«Réussir des élections libres, ouvertes, transparentes et apaisées», c'est le rôle principal de la Transition, à en croire le chef du gouvernement, Yacouba Isaac Zida. Dans son scriptus de 64 pages sur l'état de la nation, le Premier ministre, tout de blanc vêtu, a fait le bilan des actions menées par son gouvernement. Sur un ton plutôt posé, il a tenu en haleine l'Assemblée, invitant les «Burkinabè sans exclusive à se donner la main afin de relever ensemble le défi» avant la phase des questions des députés. Droit derrière son pupitre, le lieutenant-colonel a essuyé sans coup férir la salve d'interrogations du CNT, même si la langue lui a fourché et qu'il a déclaré qu'il y a «beaucoup de Guiro (NDLR : du nom l'ancien DG des Douanes dont le procès s'ouvre le 18 juin prochain) au Burkina», déclenchant une ovation dans la salle et amenant le président Chériff Sy à préciser que le PM s'était trompé. Sur la question du RSP, Isaac Zida a indiqué que la Commission a effectivement déposé son rapport dans lequel trois propositions ont été faites. Mais celles-ci, selon lui, seront incluses dans le schéma global de la réforme de l'armée en cours d'élaboration. Cependant, le Premier ministre a redit sa position sur la dissolution du RSP. Pour lui, il n'est pas opportun de dissoudre ce corps de l'armée burkinabè. «Je voudrais préciser devant votre auguste assemblée que l'armée a besoin du RSP, que le pays a besoin du RSP. Nous sommes en train de travailler à lui donner une bonne place au sein de la nation. Mais dissoudre un régiment de cette façon... Comme le disait quelqu'un, si vous tuez votre chien parce qu'il n'aboie pas, c'est la chèvre du voisin qui va vous mordre. (...) Il y a 20 ans que je suis au RSP, je connais les capacités de ce régiment, je confirme que nous en avons besoin», a-t-il dit à ce propos.
Le passage à la 5e République, une autre question. Ça peut attendre, a dit être convaincu Yacouba Isaac Zida, car, à l'en croire, cette question ne fait pas partie des priorités de l'exécutif de la Transition. «Il convient de rappeler à l'esprit que les priorités actuelles de l'exécutif sont encadrées par les engagements pris au lendemain de l'insurrection populaire, dont surtout la Charte de la transition. Aussi voudrais-je solliciter la compréhension de ceux qui sont impatients d'écrire une nouvelle page de l'histoire de notre pays qu'il nous appartient de tenir dans les clauses de ladite Charte. En outre, le temps imparti à l'organisation des élections de 2015, de même que les contraintes relatives à la mobilisation des ressources financières, commandent que les énergies ne soient pas dispersées» a-t-il déclaré. Il ne ferme pas pour autant totalement la porte, car la Commission des réformes doit discuter de cette question : «Si la commission venait à déposer son rapport avec en annexe un avant-projet de Constitution, nous aviserions».
Hyacinthe Sanou
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Etat de la nation : des chiffres à la pelle
Tous les domaines de la vie du Burkina ont été consignés dans un document de 64 pages subdivisé en 5 parties : la gouvernance politique, institutionnelle et juridictionnelle ; la gouvernance administrative et locale ; la gouvernance économique et financière ; le développement durable et des infrastructures et la gouvernance sociale. Le Premier ministre a rappelé que certaines des options faites par son gouvernement étaient le report du vote de la diaspora, le couplage du scrutin présidentiel avec les législatives, le décalage des élections municipales au mois de janvier 2016. Le coût global de l'organisation de ces élections est de 68 milliards 780 millions 451 mille 483 F CFA, a-t-on appris avec le Premier ministre. Le Premier ministre dit être attaché à la justice, au respect des droits humains et à l'Etat de droit, des valeurs dont la défense a guidé les populations lors de l'insurrection populaire. En 4 mois, a précisé le Premier ministre, le gouvernement a enregistré des acquis dans les domaines de priorité suivants : l'adoption de la loi portant prévention et répression de la corruption, la reprise en main des chantiers de relecture des textes sur le statut de la magistrature, du Conseil supérieur de la magistrature et du statut des greffiers, etc. Le Premier ministre a ajouté que son gouvernement attachait du prix au traitement des grands dossiers de crimes économiques et de sang. En témoignent la réouverture des dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo ainsi que le jugement très prochain de l'affaire Ousmane Guiro. Côté sécurité, le Premier ministre a confié que le Burkina fait des bonds en avant. Le maillage sécuritaire est passé de 55% en 2013 à 56,8% en 2014. Le nombre d'infractions est passé, quant à lui, de 42 102 en 2013 à 39 148 en 2014, soit une baisse de 7%. Le ratio agent de sécurité/habitant a été amélioré en 2014 avec le recrutement de 3 170 agents de sécurité. Concernant la gouvernance administrative et locale, a relevé le Premier ministre, 10 codes d'éthique ont été validés au profit des départements ministériels pour l'amélioration de la bonne gouvernance. Yacouba Isaac Zida a annoncé que le gouvernement poursuivrait les réformes engagées dans la fonction publique, notamment la relecture de la loi 013 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la fonction publique et des textes d'application. On a appris aussi que 20 653 postes sont à pourvoir cette année. Le dialogue social a été abordé par le Premier ministre qui a soutenu que, dans le cadre de la résolution des conflits collectifs, les dossiers importants tels que ceux de la Sofitex, de la Socoma et de Canal 3 ont fait l'objet d'avancées significatives. Sur le plan de la gestion des libertés publiques, du suivi des élections et des partis politiques, il a été mis en place l'Observatoire des faits religieux et procédé à la relecture du code électoral et à la mise à jour du répertoire des partis politiques qui fait ressortir 114 partis politiques et 3 formations politiques reconnues, la mise à jour du répertoire des Organisations de la société civile qui fait ressortir 1884 associations reconnues. Parlant de la gouvernance économique et financière, le discours sur la situation de la nation fait ressortir que l'activité économique a été influencée par la crise sociopolitique qui a atteint son paroxysme avec l'insurrection populaire d'octobre 2014 et la mauvaise pluviométrie. Ces facteurs ont induit un taux de croissance de 4% en 2014 pour une prévision de 5,5%. L'inflation, quant à elle, s'est située à une moyenne de -0,3% en 2014 contre 0,5 en 2013, ce qui a motivé la mise en place d'un budget d'austérité qui s'établit en dépenses à 1 804,1 milliards de F CFA et en recettes à 1 516,5 milliards de F CFA avec un déficit de 287,6 milliards de F CFA. Malgré cela, le gouvernement, a relevé le Premier ministre, a adopté le Programme socioéconomique d'urgence de la Transition, d'un coût de 25 milliards de F CFA, qui met particulièrement l'accent sur le soutien aux initiatives des jeunes et des femmes et le renforcement des infrastructures éducatives et sanitaires. S'agissant du développement durable et des infrastructures, le Premier ministre a relevé que l'agriculture, les ressources hydrauliques, l'assainissement et la sécurité alimentaire constituent le socle de l'économie nationale et les déterminants de la croissance. Par exemple, il y a eu l'aménagement de près de 4 000 hectares de bas-fonds et de 1564 hectares de périmètres irrigués et maraîchers et l'aménagement de 2 240 ha à Di, dans le cadre du projet de développement de l'agriculture, avec le soutien du Millennium Challenge Account. Au titre de la gouvernance sociale, il ressort que l'Etat a consenti, en 2014, d'énormes efforts en vue de garantir l'accès de tous les enfants burkinabè à l'éducation.