Discours de politique générale : Comment Thiéba compte-t-il tenir toutes ses intentions ?

| 08.02.2016
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Paul Kaba Thiéba - Premier ministre du Burkina Faso
© DR / Autre Presse
Paul Kaba Thiéba - Premier ministre du Burkina Faso
Pour une première, ce n’est pas raté. Pour ce grand-oral, le Premier ministre burkinabè, Paul KabaThiéba, a tenu la dragée haute.


Très affable, avec un air décontracté, il n’a pas eu de mal à faire mouche dans son propre camp et alliés. Il a récolté 72 voix contre 53 abstentions, au terme de sa Déclaration de politique générale (DPG). Un peu moins que Salif Diallo qui avait été porté au perchoir avec 78 voix et 43 contre, le 3 décembre 2015. Comment comprendre que le chef du gouvernement ne soit pas parvenu à faire mieux que “Gorba“?

C’est tout simple, certains députés de l’opposition ne lui ont pas donné d’imprimatur comme ce fut le cas lors de l’occupation du perchoir. Malgré son volontarisme, malgré son dynamisme, malgré la liste éparse des promesses, égrenées dans un discours-fleuve de plus de 2 h, Paul KabaThiéba a buté sur le scepticisme ambiant des députés de l’opposition, retranchés dans une posture de principe et non des logomachies doctrinaires. De fait, bon nombre d’élus des groupes parlementaires du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) ont salué son élan d’humanisme, sans jamais remettre en cause l’opportunité et la pertinence de ses projets.

C’est clair, c’est entendu, ils ne sont pas contre l’organisation des assises nationales sur la sécurité; ils ne sont pas contre la création de pôles judiciaires spécialisés dans la répression des infractions économiques et financières; ils ne sont pas non plus contre le recrutement de jeunes diplômés des universités du Burkina et le recrutement de 16 000 agents communautaires en milieu rural. Que dire de la facilitation de l’accès des femmes aux crédits, aux technologies et à 30% des terres et de l’audit des lotissements litigieux dans les communes?

Le véritable problème, comme l’ont soulevé des parlementaires, c’est le financement desdits projets. Où trouver les ressources, s’il est établi que les dépenses courantes de l’Etat absorbent près de 94% des recettes fiscales? Là, l’employé de Roch Kaboré reste moins convaincant. Il l’est encore moins, parce qu’il n’a pas décliné d’échéanciers pour la réalisation de certains projets. Son propos est demeuré aux allures d’un discours de campagne électorale. Un condensé d’intentions louables qui pourraient rester des voeux pieux, si le nerf de la guerre ne suit pas.

Autre chose, qui inquiète pour le moins, “le petit capitaine“ n’a pas été loquace sur le processus de réconciliation nationale. C’est un secret de polichinelle, il est en panne, avec la multiplication des actes de sabotage, qui sont en passe de basculer le pays des hommes intègres dans les profondeurs abyssales du chaos.

Or, sans le retour à l’ordre, au calme, en un mot à la paix, devenue entre-temps si évidente qu’on n’en mesurait pas l’importance, le gouvernement Thiéba ne parviendra pas à un résultat tangible. Il n’est pas sans le savoir. Il n’aura pas le temps de faire les études de faisabilité de sa fameuse ligne de Tramway à Ouagadougou. Pour cause, il aura passé l’essentiel de son temps à coller les rustines, après le passage des forces ténébreuses qui se délectent à semer la pagaille et la trouille au cœur de la cité. Même si à présent la situation est sous contrôle, vigilance!

A ce rythme-là, dans deux ou trois ans, le gouvernement Thiéba pourrait se répandre à tout va qu’il a été empêché de mettre en œuvre son programme. Se contentant de réchauffer, si seulement il se retrouvait encore à son poste, les vieux projets pour les remettre au goût du jour. Ce qui ferait perdre de nouveau des pouces au pays qui stagne déjà en queue de peloton du classement mondial de l’indice de développement, 183e rang sur 188.

Pour notre part, nous pensons que le chef du gouvernement, à défaut de mettre ses impératifs de conscience au-dessus de ses obligations de service, devrait les mettre au même niveau. De concert avec le Président du Faso, il devrait, non pas se contenter d’appliquer les recommandations de la Commission chargée de la réconciliation, mais plutôt renouer, le plus rapidement possible, le fil du dialogue avec des caciques du régime défunt. Histoire de remettre tout le pays à l’unisson, au travail.

Si le président Alpha Condé est en train de le réussir avec deux de ses plus virulents pourfendeurs, Sidya Touré de l’Union des forces républicaines (UFR) et Bah Oury , congédié récemment de l’Union des forces démocratiques de la Guinée (UFDG), qui n’excluent plus de travailler avec lui, on ne voit pas pourquoi Paul KabaThiéba et son mentor n’en feraient pas autant .

Christian N. BADO

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