Transition : Dérive vers des élections non ouvertes et non consensuelles

| 22.03.2015
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Transition : Dérive vers des élections non ouvertes et non consensuelles
© DR / Autre Presse
Transition : Dérive vers des élections non ouvertes et non consensuelles
Entre les difficiles dossiers pendants en justice, les problèmes sectoriels des départements ministériels, la vie chère, la préparation des prochaines échéances électorales, les autorités de la Transition ne savent pas où donner de la tête. Le gouvernement navigue à vue sous la pression de certaines Organisations de la société civile (OSC). Ces OSC, en fait des excroissances des partis de l'ex-opposition, travaillent à monopoliser le pouvoir d'Etat dans une transition aux couleurs de revanche contre l'ancienne majorité et des élections aux allures d'un jeu fermé et tranquille entre partis alliés de l'ancienne opposition. A ce rythme, le Burkina dérive dangereusement vers des élections non ouvertes et non consensuelles.


La croisade actuelle de certaines OSC, sous la houlette du Balai citoyen et du M 21, contre les ténors de l'ancienne majorité et la candidature de militaires aux prochaines consultations électorales est la preuve que le pouvoir de la Transition se cherche encore une boussole. On aurait pu penser que la charte de la Transition avec ses références à l'inclusion, au pardon et à la réconciliation nationale, avait fixé les grandes orientations et indiqué la voie à suivre. Il faut croire que non et les thèses du genre, «inclusion ne veut pas dire impunité » sont suffisamment éloquentes sur la volonté farouche des activistes de la Transition d'avoir leur tribunal de Nuremberg version burkinabè (tribunal des vainqueurs). Si tribunal il y a, il faudra démontrer que crime il y a eu, tant les arguments sur la violation de la Constitution et de la charte de l'Union africaine dont se serait rendue coupable l'ex-majorité sont tirées par les cheveux. Mais ne dit-on pas que qui veut tuer son chien, l'accuse de rage ?

Non, le projet de révision de l'article 37 ne portait pas atteinte à la constitution !

Les tenants des thèses de l'exclusion de l'ancienne majorité des prochaines élections se fondent sur la nécessité de rendre justice au peuple burkinabè. Pour eux les ministres, les députés et les responsables des partis du Front républicain, se sont rendus coupables du crime le plus grave commis à l'encontre du peuple, en appelant à la modification de l'article 37 de la Constitution. Cet argumentaire est tiré de l'article 166 de la Loi fondamentale qui dispose explicitement que « la trahison de la patrie et l'atteinte à la constitution constituent les crimes les plus graves commis à l'encontre du peuple ».
Mais on a beau analyser les positions politiques défendues alors par le CDP et ses alliés sur la modification de l'article 37 de la Constitution et la démarche suivie pour y parvenir, on ne voit pas en quoi, il y a eu violation de la Loi fondamentale.

De par le monde, y compris dans les plus vieilles démocraties que les analystes aiment à citer en exemple, toutes les constitutions sont susceptibles de modification. Généralement le constituant prévoit les voies et mécanismes à suivre pour ce faire. Une fois que ces voies et mécanismes sont scrupuleusement respectés, la modification de la Loi fondamentale est réputée légitime et légale.
C'est connu, dans la situation burkinabè, toutes les dispositions constitutionnelles ne sont pas intangibles. Les seules dispositions réputées non modifiables sont celles rangées à l'article 165 qui dispose clairement que « aucun projet ou proposition de révision de la constitution n'est recevable lorsqu'il remet en cause :

-La nature et la forme républicaine de l'Etat ;
-Le système multipartiste
-L'intégrité du territoire national.

