Moumouni DIEGUIMDE : Victime ou coupable ?

| 05.01.2015
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Moumouni DIEGUIMDE : Victime ou coupable ?
© DR / Autre Presse
Moumouni DIEGUIMDE : Victime ou coupable ?
Le gouvernement ZIDA est à la peine. Après la contestation de la nomination d'Adama SAGNON au département de la culture, qui s'est finalement désisté, c'est autour du ministre Moumouni DIEGUIMDE d'être sur le gril. Dans son ministère, un syndicat, qui a avec lui une partie de l'opinion publique, remet en cause sa probité. Dans la presse et sur les réseaux sociaux, son passé est exhumé pour le disqualifier. Et voilà le nouveau ministre des Infrastructures du Désenclavement et des Transports dans la tourmente. Autant dire que le gouvernement ZIDA1 est encore en mauvaise posture. Le dimanche 28 décembre, le ministre accusé est sorti du silence pour, devant la presse, laver son honneur. Entouré de ses plus proches collaborateurs, il s'est expliqué point par point sur tous les griefs qui lui sont opposés. De son passé aux éventuels marchés de plus d'un milliard de FCFA passés de gré à gré, rien n'a été omis, ni occulté. A-t-il convaincu ? «Que celui qui n'a jamais péché, lui jette la première pierre...», dirait l'ecclésiastique.


Moumouni DIEGUIMDE, en 1996, a été impliqué dans une histoire de certification d'un avion pour le compte d'un richissime homme d'affaires malien, Babani SISSOKO, et a été condamné à quatre (o4) mois d'emprisonnement ferme selon des documents circulant sur le net. Mais après ce triste épisode de sa vie, tout porte à croire que l'intéressé s'est ressaisi et est devenu une haute personnalité de l'aviation civile internationale. La preuve, jusqu'à sa nomination par le Premier ministre ZIDA, il était l'ambassadeur de notre sous-région auprès de l'OACI. Et voilà, parce que la charte de la transition dit en son article 15 que toute personne appelée aux affaires doit être d'une probité irréprochable (comme si cet homme existait sur cette terre), DIEGUIMDE est devenu un paria dans son propre pays. Il est traité d'ex-bagnard dépourvu de bagage intellectuel donc disqualifié pour assumer la charge à lui confiée. Alors, l'homme d'exhiber publiquement ses diplômes pour se justifier. Naturellement son cas fait les choux-gras de la presse qui a «exhumé» les attestations de sa condamnation comme preuve de sa vilénie.
Au ministère, Mbi YAMEOGO et ses camarades, qui ont animé une conférence de presse, disent qu'il «a passé des marchés de gré à gré de plus d'un milliard, des marchés dit-on pour la construction et le bitumage des rues pour la résidence privée et la ferme du Président Michel KAFANDO. De même, il lui est reproché de mettre des ralentisseurs sur la nationale qui mène à l'église du Premier ministre ZIDA.»

