Mais lorsque l'on jette un coup d'œil dans le rétroviseur, l'on se rend compte qu'au bilan des sept mois déjà épuisés dans la marche de la Transition, les choses n'ont pas véritablement bougé pour ce qui est de l'amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption. Les espoirs suscités avec la nomination de Luc Marius Ibriga à la tête de l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat (ASCE) se sont vite effrités au fil du temps. Monsieur Propre, comme on l'appelle, s'est morfondu dans une omerta quelque peu décevante. C'est à croire que les Burkinabè ont déjà commencé à déchanter car tout est toujours comme avant dans le domaine de la lutte contre la corruption.
Pendant de longues semaines, Luc Marius Ibriga a donné l'impression de travailler dans l'ombre pour retrouver les vieux dossiers de corruption, les dépoussiérer et les transmettre à la justice pour traitement diligent. Mais sept mois après, le bilan est mitigé, pour ne pas dire négatif. En tout cas, il est largement en deçà de ce que les insurgés et les martyrs étaient en droit d'attendre. Car la corruption, le favoritisme, le despotisme, l'enrichissement illicite, la mal gouvernance, l'injustice, etc. sont autant de pratiques pernicieuses qui avaient gangréné l'administration publique sous le règne de Blaise Compaoré, et qui ont d'ailleurs favorisé sa chute. Va-t-on nous dire que jusqu'aujourd'hui, le Monsieur Propre de la Transition continue de travailler dans l'ombre? Si tel est le cas, l'on est bien parti pour terminer la Transition sans que Ibriga ne quitte l'ombre sous laquelle il dit travailler depuis sept mois...
Certes, depuis deux mois, l'on a assisté à une série d'interpellations de personnalités de l'ancien régime accusées, pour la plupart, de mauvaise gestion dans les sociétés d'Etat, les administrations publiques ou les collectivités territoriales. Mais il s'agit là d'actions populistes, beaucoup plus apparentées à des règlements de comptes ou une envie de plaire aux insurgés qu'à une réelle volonté de combattre la corruption.
Au demeurant, ce qui est demandé au gouvernement de la Transition n'est certainement pas de réinventer la roue en matière de bonne gouvernance et de traque des corrompus et des corrupteurs. La durée très limitée de la Transition ne permet pas non plus aux autorités du régime éphémère d'aller fouiner dans toutes les administrations publiques pour détecter tous les cas de mauvaise gestion de deniers publics. Mais il aurait fallu tout de même faire la lumière sur tous les cas déjà indexés par l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat. On se souvient de la fameuse liste publiée par l'ASCE. On se souvient aussi des accusations de mauvaise gestion au ministère des Enseignements secondaire et supérieur mettant en cause l'ancien ministre, Joseph Paré. On se souvient aussi du cas des villas de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) qui avait mis en cause certaines personnalités de l'ancien régime dont Paramanga Ernest Yonli. La liste est longue et le minimum que la Transition aurait dû faire, c'était de dire aux Burkinabè à quel niveau se situe chacun de ces dossiers.Sur ces cas précis, c'est donc le silence qui indigne le plus.
Un travail de fond est peut-être effectivement en cours et de façon souterraine pour sanctionner les auteurs de corruption. Dans ce cas, il y a lieu, dans un élan de redevabilité et de transparence, d'en parler aux Burkinabè et lever ainsi le mystère sur certains cas emblématiques.
On n'oubliera pas pour autant le coup d'accélérateur donné sur l'affaire Ousmane Guiro, du nom de l'ancien directeur général des Douanes du Burkina qui devrait passer à la barre dès lundi dans le cadre des assises criminelles. On ne saurait également passer sous silence la loi sur la corruption adoptée en mars 2015 par le Conseil national de la Transition et l'opérationnalisation de la Haute cour de Justice. Qu'à cela ne tienne, ce sont les actions fortes qui manquent le plus. Et il est temps que les autorités de la Transition frappent plus fort dans la fourmilière et communiquent davantage sur ce qu'elles font en matière de lutte contre la corruption. Car pour l'instant, rien ne semble avoir changé dans les comportements des acteurs impliqués dans la gestion des deniers publics. Pour preuve, il y a déjà une forte odeur de corruption qui se dégage autour de la procédure de passation des marchés de construction des infrastructures du 11-Décembre 2015 à Kaya. De tels comportements achèvent de convaincre que tout est toujours comme avant dans le comportement des Burkinabè et il y a lieu de redouter une seconde insurrectionsi tant est que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets dans les mêmes conditions de température.
Par D. Justin SOME