Cela dit, dialogue signifie le fait pour deux parties d'échanger des points de vue pour parvenir à un terrain d'entente. Dans le contexte du Burkina, et sans vouloir jouer les Cassandre, l'on est tenté de dire, au regard de la nature des points de vue qui vont se confronter dans le cadre d'un éventuel dialogue pouvoir / opposition, que les deux parties risquent de ne pas parvenir à un terrain d'entente. En effet, la question qui vient tout de suite à l'esprit est la suivante : sur quoi les protagonistes vont-ils s'entendre ? En l'état actuel des choses, cette question pourrait ne pas avoir une réponse à la satisfaction de tous.
L'on risque de perdre du temps dans des dissertations politico-juridiques alors que l'échéance de 2015 se fait pressante
Du côté du pouvoir, l'on soutiendra l'idée selon laquelle l'article 37 dont la modification irrite l'opposition, est susceptible d'être réaménagé au terme de la Constitution, par la voie parlementaire ou référendaire. Dans le même registre, l'on dira que le Sénat est prévu par la Constitution et qu'il faut le mettre en place.
Du côté de l'opposition, des arguments se fondant sur la légitimité seront brandis. Dans le même registre, l'accent sera mis sur les dérives que peuvent occasionner les tripatouillages permanents de la Constitution. Les pays qui en sont coutumiers ne sont pas des exemples de démocratie. A l'analyse, ces deux points de vue sont difficilement conciliables. L'on risque de perdre du temps dans des dissertations politico-juridiques alors que l'échéance de 2015 se fait pressante.
Cela dit, l'on peut observer une constante chez Blaise Compaoré. Quand il y a le feu en la demeure, il se hâte de proposer des cadres de concertation pour éteindre l'incendie.
Le Burkina est à la croisée des chemins. Des questions légitimes fusent de partout
Une fois l'apaisement obtenu, il s'emploie à poser des actes ou à tenir des propos de nature à remettre le feu aux poudres. Une des illustrations de cette stratégie est l'usage qu'il a fait des conclusions du rapport du Collège de sages. L'on se souvient que suite à l'assassinat du journalise Norbert Zongo en 1998, cette institution avait été mise en place pour diagnostiquer les maux dont souffre le pays et proposer surtout des solutions qui installeraient dans la durée, le pays dans la paix et la concorde nationales.
L'on a l'impression que le pouvoir a dû faire une lecture sélective de ce rapport pour ne retenir que les passages qui l'arrangent. A ce sujet, l'on peut aisément imaginer la frustration des auteurs du rapport, de savoir qu'ils auront été en réalité, simplement utilisés. Dans leur for intérieur, ils doivent être peut-être en train de ruminer le sentiment d'avoir fait œuvre inutile.
L'on est donc fondé à croire que le dialogue prôné par le gouvernement peut être perçu par l'opposition comme une stratégie de distraction et de diversion publique. Il pourrait ressembler, à bien des égards, à un charme de serpent dont l'objectif caché est d'amadouer sa proie pour se donner toutes les garanties de la dévorer lorsqu'il va bondir sur elle.
Avec la nouvelle donne politique que le Burkina connaît, marquée notamment par la montée en puissance de l'Opposition, l'on peut parier que la recette que Blaise Compaoré a toujours appliquée, pour se sortir de situations difficiles, peut ne pas passer. Le disque, pourra-t-on dire, est rayé.
C'est pourquoi, le pouvoir doit se rendre à l'évidence que ceux d'en face ne sont pas des candidats politiques que l'on peut facilement rouler dans la farine. Blaise Compaoré, qui a fait montre, surtout à l'extérieur, d'un savoir-faire en matière de facilitation et de médiation dans les conflits des autres, sait, mieux que quiconque, que les préalables d'un dialogue fructueux sont la bonne foi et la sincérité. En tous les cas, le Burkina est à la croisée des chemins. Des questions légitimes fusent de partout, qui attendent des réponses claires de sa part. En tout cas, Blaise Compaoré a l'obligation morale et politique d'y apporter des réponses univoques de manière à ne pas faire languir ses compatriotes, toute chose qui peut continuer à troubler la paix sociale. La balle de la paix est, en réalité, dans le camp du pouvoir.
Sidzabda