Pour obtenir sa tête, on lui a collé tous les péchés d'Israël, sans que la moindre preuve n'ait été officiellement portée à la connaissance du peuple. Pour une transition consécutive à une insurrection populaire, il faut dire que l'opacité qui a entouré la gestion de ce dossier dit du complot, est troublante. Le peuple a été oublié dans cette affaire comme s'il n'avait pas le droit de savoir ce qui se passait. On se croirait retourné aux années Compaoré marquées par une gouvernance du secret. Si le départ du ministre Barry est donc la victoire de ceux qui manœuvrent et magouillent dans l'ombre, il laisse tout de même bien des Burkinabè sur leur soif. Et ce mystère ne fait que renforcer la popularité de Barry, qui apparait comme une victime expiatoire. En tout cas Barry part la tête haute, puisque le peuple ne sait exactement pas quelle faute il a commise alors qu'il garde de lui l'image d'un gros travailleur. On ignore quels sont les éléments en possession du président Kafando concernant Barry, mais toujours est-il qu'il laisse sa marque à ce ministère en s'illustrant comme l'un des meilleurs de l'équipe Zida I. Mais une chose est sûre, quelles que soient les raisons du départ de Barry, rien ne changera dans la marche de la transition jusqu'à son aboutissement le 11 octobre. C'est le message fort que le président Kafando et tous les démocrates doivent marteler en face de tous ceux qui croient que le retrait de Barry dela liste gouvernementale remettra en cause l'agenda du peuple. Ceux qui manœuvrent pour se soustraire à la justice, préserver leurs biens indus ou retarder la transition en auront pour leurs frais. On ira aux élections à la date indiquée, avec le même code électoral. Les candidats désignés par la CEDEAO comme les « dirigeants » impliqués dans la forfaiture du énième tripatouillage de la Constitution devront se préparer à se défendre devant les instances compétentes.
Au total, le départ de Auguste Denise Barry déçoit bien des partisans de l'insurrection. Mais il ne remet pas fondamentalement en cause l'équilibre de la transition : les militaires restent au gouvernement dont le nombre des portefeuilles respecte celui préconisé par la Charte. C'est ce que l'on peut retenir d'essentiel dans les péripéties que vient de vivre le pays. Il faut maintenant avancer vers les élections. De nouvelles incartades ne doivent plus être de mises car elles pourraient mettre à mal le processus de sortie de crise. Les Burkinabè sont fatigués de cette période post-transitionnelle trop balbutiante. Ils sont surtout lassés de la précarité dans laquelle cette conjoncture les a plongés. Mais aussi, la perspective d'un nouveau départ avec une élection présidentielle réussie, constitue une attente forte de la part des citoyens. Le Burkina étant connu pour son sérieux et sa rigueur relatifs, comparativement à d'autres pays africains, doit impérativement respecter sa parole et tenir les élections à la date convenue. D'autres pays ayant vécu des crises similaires, sont restés longtemps sans pouvoir organiser des élections, allant de report en report. Avec ses très maigres ressources, le Burkina ne peut se permettre de tels errements. En outre, il s'agit d'une question d'honneur. L'insurrection contre le pouvoir à vie ne continuera de servir d'exemple à travers l'Afrique que s'il réussit la transition vers un régime démocratiquement élu. Alors, seulement, la jeunesse africaine pourra applaudir et se dire que la lutte des Burkinabè n'a pas été vaine. Tout échec du processus burkinabè aura un effet désastreux sur l'ensemble des autres peuples en lutte contre les dirigeants qui se croient indispensables, notamment au Burundi, en RD Congo et au Congo.