Mémoire en défense

Devant la presse, s'expliquant, M. DIEGUIMDE d'entame dira : «Notre pays est dans une phase de transition, et ce n'est pas des plus faciles. Il est important que nous retenions tous que le Burkina Faso, est notre pays, nous l'aimons, je salue ceux qui ont écrit, même avec virulence, car je comprends que c'est peut-être pour construire ce pays. On a tous laissé faire jusqu'à un moment où je pense qu'il est très important que l'humble serviteur que je suis à vos côtés, puisse vous rencontrer pour que lumière soit faite, sur tous les points et que l'on apprenne tous comment nous procédons, comment les travaux se font. Et que nous puissions avoir l'appui des uns et des autres. Parce que la transition est un œuf, elle peut réussir comme elle peut échouer. ... Je viens devant vous, sans avoir la prétention d'être un homme propre, pur, saint, ... Vous avez devant vous, un homme avec tout son potentiel, mais avec aussi ses insuffisances. Je travaille chaque jour de ma vie sur moi-même, pour être un exemple, pour mes enfants, pour ceux qui me côtoient, pour être le plus constructif possible. Je n'ai rien à cacher. Si Dieu a voulu que je sois ministre des Infrastructures du Désenclavement et des Transports, à cet instant-là, c'est sa grâce. Ce n'est pas que je sois plus intelligent que qui que ce soit.» Après cette introduction, parole fut donnée aux journalistes pour poser leurs questions. Moumouni DIEGUIMDE a-t-il fait la prison aux Etats-Unis oui ou non ? Pour mieux se faire comprendre et faire comprendre le contexte dans lequel les choses se sont passées, le ministre est revenu sur l'historique de l'affaire : «On tire un peu trop sur cette situation. Air DABIA devait être construit par M. Babani SISSOKO, j'étais déjà en fonction aux Etats-Unis, quand un groupe a voulu lui vendre un avion, un 727-200 pour 17 millions de dollars. On m'a demandé de l'aider à acquérir l'avion, car dans le cadre de ma fonction, je n'étais pas mêlé à Air DABIA. De 17 millions de dollars proposés, mon expertise a permis de baisser le prix à 2,4 millions de dollars. Ce qui n'a pas fait des heureux chez les Américains. Dans ce genre d'affaire, très vite, on se fait des ennemis. Comme vous le savez, avec tout le respect que j'ai pour l'Amérique, avec toutes ses potentialités,...quand vous êtes Noir, quand vous êtes de surcroît Africain, et vous interférer dans une affaire de la sorte, ce n'est pas facile. Deux ans plus tard, M. Serge COMMINGES, secrétaire de M. SISSOKO, me joint au téléphone et me dit qu'il veut se porter acquéreur de deux hélicoptères démilitarisés enregistrés par le FAA, (l'aviation civile américaine), nous avons besoin de votre aide. J'ai appelé mon avocat, nous avons regardé le dossier, mais par intuition, je n'ai pas senti l'affaire. Je le lui ai dit. Mais un transitaire devait néanmoins s'occuper de l'affaire. Mais ledit transitaire n'a pas respecté les clauses du contrat. J'ai demandé à ce que le contrat soit annulé. J'ai demandé à M. John PELTIER, qui est un assureur et officier de police en temps libre, d'aider mes amis à l'acquisition des deux hélicoptères. A ma grande surprise, on m'appelle un samedi à 4 heures du matin, et on me dit que je suis mêlé à un complot pour vendre des avions militaires hors du territoire américain sans le certificat d'exportation. Voilà comment j'ai été interpellé. Cette affaire n'a pas pu aller en justice. C'était une humiliation certes, ça m'a blessé... Parce qu'un avion ne peut pas être à la fois militaire, être vendu par un particulier, et être vendu avec un cachet de certification et de navigabilité de l'administration fédérale de l'aviation civile américaine.

Après cet épisode difficile, je suis resté en paix aux Etats-Unis, où j'ai continué mes études et mes occupations. Si ce qui m'est arrivé en 1996 était à refaire pour défendre un frère, je le ferai. J'ai agi dans ce milieu avec courage et conviction. Je n'ai pas honte de ce qui est arrivé, mais ça n'a pas pu aller aussi loin que certains le prétendent. C'est vrai, M. SISSOKO, dans sa simplicité et dans sa gratitude, a donné de l'argent au douanier américain qui s'est promis d'aller à Washington pour débloquer l'affaire, ce qui était du faux car il est apparu qu'on cherchait une excuse pour dire qu'il voulait corrompre un douanier dont le nom est même assez évocateur, «Outlaw», ce qui veut hors-la-loi.»

Sur les soupçons d'immatriculation d'aéronefs pour le Hadj avec la société de transport STMB, les marchés qu'il aurait passé gré à gré avec des entreprises pour la construction et le bitumage de voies d'accès à la résidence privée du président KAFANDO et à l'église du Premier ministre, le ministre DIEGUIMDE a préféré laisser ses collaborateurs intervenir, chacun, en fonction du dossier le concernant. Et il termine : «En 2003, quand j'ai fini avec mon master en relations internationales après la qualification de mon diplôme aéronautique, spécialisé dans les aéroports, et après avoir été accepté comme le premier Burkinabè membre des exécutifs américains professionnels de l'aéroport, la communauté internationale m'a établi ambassadeur de toute la sous-région au Conseil de l'OACI. Est-ce qu'il y a eu problème de moralité du moment où ça n'a pas empêché tout cela ?»

