Etienne Traoré, porte-flingue de la pensée identitaire burkinabè contre la médiation-Soro

| 12.01.2014
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Etienne Traoré, porte-flingue de la pensée identitaire burkinabè contre la médiation-Soro
© DR / Autre Presse
Etienne Traoré, porte-flingue de la pensée identitaire burkinabè contre la médiation-Soro
Une tribune internationale de Franklin Nyamsi Professeur agrégé de philosophie, Paris, France

 

Certains diplômés et autres intellectuels africains écrivent-ils toujours en état de sobriété ? Faut-il croire, à l'allure de certains écrits publiés à l'emporte-pièce, que l'alcoolisme de nos bars et maquis africains embrume terriblement certains esprits au point de leur donner l'illusion d'être aussi gros que des bœufs alors qu'ils ne sont que des grenouilles ? On ne peut que s'inquiéter de l'hygiène mentale de certains plumitifs de circonstances. Tel est le cas, fort probablement, d'un certain monsieur Etienne Traoré, se prévalant de ses grades et qualités à l'Université de Ouagadougou, qui vient de se fendre d'une philippique outrageante contre la personne du président de l'Assemblée Nationale de Côte d'Ivoire, pour s'opposer à la médiation utile que Guillaume Soro, fils adoptif du pays des hommes intègres, a effectuée récemment à Ouagadougou, sous les hautes instructions du Président de la république de Côte d'Ivoire, S.E. Alassane Ouattara. Devant ce type de dérive, où sous un semblant d'objections intellectuelles, se cache en réalité la chose abjecte de l'Afrique contemporaine, à savoir un anticolonialisme dogmatique mâtiné de xénophobie archaïque, nous ne pouvons rester la plume en poche, comme d'autres resteraient l'arme au pied. Il importe de toute urgence de remettre, pour toute l'intelligentsia africaine intéressée par l'actualité burkinabè, les pendules à l'heure de la réalité institutionnelle effective de ce pays. Deux questions structureront donc la présente tribune, en guise de vade retro satanas à la pensée infra-rationnelle identitaire qui veut prospérer au Faso par les monts et vaux des blogs de circonstances, comme si l'on pouvait regarder la question burkinabè avec indifférence et distance, tout en se prétendant analyste ou intellectuel politique dans l'Afrique contemporaine : 1) Que reproche M. Etienne Traoré à la médiation du président Guillaume Soro, et avec quel succès ? 2) Quelle est la réalité institutionnelle, constitutionnelle et géopolitique du Burkina Faso contemporain, et en quoi plaide-t-elle pour une transition politique patiente, pacifique, consensuelle, démocratique et réussie à la tête de ce pays ? Répondre à ces questions, c'est démontrer que le sort d'un pays africain, contrairement aux héritiers des frontières mentales que les frontières géographiques du colonialisme ont créées , concerne tous les Africains, dans le respect des prérogatives et des sphères d'influences légitimes des uns et des autres.

Le moins que l'on puisse dire d'emblée, c'est que M. Etienne Traoré ne manque point de culot. Drapé dans un ton grand seigneur qu'on pensait résorbé avec la disparition de la Galaxie Patriotique d'un certain Blé Goudé en Côte d'Ivoire, c'est sans vergogne et avec gouaille que M. Traoré, sûr de sa burkinabéité quasi consubstantielle, somme l'ivoirien Guillaume Soro d'aller se faire voir ailleurs. L'accusation d'ingérence est sa première salve de canon contre le chef du parlement ivoirien. Comment croire en une telle accusation, quand on est ressortissant d'un pays dont près de quatre millions de compatriotes vivent en Côte d'Ivoire ? Comment prendre un seul instant M. Traoré au sérieux quand on sait que c'est au Burkina Faso que le dialogue direct ivoirien a abouti au très décisif Accord de Paix de Ouagadougou en mars 2007 ? Faut-il apprendre à M. Traoré que quand la Côte d'Ivoire éternue, c'est le Burkina Faso qui tousse et vice-versa depuis la fin du 19ème siècle ? L'arrière-pensée isolationniste du raisonnement de l'ultranationaliste Etienne Traoré trahit, dès l'entrée de son propos, une bien singulière inculture géostratégique, pour un universitaire revendiqué. Mais passons. Car il y a bien pire dans la diatribe trop improvisée de notre manant.

