Tommaso Caprioglio, chef observateur adjoint de la mission de l’UE aux élections

| 23.10.2015
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Tommaso Caprioglio, chef observateur adjoint de la mission de l’UE aux élections
© MOE UE
Tommaso Caprioglio, chef observateur adjoint de la mission de l’UE aux élections
Présent à Ouagadougou, depuis le 5 septembre 2015, dans le cadre des élections présidentielle et législatives, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOEUE) déploiera 80 observateurs dans les 13 régions du Burkina Faso. A travers cet entretien, le chef observateur adjoint de la mission, Tommaso Caprioglio, étaye le travail qui attend son équipe sur le terrain.


Sidwaya (S) : De façon concrète en quoi consiste votre mission d’observateur des élections au Burkina Faso ?

Tommaso Caprioglio (T.C.): Notre mission est arrivée au Burkina Faso, le 5 septembre dernier, dans le but d’observer les élections couplées (législatives et présidentielle) qui devraient se tenir le 11 octobre dernier. Mais comme vous le savez, compte tenu des événements du coup d’Etat manqué, la mission a dû retarder légèrement ses activités parce que les 24 observateurs qu’on devrait déployer le premier jour de la campagne électorale pour la présidentielle, sont arrivés le jour du coup d’Etat. Donc, vous comprenez que pour des raisons de sécurité, on ne pouvait pas déployer ces observateurs à travers le pays. Dans tous les cas, il n’y avait plus de campagne électorale à suivre. C’est pour cette raison que nous avons rapatrié ces observateurs. Néanmoins, la mission est restée au Burkina Faso avec sa première vague d’analystes et d’experts électoraux. Nous avons pu comprendre toutes les péripéties de ce coup d’Etat en attendant un nouveau calendrier électoral.

S : Que faisait la mission restée sur place pendant ce temps ?

T.C. : Ce temps nous a permis d’échanger avec des candidats aux élections, des partis politiques et des Organisations de la société civile (OSC). C’était notre manière de poursuivre nos activités. Cela dit, les 24 observateurs vont revenir au Burkina Faso à partir du 3 novembre prochain. Ils seront formés ici à Ouagadougou et seront déployés la veille du début de la campagne électorale présidentielle, c'est-à-dire à partir du 7 novembre sur l’ensemble des 13 régions du pays. Ce dispositif sera supporté par 48 autres observateurs de courte durée qui seront là le 24 novembre. Ils seront également formés et déployés deux jours après, dans toutes les régions du Burkina Faso. Je voudrais préciser qu’il y aura une délégation du parlement européen composée de sept députés. Ils vont nous rejoindre avant la tenue du scrutin et nous sommes en phase de recrutement de certains diplomates des Etats membres de la délégation de l’Union européenne (UE) en poste à Ouagadougou qui vont renforcer notre contingent. De façon globale nous comptons avoir au moins 80 observateurs et je suis optimiste que nous allons atteindre la centaine.

S : Il est prévu environ 17 000 bureaux de vote pour ces élections. Pensez-vous que ces 80 observateurs, si on s’en tient à ce chiffre, pourront assurer un travail de qualité ?

T.C : Je vais vous donner une métaphore pour vous permettre de comprendre une observation qui se base sur la qualité et non la quantité. La semaine dernière j’ai contracté la malaria pour la première fois dans ma vie. Le médecin ne m’a pas fait un examen de tout le sang qui est dans mon corps. Il m’a fait faire seulement le test de la goutte de sang. Ce test a été déterminant pour dire si j’étais positif ou négatif à la malaria. Malheureusement, j’étais positif. Cela pour vous dire que ce n’est pas nécessaire d’être présent dans tous les 17 000 bureaux de vote pour comprendre s’il y a des dysfonctionnements. J’ajoute une chose, nous ne sommes pas les seuls ! Nous travaillons avec des collègues burkinabè et étranger. A l’heure actuelle, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a déjà accrédité plus de 16 000 observateurs. Je suis sûr que le scrutin sera très observé mais encore une fois, notre mission a une particularité. Nous n’observons pas uniquement le jour du scrutin. Nous observons un processus électoral. Nous allons observer aussi la phase post-électorale. Comme vous le savez, le jour du scrutin tout se passe très bien ou presque, mais les problèmes arrivent après, et la mission technique est présente après et va suivre les contentieux électoraux s’il y a lieu. Et s’il y a un second tour, la mission sera toujours présente. Il y a éventuellement des contentieux sur le second tour qu’il faut prendre en compte jusqu’à la proclamation des résultats définitifs. Sinon je suis d’accord avec vous que dans un monde idéal, si nous pouvions déployer un observateur européen dans tous les 17 000 bureaux de vote ce serait excellent ! Mais vous devez comprendre qu’il y a la réalité du terrain. Déjà je pense que l’effort de l’UE de déployer une mission d’observation est considérable. Rappelez-vous, c’est le gouvernement burkinabè qui nous a invités.

S : En terme financier combien va coûter l’observation de ces élections à votre institution ?

T.C. : Cette mission d’envergure qui est totalement financée par l’UE tourne autour de 3 millions d’euros (environ 2 milliards de F CFA).

S : Y a-t-il des difficultés auxquelles vous êtes confrontés au jour d’aujourd’hui ?

T.C. : Non ! Pas du tout parce que dès que la mission a été invitée, il y a eu deux protocoles d’accord qui ont été signés. L’un a été signé avec le gouvernement et l’autre avec la CENI. Dans ces protocoles d’accord, il est rappelé les droits et les devoirs des observateurs. Parlant des droits, nous les observateurs, nous pouvons rencontrer tout le monde. Nous n’avons pas de limite dans nos mouvements. Nous ne devons pas demander la permission de rencontrer quelqu’un parce que ces protocoles d’accord nous donnent la possibilité de le faire.

S : En dehors de ces protocoles d’accord, avez-vous des observations à faire concernant l’organisation et le travail de la CENI ?

T.C. : Vous savez que nous nous sommes trouvés dans une situation un peu particulière. Donc, une des premières démarches que nous avons entreprises dès le lendemain de notre arrivée, a été de rencontrer le président de la CENI, Me Barthélémy Kéré, pour une prise de contact. J’ai eu l’opportunité de lui présenter toute l’équipe dont faisait partie un analyste électoral. Malheureusement, avec le coup d’Etat, nous n’avons pas pu faire ce qu’on avait prévu de faire conformément à notre programme d’activités. Mais dans une dizaine de jours, nous allons reprendre notre fil conducteur. C'est-à-dire, la CENI qui était à trois semaines du scrutin, les candidats qui étaient prêts à battre campagne et le Conseil constitutionnel qui avait rendu ses décisions concernant la liste définitive pour la présidentielle et pour les législatives avec la possibilité de remplacer des candidatures.

Si vous voulez, nous sommes dans une phase où le processus électoral vient d’être relancé avec un calendrier. Je vous rappelle que deux jours après la tenue du scrutin, la mission va présenter une déclaration aves ses conclusions préliminaires. On répétera la même chose en cas de second tour et à la fin, on présentera un rapport final du scrutin avec des recommandations pour les prochains scrutins.

Mais je précise que nous sommes là pour observer et non interférer dans un processus électoral. En tous les cas, s’il y a quelque chose de positif ou de négatif concernant le scrutin, on le dira parce que cette mission est indépendante des institutions de Bruxelles, de la délégation de l’UE qui est ici à Ouagadougou. Nous sommes des consultants.

Paténéma Oumar
OUEDRAOGO

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