« Depuis sa création, le RSP a été utilisé par le régime de l’ex président Blaise Compaoré pour freiner les aspirations légitimes du peuple burkinabè à une vie démocratique réelle. Au lieu de contribuer à la protection des populations, ce corps, devenu une menace permanente contre la marche radieuse du peuple burkinabè et un instrument pour imposer la volonté d’un groupuscule, fut incapable d’apprendre les leçons de l’histoire de notre peuple, se condamne ainsi à répéter les erreurs d’un passé à jamais révolu dans la conscience collective des Burkinabè. Cette opposition aux aspirations du peuple burkinabè s’est poursuivie après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 avec l’intrusion à plusieurs reprises des militaires de l’ex-RSP dans la vie politique du Burkina, contribuant ainsi à ébranler les fondements de notre transition. Le coup d’Etat du 16 septembre 2015 n’était donc que le couronnement d’un plan savamment préparé par le Général Gilbert Diendéré et dont l’objectif n’était autre que de mettre fin à la transition et d’installer un régime de terreur ».
Dans ce passage extrait du discours de Zida, il reconnait lui-même que depuis la création de cette unité, elle a toujours été une menace pour les Burkinabè. Ça ressemble fort à un aveu, quand on sait qu’il a d’une façon ou d’une autre contribué à la formation et à l’entretien du RSP. Avant l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, c’est lui qui contrôlait cette unité et rendait compte à son supérieur hiérarchique, le Général Gilbert Diendéré, qui était chef d’Etat-major particulier de l’ex chef de l’Etat Blaise Compaoré.
Dans le discours de Zida, il est difficile de ne pas croire que ce n’était pas l’amour parfait entre le n°1 (Diendéré) et le n°2 (Zida) du RSP, même au temps de Blaise, à tel enseigne que le dernier cité traite son mentor aujourd’hui de « tristement célèbre ». Ces qualificatifs confortent certaines organisations de la société civile qui réclamaient bruyamment fort longtemps le démantèlement du RSP. C’est à croire que Zida n’a pas tout dit sur le Général Diendéré et du RSP. Peut-être que l’occasion lui sera donnée de le faire, lorsqu’il sera cité comme témoin lors d’un prochain probable procès du général putschiste. Autant le Général Diendéré est considéré comme ‘’la boîte noire du régime Compaoré’’, autant Zida est aussi la ‘’boîte noire du RSP’’ et est, par conséquent, au courant de tous les crimes que le RSP aurait commis. Evidemment, il peut ne pas en être le commanditaire.
Zida, au prix de sa vie...
La question qu’on ne peut éviter de se poser, est de savoir quand a commencé leur antagonisme. Est-ce pendant qu’ils étaient encore tous au RSP, ou bien, est-ce après l’insurrection populaire ? La probabilité que ce soit lors des années de gouvernance de Blaise Compaoré est faible, même si le ‘’capitaine président’’ avait la ruse de faire collaborer des soldats rivaux dans sa garde, histoire pour lui de s’assurer qu’ils ne comploteront pas ensemble pour le destituer.
Par contre, la probabilité que ce soit lors de la transition est grande. Parce que dès décembre 2014, le Premier ministre Isaac Zida était déjà à couteaux tirés avec ses ex compagnons pour une histoire d’affectations et de prime. Depuis, on sentait le torchon brûler entre l’ancien N°2 et le reste de la troupe conduite par une main de fer par le Général Diendéré, même si celui-ci n’avait plus de fonction officielle. Le 04 février, leur antagonisme monte en puissance lorsque les soldats de la garde présidentielle empêchent la tenue d’un conseil des ministres à Kossyam. En juin, alors qu’il était de retour d’un périple taïwanais, Zida aurait évité un coup d’Etat à l’aéroport. Les chefs du corps du RSP sont entendus par la gendarmerie, ensuite. La crise se cristallise. Le président Kafando est obligé de sortir le grand jeu pour calmer les ardeurs. Désormais, Zida était l’otage de ses propres hommes. La situation est restée conflictuelle entre eux, jusqu’au coup d’Etat du 16 septembre.
Que lui ont-ils administré comme souffrance lors de sa prise d’otage ? On n’en sait pas trop, mais il aura fallu amener son cuisinier personnel à Kossyam pour qu’il interrompe sa grève de fin. Comme quoi, il ne pouvait plus faire confiance à des hommes qu’il a commandés, mais qui se sont retrouvés à attenter à sa vie à plusieurs reprises.
Mais si seulement c’est au cours de la transition que Zida et Diendéré se sont ‘’déclarés la guerre’’, quelles pouvaient en être les raisons ? Est-ce parce que Zida n’a pas pu défendre, comme convenu entre eux, les intérêts du RSP ? Si c’est le cas, Pourquoi Zida ne l’a pas fait ? Etait-ce parce qu’il a pris conscience en ce moment là, que le RSP constituait une menace pour le peuple burkinabè et sa jeune démocratie, comme il vient de le dire ? En tout les cas, on aura constaté qu’il était désormais avec la volonté du peuple qui demandait le démantèlement du RSP au cours de la transition. Si c’est bien le cas, Zida a bien eu raison de prononcer un discours à l’allure d’une victoire contre le RSP. Et on retiendra que lui au moins a eu le mérite de rectifier le tir, au prix de sa vie, et on doit lui en être reconnaissant.
M.J.