Les périodes dites modernes en ont fait et en font toujours l’expérience, et dans des circonstances marquées surtout par la douleur profonde, la joie intense ou ayant un caractère hautement solennel, même les écrits sont prononcés pour coller à la gravité de la situation. Et même après avoir envoyé un émissaire pour le représenter dans une situation urgente, il est toujours plus respectueux et plus décent de se déplacer pour partager surtout la peine de ses semblables. Le pouvoir du verbe en général, et de la parole en particulier, est tel que même dans les pays développés et de démocratie avancée, le premier représentant n’hésite pas à s’exprimer oralement.
Le vent de la démocratie a soufflé sur le continent noir, même si cette forme de gouvernance qui n’est point mauvaise en soi peine encore à supplanter les mauvais reflexes des régimes d’exception et dictatoriaux qu’a connus le continent.
La tradition, qui défendrait à nombre de chefs traditionnels africains de parler à haute et intelligible voix à leurs sujets, les obligeant à passer par un intermédiaire pour s’adresser à eux, même étant assis face-à-face, doit faire place à une culture de communication plus rapprochée entre gouvernants et gouvernés. Les chefs d’Etat occidentaux ont en tout cas compris cette nécessité de la prise de parole qui a pris des allures d’obligation dont la non-satisfaction peut influencer défavorablement la popularité des personnalités. Les choses ne se passent pas exactement de la même manière dans le berceau de l’humanité, mais les lignes bougent quand même un peu et les citoyens sont de plus en plus exigeants vis-à-vis de leurs dirigeants en attendant d’eux plus d’égards pour les concitoyens qu’ils sont et non plus des sujets.
La situation semble encore moins reluisante au Burkina Faso où le président, qui est réputé pour son silence de carpe, ne s’adresse pas souvent à ses compatriotes, ni en temps opportun. Nous en voulons pour preuve son silence incompréhensible après des drames ayant endeuillé de nombreuses familles burkinabè. Les accidents survenus sur les principaux axes routiers ont coûté la vie à de nombreux Burkinabè sans que le locataire du Palais de Kosyam daigne se fendre de la moindre déclaration de compassion ni se soit déplacé personnellement pour aller témoigner de son soutien aux familles éplorées.
Certes, des délégations gouvernementales sont régulièrement envoyées. Il est toutefois important de rappeler que le gouvernement a été choisi par le chef de l’Etat et non par le peuple burkinabè qui, lui, a choisi Blaise Compaoré et attend de lui toute la considération qu’il mérite. Des présidents de pays dans les pas desquels nous cheminons démocratiquement parlant ont dû écourter leur séjour à l’étranger pour être au plus près de leur peuple dans des moments de dures épreuves. Lorsqu’il s’est déplacé sur le site du récent crash de l’avion algérien dans lequel ont péri des Burkinabè, et reçu les familles des victimes dans son palais, l’on s’était plu à espérer que le Khalife de Ziniaré avait compris le besoin de ses concitoyens de sentir celui qu’ils ont élu président plus proche d’eux aux moments difficiles.
L’attentat ayant coûté la vie à deux Casques bleus burkinabè de la MINUSMA a encore révélé, malheureusement, que le président burkinabè n’est pas disposé à consoler chaleureusement ses concitoyens ni à se rapprocher physiquement d’eux pour leur prouver qu’il partage les moments marquants de leur vie, heureux comme malheureux. Quand il s’agit cependant de défendre son règne dont la fin est consacrée par l’article 37 de la Constitution, il ne se gêne pas à aller gaillardement vers ces mêmes populations pour prendre des bains de foules savamment organisés pour essayer de convaincre de sa supposée popularité. Il en est de même quand l’heure des élections sonne. Blaise le silencieux et le taciturne devient subitement bavard et bouillant. Il arpente sans scrupules les sentiers sinueux des villages aménagés pour la circonstance, en quête cynique des voies des pauvres Burkinabè à qui il tournera encore le dos une fois réinstallé dans son fauteuil présidentiel.
Faut-il donc attendre qu’il y ait des victimes étrangères, surtout françaises, dans un drame pour que le président du Faso emboîte enfin le pas à son homologue français, par exemple, en échangeant directement avec les familles des victimes et en se déplaçant sur le lieu de la tragédie?
La mentalité des Burkinabè a changé et il est temps que leur président change aussi ses rapports avec eux en se rapprochant davantage d’eux pour ne pas être en déphasage avec ses électeurs.