Si on doit reconnaître le droit de ne pas être systématiquement d'accord avec le Premier ministre, il faut admettre que les Burkinabè le jugent assez hâtivement. Sans doute que les souvenirs des toutes récentes manifestations sont encore vivaces dans les esprits. C'est dire que le lieutenant-colonel Isaac Zida n'aura pas de temps de grâce. Lui-même ayant contribué à offrir le bâton dont certains n'hésiteront à se servir pour le battre quand il disait le 31 octobre dernier que «désormais toutes les décisions seront prises ici à la place de la Révolution» et que «le peuple aura son mot à dire; si vous n'êtes pas d'accord, on change». Avait-il conclu. Va-t-il changer, parce que le «peuple n'est pas d'accord» avec la nomination de certains de ses ministres?
Deux solutions s'offrent au Premier ministre et à son président de transition. Soit ils acceptent et obligent le ou les ministres contestés à la démission, ou bien, ils font la sourde oreille et les maintiennent. S'ils accèdent à la demande de ceux qui veulent le départ d'Adama Sagnon, ils auront respecté leurs engagements vis-à-vis du peuple qui les a portés aux plus hautes responsabilités de la période de transition. Ainsi, ils restent en phase avec les aspirations de cette frange de la population. S'ils n'acceptent pas et maintiennent le statuquo, ils auront fait usage d'autorité. Faisant ainsi savoir que l'homme idéal n'existe pas et que par conséquent, il va falloir composer d'une manière ou d'une autre avec les Burkinabè qui ont, d'une manière ou d'une autre, eu affaire au régime de Blaise Compaoré. Adama Sagnon n'est peut-être pas le «bon cheval» en ce moment, mais toujours est-il que les Burkinabè doivent apprendre à tourner rapidement la page.
Cette épreuve de contestation, qui vient s'ajouter à celles qui ont eu lieu à l'occasion de la désignation des membres des différentes structures devant être représentées au Conseil national de transition, illustre à souhait, que le Premier ministre et le président de la transition n'auront pas la tâche facile. Si les uns leur mettront inéluctablement les bâtons dans les roues, pour ensuite dire après qu'ils ont échoué, les autres, au prix de leurs intérêts personnels, ne feront rien de bon pour qu'ils réussissent leur mission. Alors que ce sont les mêmes qui les ont poussés à prendre leurs responsabilités et à assumer les plus hautes fonctions de la transition.
Aussi, Isaac Zida et son «patronde président» ont intérêt à maintenir le cap, tout en prenant en compte les aspirations du peuple qui les a investis. Autrement dit, il y aura des moments où il faut s'expliquer publiquement pour ne pas donner l'impression qu'on en fait à sa tête. Mais qu'en réalité, il y a des contingences. Car, la gestion du pouvoir à un niveau aussi élevé n'est pas comparable à celle d'une Organisation de la société civile ou d'un parti politique dont les membres de certains ne suffisent pas à remplir une cabine téléphonique. Dans tous les cas, l'essentiel est d'arriver sain et sauf aux prochaines élections générales. Puisque, en vérité, en une année, on ne peut pas satisfaire toutes les préoccupations.
Dabaoué Audrianne KANI