Fini donc le suspense. On s'achemine peut-être vers des échanges dans le cadre d'un dialogue politique. L'initiative n'est, d'ailleurs, pas surprenante. Depuis un certain temps, le mot dialogue ne cesse d'être entendu dans la «bouche» des acteurs politiques. Lors de leur dernière caravane dite de la paix entamée dans la région du Sud-ouest, un appel ambigu au dialogue et non aux négociations a été lancé par le Front républicain (FR) à Gaoua.
La question du dialogue avait été également abordée par le FR et l'opposition politique dans leurs visites auprès des leaders coutumiers et religieux. De même, les visites entre partis politiques du pouvoir et de l'opposition laissaient présager un dialogue politique en ligne de mire. A cela s'ajoutent les tournées du mouvement «Ça suffit» auprès des acteurs politiques et de la société civile. Les responsables de ce mouvement avaient clairement laissé entendre que leur initiative était destinée à amorcer un dialogue direct entre la majorité et l'opposition sous l'égide d'un médiateur sous-régional.
C'est dire que de part et d'autre, les instrumentalisations et la réalité sur le terrain politique ont contraint les différentes parties à accepter le principe du dialogue. Ce principe est acquis et le dialogue est en passe d'être une réalité.
En attendant de voir la concrétisation de ce dialogue, on ne peut que saluer l'initiative. Si après les démonstrations de force de mobilisation dans les stades et à l'extérieur, les protagonistes sont convaincus qu'ils doivent enfin se parler, discuter pour dialoguer, cela n'est pas à condamner de prime abord. C'est même une bonne chose. Du reste, l'histoire a démontré que les situations complexes ne peuvent se débloquer que dans le cadre de dialogue constructif.
En revanche, l'arbre de la nécessité du dialogue ne doit pas cacher la forêt dense poussée au milieu du respect strict de la Constitution, loi fondamentale du pays. Toute discussion doit se baser exclusivement et absolument sur le respect des textes, notamment le fameux article 37. Le contenu de cet article précise en des termes clairs, faut-il le rappeler sans cesse, que «Le président du Faso est élu pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois». Sa condition de révision, s'il faut rafraîchir encore des mémoires, stipule tout aussi clairement qu'elle n'est possible que pour la défense de l'intérêt général.
De ce fait, tout dialogue qui ne prendra pas en compte cet aspect des choses doit être inimaginable et ne doit pas être inscrit dans les Termes de références (Tdr) des sujets à l'ordre du jour du dialogue.
Ce qui peut être à la limite envisageable, sans forcément qu'il le soit, c'est une sortie honorable pour l'actuel locataire du palais de Kosyam en 2015. Pour cela, des avantages ou privilèges aux anciens chefs de l'Etat peuvent être des pistes de solutions comme cela est fait au Ghana voisin.
Les partisans de la démocratie qui participeront à un éventuel dialogue doivent être fermes sur ce principe qui constitue le seul gage de sauvegarde de la paix et de la démocratie.
Certes, il ne faut pas «devancer l'iguane dans l'eau» ou prêter de mauvaises intentions à une partie donnée. Mais prudence et vigilance devraient être de mise. De par le passé, des recommandations des discussions et consensus obtenus pour sauver chaque fois la république en danger dorment aujourd'hui dans des tiroirs après l'accalmie. Il faut éviter de divertir les Burkinabè avec le dilatoire et les autres mauvaises pratiques maintenant connues. Toujours est-il qu'ils ne sont plus dupes. On ne pi «yine pas plusieurs fois les bijoux familiaux d'un aveugle», dit-on si bien.
On le sait, le parti au pouvoir ne cesse de souffler le chaud et le froid au sujet du référendum. Mais le CDP et ses alliés circonstanciels du FR savent mieux que quiconque que l'organisation d'un scrutin référendaire n'est pas possible. Au sein de la majorité, l'unanimité, voire l'unité sur le principe de la modification de la constitution est la chose la moins partagée.
La preuve est L'ADF-RDA s'en est démarquée clairement et officiellement. La récente initiative de projet de loi portant modification de l'article 37 du groupe parlementaire CDP et alliés, transformée subitement en appel au référendum et annoncée en plein week-end (un samedi 13 septembre à 16 h) n'est pas non plus fortuite. Cela convainc même ceux qui étaient les plus sceptiques que même les partisans de la ligne dure favorable au référendum ont fait volteface. Cette situation montre que même les prétendus acquis au sein de la majorité au pouvoir n'en veulent pas du référendum. C'est d'ailleurs l'un d'eux qui a permis de publier dans la presse, le contenu du projet de révision de la constitution initialement concocté avant d'être remplacé illico presto par un appel lancé au président du Faso.
La convocation du référendum n'est pas envisageable en ce début de rentrée scolaire et académique marqué par le retour en classe des élèves et étudiants. Ceux-ci qui se font appelés la «génération consciente» sont les fervents défenseurs du respect de la Constitution et partant de la démocratie et de l'Etat de droit. Quand ils décident de se mobiliser pour protester, l'année scolaire ainsi que celle académique connaîtront des perturbations dans leur bon déroulement. Et on ne va quand même pas sacrifier l'avenir de toute une génération, future bâtisseuse du pays, pour défendre les intérêts personnels d'une seule personne.
Somme tout, ce qui reste à faire par le parti au pouvoir, la tenue du référendum étant impossible, c'est de négocier, de dialoguer pour espérer avoir une contrepartie qui reste inconnue par l'opinion. Les déclarations qui continuent de se faire entendre, ressemblent fort, si elles ne le sont pas, à une sorte de pression sur l'esprit des uns et des autres pour espérer un dialogue politique qui semble déjà être entamé par le chef de l'Etat lui-même.
Dans tous les cas, comme le dit l'adage, «Mieux vaut tard que jamais». L'essentiel est que cela soit pour défendre la paix et l'unité du pays dont il est le seul garant en sa qualité de chef de l'Etat.
Cette démarche est-elle sérieuse ou bien s'inscrit-elle dans une dynamique de diversion, une stratégie de ruse pour gagner du temps comme ce qui se faisait d'habitude en pareille circonstance?