On le voit, le ministre plaide la bonne foi et estime avoir suffisamment payé pour que cette affaire continue d'empoisonner sa vie. Le fait d'avoir eu ces démêlés avec la justice américaine suffit-il pour qu'il soit marqué à vie au fer rouge et désormais dépourvu de moralité ? Devrait-il être considéré toute sa vie comme un personnage «sans moralité» ? Assurément, il y a comme de l'excès dans cette affaire comme si on voulait continuer à faire payer à M. DIEGUIMDE des actes qui ne sont plus d'actualité. A chacun son opinion. Pour notre part, et personne ne peut nous soupçonner de vouloir favoriser la transition, on devrait faire attention à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Si M. DIEGUIMDE avait voulu dissimiler le fait et avait été pris, cela aurait été une faute. Mais, tel n'étant pas le cas, doit-on lui refuser «ad vitam eterna» un certificat de bonne moralité ?

Pouloumdé ILBOUDO

Quelques témoignages dignes d'intérêt

M. Mahamadi OUEDRAOGO, administrateur général de STMB Tours : Pour ce qui est de l'immatriculation d'aéronefs pour le hadj de 2010. «En 2010, je peux vous dire avec certitude et avec des preuves pour ceux qui le souhaitent, qu'il n'y a jamais eu d'immatriculation d'aéronefs pour le hadj 2010. Jamais ! Jamais ! Celui qui pense ou qui a les preuves et qui dit que pour le hadj de 2010, STMB Tours et le ministre ici présent, alors Directeur général de l'aviation civile, ont immatriculé frauduleusement des aéronefs pour le hadj, qu'il nous en apporte les preuves. A chaque édition du hadj, il y a toujours un appel d'offre que STMB Tours postule. Après avoir pris le temps de chercher ses partenaires techniques. STMB Tours n'a pas d'avions, c'est une fois après avoir obtenu une convention avec un partenaire technique, qui peut trouver des avions que nous postulons au marché d'appel d'offres du MATDS. En 2010, nous avons postulé et nous pouvons vous renvoyer dans les archives du ministère de l'Administration territoriale parce que c'est ce ministère qui organise les appels d'offre du pèlerinage en collaboration avec le ministère des Transports. En 2010, nous avons travaillé avec Ethiopian. Cette compagnie m'a affrété un avion qui est venu d'Atlanta. Après la signature de la convention avec l'Etat, il y a un contrôle qui s'effectue là où se trouve l'avion, nous sommes partis de Ouagadougou avec deux des inspecteurs de l'aviation civile burkinabè pour l'inspection de l'avion. S'il y a eu des immatriculations d'avions en 2010 pour le hadj ça ne concerne pas STMB Tours. Je suis catégorique. Notre agence a fait le pèlerinage de 2007, 2008, 2009,2010, 2011.»

Abel SAWADOGO, directeur général de l'Agence nationale de l'aviation civile (ANAC), «je voudrais faire une petite mise au point par rapport à l'immatriculation des aéronefs. Dans le cadre de la desserte de notre pays, c'est notre rôle. Dans ce cadre, il y a des structures, même vous, vous pouvez, si vous avez une entreprise, vous pouvez librement venir à l'aviation civile, demander d'exercer une activité aérienne. Nous avons nos procédures et nos règlementations en la matière. S'agissant de la compagnie SAEG dont il est question et dont le directeur général Moumouni DJIGUIMDE à l'époque a signé, c'est une entreprise de droit privé burkinabè installée au Burkina Faso qui a demandé cette autorisation d'exercer cette activité, ce qui lui a été autorisé d'où la signature du directeur général en bonne et due forme. Au départ, cette société devait faire des vols entre Bobo et Dubaï vols Cargo surtout. Et c'est d'ailleurs ce que le directeur général de l'époque avait imposé comme condition avant d'accepter de signer l'autorisation. Mais cela n'avait rien à voir avec le hadj.»

