Déclaration des biens : Qu'est-ce qui prouve que les ministres ont dit la vérité?

| 24.04.2015
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Déclaration des biens : Qu'est-ce qui prouve que les ministres ont dit la vérité?
© DR / Autre Presse
Déclaration des biens : Qu'est-ce qui prouve que les ministres ont dit la vérité?
L'actualité de la semaine dernière a été marquée par la publication des biens des membres du gouvernement. L'essentiel n'est pas de déclarer et de rendre public. La question fondamentale que l'on est en droit de se poser est «qu'est-ce qu'on en fait après?» Comment s'assurer de l'exhaustivité et surtout de la véracité des déclarations? Le dispositif institutionnel existant le permet.


Le principe de la déclaration des biens au Burkina Faso est consacré par plusieurs textes aux niveaux international et national. Au niveau international, le Burkina a adhéré à des traités, des conventions et des accords qui préconisent que certaines catégories d'agents procèdent à la déclaration de leurs biens avant et après leur fonction. C'est le cas de la Convention des Nations unies contre la corruption, de la Convention de l'Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, de la Directive N° 02/2000/CM/UEMOA, etc.

Au niveau national, l'article 44 de la Constitution précise que le Président du Faso remet au Président du Conseil constitutionnel la liste écrite de ses biens au cours de la cérémonie d'investiture. On a pu remarquer qu'au cours de ses quatre investitures (1992, 1998, 2005 et 2010), Blaise Compaoré avait sacrifié à la tradition.

Quant aux membres du Gouvernement et aux présidents des institutions, ils déposent la liste de leurs biens au cabinet du Premier ministre qui les remet au Président du Conseil constitutionnel par le Président du Faso pour ce qui concerne le chef du gouvernement et par le Premier ministre pour ce qui concerne les membres du gouvernement. La Loi N°14-2002/AN du 23 mai 2002 élargit la liste de personnes assujetties à cette obligation. Sous Compaoré, l'application de ces dispositions ne dépassait pas le cadre du dépôt.

Pourtant, la procédure de vérification est instituée par la Loi N°22/95/ADP du 18 mai 1995. Elle crée une commission de vérification pour s'assurer que les informations contenues dans les listes sont exactes. Les rapports de vérification de la commission sont transmis sous pli fermé soit au Président du Faso, soit au Premier ministre par le président de la commission. En cas de suspicion sur l'origine de nouvelles acquisitions, le Président du Faso ou le chef du gouvernement saisit le procureur général près la Cour constitutionnelle pour enquête. Si de fausses déclarations sont constatées, c'est au Président du Faso qu'il appartient de statuer sur l'aptitude de la personne incriminée à poursuivre l'exercice de ses fonctions sans préjudice des poursuites judiciaires.

Ce dispositif institutionnel et juridique n'a jamais été mis en place et n'a jamais -à plus forte raison- fonctionné, parce que le déclanchement de la procédure dépend de deux personnes, le président du Faso et le Premier ministre.

Les autorités de Transition semblent avoir pris l'exercice au sérieux. D'ailleurs, la Charte de la Transition les y oblige. Mais l'essentiel n'est pas de déclarer. Ils doivent aller jusqu'au bout de leur logique dans la quête de leur volonté de transparence. Pour ce faire, la mesure immédiatement à prendre est de mettre en place cette fameuse commission de vérification au niveau du Conseil Constitutionnel afin qu'elle fasse ce travail, en cette période d'arrestations pour mal-gouvernance. Le contexte est favorable pour montrer à l'opinion nationale qu'il n'y a pas de parti pris dans les arrestations. Comment s'assurer de la véracité des biens déclarés? Comment s'assurer qu'il n'y a pas eu une augmentation du patrimoine depuis la prestation de serment, pour certains, et la prise de service, pour d'autres? Le mécanisme de contrôle existe, il faut le mettre en place. Ce rôle de contrôle ne doit pas être confié exclusivement au Conseil constitutionnel.

Cette préoccupation semble trouver une solution dans la loi 04-15/CNT/ portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso. Elle dispose que la publication des listes des biens est faite par l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat (ASCE). Il revient à l'ASCE de communiquer les informations en sa possession à la Commission de réconciliation nationale et des réformes, aux tribunaux dans le cas de poursuites judiciaires déjà engagées pour enrichissement illicite.

La loi prévoit que la déclaration fasse l'objet d'une révision annuelle. L'ASCE s'assure de l'effectivité de cette mise à jour et apprécie les variations de situation. Une fausse déclaration entraîne la suspension du salaire au 2/3 avec des poursuites judiciaires. Les cadeaux doivent aussi faire l'objet de déclaration si la valeur atteint un certain taux.

La balle se trouve dans le camp du juge Kambou Kassoum, Président du Conseil constitutionnel et du Professeur Luc Ibriga, Contrôleur général d'Etat. Les Burkinabè veulent, dans un premier temps, savoir si les déclarants ont dit toute la vérité et exiger des explications sur les écarts. Aussi, en fonction de leur revenu, exiger des explications sur les acquisitions ayant une valeur que leur revenu ne peut justifier. Cette étape passée, au plus tard octobre 2015, procéder à une mise à jour des déclarations. Les dossiers devant être conservés auprès de l'ASCE, l'institution peut, pendant les dix ans qui suivent, procéder à des vérifications. La mise en œuvre de cette disposition va permettre de connaître la vérité sur les déclarations de biens des membres du gouvernement et démentir l'information selon laquelle le gouvernement ne travaille pas en toute transparence.

Djénéba Sangaré

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