La neutralité du président Guillaume Soro est contestée par M. Traoré, au nom d'un autre procès, plus vaste que la seule accusation nationaliste d'immixtion dans les affaires intérieures du Faso. C'est que, nous dit tranquillement M. Traoré, Le Président du Faso, Blaise Compaoré aurait joué le rôle de pion en chef de la Françafrique dans la sous-région depuis les années 80 et tenterait de passer le témoin à Guillaume Soro, maintenant que les grandes puissances occidentales lui demandent de se retirer de la tête de l'Etat burkinabè. Rien que cela !? Dans l'art de tracer des plans sur les comètes, il faut avouer que M. Traoré à une belle longueur d'onde d'avance. Non seulement, il lui faut un effort d'amnésie massive pour ne pas se rendre compte que le président du Faso, Blaise Compaoré doit sa carrière politique à son intelligence, à son audace et à son humilité, mais de plus, quelle bien singulière outrecuidance ne faut-il pas avoir, pour nier que Guillaume Soro, au cœur du combat pour la démocratie dans son pays depuis le milieu des années 90, est d'abord le pur produit du sacrifice de soi et de l'abnégation pour une idée de l'homme ? A trop vouloir expliquer la politique africaine par l'influence de la France, on en vient à nier la capacité d'initiative historique des Africains eux-mêmes. Une fuite de responsabilité se glisse dans cette attitude, Comment se plaindre dès lors du discours de Nicolas Sarkozy à Dakar, quand il affirmait imprudemment que « L'homme africain n'est pas encore assez entré dans l'histoire » ? L'ex-président français parlait sans doute de ceux qui, comme Etienne Traoré, n'attendent que les héros morts et les héros des autres continents pour tresser leurs couronnes d'hommages à peu de frais. Quant aux héros qu'ils ont sous les yeux, c'est avec allégresse qu'ils les flétrissent de quolibets, à la manière de ces valets qui ne respectent plus leurs maîtres parce qu'eux-mêmes ne sont que des valets. La politique se fait incontestablement avec la géopolitique réelle du monde. Et si la France est une puissance qui compte dans cette géopolitique, le président du Faso, comme son cadet Guillaume Soro, ne sauraient nier l'évidence et faire fi d'une saine appréciation des réalités qui s'imposent. Autant laisser la politique-fiction aux intellectuels de bars et maquis !

Mais les faux procès de M. Traoré vont virer au cynisme quand il interprète le rayonnement diplomatique exceptionnel donné au Burkina Faso par le président Compaoré comme la source de tous les malheurs des immigrés Burkinabè dans la sous-région ouest-africaine. Ainsi, M. Traoré estime qu'un Burkina Faso isolationniste, les yeux fermés sur les événements transfrontaliers qui l'entourent, aurait été plus bénéfique à ses ressortissants étrangers que le Burkina Faso dynamique, proactif, créatif et force de proposition sous régionale que nous connaissons tous et que la planète entière salue pour ses prouesses diplomatiques ? Avec des millions de ressortissants en Côte d'Ivoire, le Burkina Faso aurait-il gagné à pratiquer la politique de l'autruche pendant que ses filles et fils étaient immolés à l'autel de la haine identitaire inspirée par les doctrinaires de l'ivoirité ? Comme on le voit, à force de faire feu de tout bois, ce cher monsieur écrit ses pages avec le sang de ses compatriotes livrés aux affres de l'exil.

Et quand il croit avoir trouvé son argument-massue dans une question ad hominem adressée à Guillaume Soro sur l'attitude qui serait la sienne si en 2020, au terme d'un éventuel 2ème mandat, le président de la république de Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara, faisait modifier la Constitution par référendum pour obtenir une clause de non-limitation des mandats présidentiels, on imagine bien M. Etienne Traoré heureux comme un gamin rencontrant le père Noël. Mais c'est encore un bien affreux coup d'épée dans l'eau, car Guillaume Soro, de toute évidence, ne croit qu'en la voie de la souveraineté populaire. C'est elle, et elle seule qui arbitre, en démocratie les différends décisifs sur l'avenir de la nation, et non les oukases de quelques bien-pensants drapés dans leur suffisance douteuse. La démarche de M. Traoré n'est-elle pas, finalement, une bien maladroite façon d'occulter la réalité institutionnelle et géopolitique du Burkina Faso actuelle ?

La voici, cette réalité burkinabè, qu'il ne faut confondre ni avec le Niger de Tandja, ni avec la Côte d'Ivoire de Gbagbo, encore moins avec le Mali de Sanogo.