Michel KAFANDO, directeur des marchés publics : «Marché de gré à gré, présentement même on parle de marché par entente directe. Il y a une procédure bien établie. Il est bien vrai que les ministres sont des autorités contractantes, mais un ministre ne peut pas autoriser un marché de gré à gré, sans passer par la procédure qui consiste à faire une demande, au ministère de l'Economie et des Finances, c'est suite à l'autorisation du ministre de l'Economie et des Finances et après l'autorisation du conseil des ministres puisque le dossier du pressenti est discuté en conseil des ministres, si le montant est supérieur à 100 millions. Pour ces cas-ci, je me dis que ce sont de gros travaux, et on ne devrait pas voir des travaux commencer sans que le dossier ne passe en conseil des ministres. Pour ma part, en tant que directeur des marchés du ministère, c'est ici que j'entends parler de ces marchés. De tels dossiers ne nous ont pas encore été transmis par qui que ce soit pour une quelconque demande d'autorisation à faire.»

Issa NANA, Directeur général des Ouvrages d'art : «En ce qui concerne les aménagements de 5 rues (soit 1 km 200) à Wemtenga (résidence privée du président KAFANDO) et de la route Ouaga-Komsilga passant par Brafaso soit 16 km 500 (route du champ du chef de l'Etat), ce sont des travaux d'urgence dont nous sommes en train de préparer les devis. La procédure est que si nous avons des travaux d'urgence comme ça, c'est la direction générale des ouvrages d'arts à travers sa direction des études et de suivis qui évalue les travaux et nous les corrigions. A l'heure où nous vous parlons (dimanche 28 décembre 2014), le ministre n'a même pas encore les montants de ces travaux. Les 5 rues font 468 millions. Pour la route Ouaga-Komsilga qui passe devant Brafaso, d'une longueur de 16, 500KM, c'est de l'entretien et ça fait 212 millions de CFA et le total des deux fait 681 millions.»

Adama Luc SORGHO, directeur général de l'entretien routier : «Je voudrais vous donner l'information par rapport aux ralentisseurs. C'est la direction générale de l'entretien routier qui s'occupe de tout ce qui est ralentisseur au niveau du réseau routier national. Dans ce cadre, nous avons prévu par anticipation, des ralentisseurs à construire sur tout le territoire. Mais très souvent, sur demande de certains établissements, nous intervenons pour ériger ces ralentisseurs. C'est ainsi que nous avons reçu une lettre de demande de ralentisseurs le 23 décembre 2014, demande formulée par la Mission biblique internationale qui se trouve sur la nationale 5. En général, quand nous recevons ces demandes, on essaie de voir si on a toujours des entreprises sur le terrain qui vont intervenir. Mais il se trouve que lorsque nous avons reçu cette demande, nous avons épuisé le lot de ralentisseurs que nous avons prévus pour 2014. Et nous avons prévu réaliser pour 1, 5 milliard FCFA de ralentisseurs pour 2015 mais dont les marchés ne sont même pas encore passés. Parce qu'on n'a même pas encore un budget. L'église a demandé 4 ralentisseurs, parce que la zone est accidentogène et dans la mesure où cette demande intervient sur une route nationale, il était indispensable de l'exécuter. C'est pourquoi nous avons sur un marché par ordre de commande que l'on peut renouveler 2 fois. C'est ainsi que nous avons demandé à l'entreprise de venir évaluer les travaux avec les agents du projet ZACA et de la direction générale des infrastructures de la ville de Ouagadougou. Les PV d'évaluation et de constat des travaux sont disponibles pour qui veut vérifier. Tout a été évalué par des agents de plusieurs directions et comme les prix de l'entreprise sont connus, on va les appliquer. Et nous les avons appliqués et nous sommes à un montant de 47 millions y compris la démolition, l'enlèvement des préfabriqués et la construction des ralentisseurs et quand nous apprenons qu'on parle d'un milliard... ».

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