de financement, et si d'aventure il y avait toujours un manquant, on trouverait les ressources dans le budget de l'Etat. »
A ses concitoyens qui s'interrogeaient sur les pressions exercées par la CEDEAO , l'UA et d'autres partenaires du Burkina pour l'inclusion des anciens gourous de la majorité aux prochains scrutins, le PM, tantôt railleur, tantôt ferme a affirmé qu'il était trop prématuré de remettre dans le jeu politique ceux par qui la crise est arrivée. Avant d'ajouter : « Ce n'est pas de l'exclusion, c'est pour permettre aux élections de bien se dérouler. Le code électoral a été voté, c'est la volonté du peuple, et quelles que soient les pressions, nous allons avancer ».
L'insurrection a aussi permis l'alternance au CDP
En marge du sommet de Jo'burg, la troisième réunion du groupe international de suivi de la transition s'est du reste tenue, et si la question de l'inclusion/exclusion est revenue sur le tapis, ce ne serait pas, à en croire Zida, sous forme d'injonction ou de condamnation : «Tout le monde appelle à... souhaite, invite à...mais on oublie qu'avant ceux dont on parle, il y a eu d'autres exclus puisque les autorités de la transition ne peuvent pas briguer de mandats électifs. Moi, qui parle, je ne peux même pas être maire de mon village. J'ai fait quoi pour mériter ça ?». Selon ses confidences, on aurait du reste tort de penser qu'au sein de la CEDEAO ou de l'UA tout le monde chante le refrain de l'inclusion, surtout que, jusqu'au bout, certains chefs d'Etat auront tenté de dissuader Blaise Compaoré . Et en privé, certains ne se priveraient pas de dire ce qu'ils pensent vraiment.
Puis il assène, un rien moqueur, provoquant l'hilarité dans la salle : « Les gens du CDP doivent même être les plus heureux, car l'insurrection leur aura permis de réaliser l'alternance en leur sein. Autrement, Eddie Komboigo allait faire comment pour être à la tête du parti ? D'ailleurs pour des gens qui ont rempli des stades recto-verso, si on exclut deux ou trois personnes, il reste encore des dizaines de milliers d'autres pour porter leurs couleurs»
Indisciplinés, le colonel Zida arrive !
Le PM a aussi évoqué avec ses interlocuteurs du jour, l'idée d'un changement de constitution et le passage à une 5e république qui fait son chemin dans certains cercles. Avec l'éventualité d'élections triplées présidentielle-législatives-référendaire pour voter du même coup le projet de loi fondamentale qui aurait été élaborée ; « Ce serait bien, dit-il, d'avoir une nouvelle constitution aujourd'hui que les forces politiques sont équilibrées . » Et en attendant ce texte, l'actuelle constitution « qui a été plusieurs fois rafistolée et charcutée au gré des dirigeants de l'époque » sera relue pour verrouiller notamment l'article 37 et l'affaire serait déjà dans les tuyaux législatifs ».
Un autre problème qui préoccupe les Burkinabé vivant au pays de Mandela, c'est la montée de l'incivisme au Burkina et l'érosion continue de l'autorité de l'Etat. Tout en donnant des explications sociopolitiques à ces phénomènes, dus notamment à une crise de confiance entre le citoyen et la puissance publique, Yacouba Isaac Zida a affirmé que depuis quelque temps, son gouvernement essaie de redresser la barre. En témoigne la reprise des travaux à True Gold où les populations de Namissiguima, après avoir détruit le matériel de la société aux premières heures de la transition, l'empêchent depuis de fonctionner. Au motif que la présence de la mine allait polluer le lieu saint de l'islam qu'est Ramatoulaye. « J'ai dit au cheikh, confie le premier ministre, que son attitude confine à la rébellion. Et que si c'était le cas, qu'il se prépare parce que nous arrivons ». Même chose à la SAP où l'Etat a dû utiliser la méthode forte pour faire déguerpir une partie des travailleurs qui bloquait l'entreprise depuis des mois. Tous les indisciplinés et les empêcheurs de travailler sont donc prévenus : le lieutenant-colonel Zida ne badine pas, même si, convient-il, il faudra du temps pour restaurer l'ordre et la discipline
Notons que Zida avait à ses côtés la ministre Viviane Ouédraogo/ Boni de la Promotion de la femme et Saidou Maiga de l'Environnement et des Ressources halieutiques
Ousséni Ilboudo
à Johannesburg