Aucune procédure de révision ne peut être engagée ni poursuivie lorsqu'elle porte atteinte à l'intégrité du territoire.»
On le voit bien et on ne le répétera jamais assez, l'article 37 qui porte sur le nombre de mandats présidentiels n'est pas inscrit dans les dispositions non révisables de la Constitution. Il pouvait donc être révisé suivant les voies et les mécanismes prévus à cet effet sans que l'on puisse parler valablement d'atteinte à la Constitution. De ce fait, on est fondé à dire que militer pour une reforme de l'article 37 comme l'ont fait les partisans de l'ancienne majorité, ce n'est pas commettre le crime d'atteinte à la Constitution selon l'article 166.

Par ailleurs, on rappellera à bon escient que le gouvernement avait fondé son projet de loi de révision de l'article 37 sur les dispositions du titre XV de la loi fondamentale qui traite spécifiquement de la révision de la constitution. Pour le besoin de la cause, on invoquera volontiers l'alinéa 1 de l'article 161 de ce titre XV qui stipule que l'initiative de la révision de la Constitution appartient entre autre au président du Faso. L'article 164 précise les conditions dans lesquelles un référendum peut être convoqué pour valider le projet de loi soumis au préalable au Parlement. Tous les observateurs qui ont suivi le débat sur la révision de l'article 37 savent très bien que l'ancienne majorité avait mis un point d'honneur à respecter l'esprit et la lettre de la Constitution. Dès lors, ses contempteurs d'hier à aujourd'hui peuvent discuter de la légitimité du projet de modification de la Constitution pas de sa légalité. Ce qui est légal ne peut pas être criminel et la légitimé de la modification n'est discutable que sur le plan de la politique partisane qui n'est pas exempte de subjectivité. Mais là aussi peut-on valablement mettre en doute cette légitimité quand on sait que sur les 121 députés près de la centaine étaient favorables au projet ?

Ces velléités d'exclusion politique qui vident la charte de la Transition de son contenu

C'est cette subjectivité partisane qui continue d'agiter certains partis de l'ancienne opposition et leurs pendants dans le milieu associatif. Ces derniers voudraient éliminer par des arguties juridiques les politiques poids lourds de l'ex-majorité pour se retrouver en compétition électorale avec des anonymes afin d'accroître leurs chances de triompher. La lutte contre l'impunité a bon dos pour inventer des crimes qui n'existent pas, et fabriquer des alibis d'exclusion d'adversaires redoutables et redoutés parce que le peuple réel commence à regretter amèrement ce qui s'est passé les 30 et 31 octobre et va le faire savoir.
C'est dans cette même logique d'exclusion qu'il faut ranger ce brusque réveil de certains activistes des OSC et partis politiques de l'ancienne opposition pour une armée à tenir à l'écart du champ politique. Si le ridicule tuait... ; ceux qui le 30 octobre appelaient l'armée au pouvoir, qui ont milité pour qu'au parlement de la Transition les forces armées de défense et de sécurité soient plus représentées que des partis politiques, notamment de l'ex-majorité, découvrent brusquement les vertus des hommes de tenue dans les casernes. Là aussi, c'est à croire que certaines candidatures annoncées à la prochaine présidentielle dérangent. Elles dérangent le scénario d'une élection de gentlemen agreement entre alliés d'hier et d'aujourd'hui pour continuer de se partager la tarte du pouvoir arraché dans les violences des 30 et 31 octobre derniers.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces velléités d'exclusion qui vident la charte de la Transition de son contenu constituent une dérive très grave. Si la commission des reformes et de la réconciliation nationale ne s'élève pas au dessus de la mêlée pour codifier des règles de compétitions électorales équitables et inclusives, il faut craindre des élections crisogènes. Or, les agitations dont font montre certaines OSC actuellement, c'est justement pour influencer la prise de décisions dans leur sens. Déjà que dans sa composition cette commission a royalement ignoré l'ancienne majorité et de ce fait n'est pas représentative de toutes les forces politiques en présence, on se demande si elle sera neutre dans ses délibérations. Ses membres ne vont-ils pas se sentir redevables envers ceux qui les ont placés là ? Leur rôle ne sera-t-il pas seulement celui d'avaliser la vision des autorités de la Transition.

Djibril Touré

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