Quand le président Tandja tente de faire modifier la Constitution nigérienne entre 2007 et 2010, il se heurte à la réalité de ce qui est aujourd'hui l'article 47 de la loi fondamentale de son pays, qui prévoit en ses alinéas 1 et 2 que nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels au Niger. Mais ce n'est pas tout ! La constitution nigérienne dans ses dispositions dédiées à la révision, indique clairement, comme c'est le cas dans son titre XII actuel, notamment à l'article 175, qu'en aucun cas la clause de deux mandats ne peut faire l'objet d'une révision constitutionnelle. Est-ce le cas dans la Constitution Burkinabè ? NON. La loi fondamentale burkinabè n'interdit pas de soumettre la clause de limitation de mandats présidentiels à une révision ultérieure. Comparer dès lors la situation constitutionnelle burkinabè à la situation du Niger sous Tandja relève d'une mauvaise foi aussi crasse que l'inculture juridique massive de son auteur.

Quand Laurent Gbagbo accède au pouvoir en octobre 2000, tous les observateurs de la crise ivoirienne savent qu'il n'a jamais été démocratiquement élu par le peuple souverain de Côte d'Ivoire. Exclus du scrutin de 2000 par la combine des comparses Guéi et Gbagbo, les candidats du PDCI-RDA et du RDR représentent déjà près de 70% de l'électorat ivoirien. Quelle comparaison avec l'élection incontestable du président Compaoré à 80% lors de la dernière présidentielle burkinabè, sans l'exclusion du moindre rival à la charge suprême de l'Etat ? M. Traoré, de fait, rejoint l'anticolonialisme de parade exercé par la galaxie patriotique de Gbagbo pendant une décennie, en guise de compensation imaginaire de son insuffisante représentativité démocratique. Pire encore, ce sont des dizaines de milliers de morts que le discours et la politique de l'ivoirité ont provoqués en Côte d'Ivoire depuis la disparition d'Houphouët-Boigny. En quoi la politique burkinabè menée par le président Compaoré mériterait-elle d'être mise en regard de la tragédie ivoiritaire ? En réalité, Etienne Traoré pousse dans son semblant d'analyse, le ridicule jusqu'au point de suggérer que c'est le président Blaise Compaoré qui aurait suscité l'ivoirité, en raison de son activisme diplomatique et géostratégique sous régional. Comment s'accommoder des délires de M. Traoré ?

Et quand pour accomplir l'apothéose de son ridicule, M. Etienne Traoré en vient à comparer le standing magistral du président Blaise Compaoré aux fanfaronnades récentes par lesquelles le Capitaine-Général Haya Sanogo a voulu s'imposer de force à la tête du Mali, au mépris de la souveraineté démocratique de son peuple, on entend le chant du cygne de l'argumentaire d'un trop grand bousilleur. Il y a largement de quoi s'inquiéter de la qualité de l'enseignement que M. EtienneTraoré, avec un esprit aussi saturé de raccourcis illogiques, peut dispenser à ses infortunés étudiants ouagalais qui mériteraient certainement des lumières plus nettes et honnêtes. Le putschiste malien du 22 mars, incapable de défendre son pays contre l'adversité, occupé à plastronner à Kati, diplomatiquement mort-né, brouillon dans l'anticipation des difficultés de ses ambitions, ne mérite même pas d'être cité en présence d'un leader de la trempe stratégique du président Blaise Compaoré. Ce n'est du reste pas un hasard si ce sont des gens comme le Capitaine Sanogo et l'ex-putschiste ivoirien Ibrahim Coulibaly qui retiennent les faveurs de M. Traoré. Sa médiocrité personnelle explique sa passion exclusive pour les médiocres. Qui prendra finalement au sérieux, un pseudo-nationaliste africain comme M. Etienne Traoré qui se gargarise des frontières héritées des colons pour récuser une médiation menée avec doigté par un Guillaume Soro qu'on a largement vu assumer le tragique de l'Histoire par tous les temps imaginables du politique ? Décidément, une seule chose trahira encore M. Etienne Traoré : sa prochaine logorrhée, difficilement séparable de l'état d'ébriété dans lequel manifestement, il se découvre des inspirations d'éditorialiste improvisé.

En attendant, il appartient bel et bien aux élites du Burkina Faso, en bonne entente avec leurs alliés sous régionaux, de sortir par le haut du quiproquo relatif actuel sur l'avenir de ce beau pays, dont le dynamisme, la combativité, la créativité et l'humilité sont des promesses de nouvelles évolutions positives. Guillaume Soro, en fils adoptif de ce pays, ne peut qu'œuvrer à cette finalité légitime, dans le respect du droit international et du tact politique qui l'a toujours caractérisé.

 

Source : guillaumesoro.com

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