Il est 7h 30 quand nous arrivons à l’école primaire publique de la Patte d’oie, située dans l’arrondissement 12, secteur 52 de la ville de Ouagadougou. Le dispositif sécuritaire est impressionnant, car c’est là que viendront voter le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, et son épouse, Sika. Une demi-heure plus tard le couple présidentiel est là, accueilli par Me Barthélémy Kéré, organisateur en chef des élections. En trois minutes, le chef de l’Etat et la première Dame ont sacrifié au rituel : vérification des mains-isoloir- dépôt du bulletin et les voilà face aux journalistes, impatients d’arracher au chef de l’Etat ses impressions.
«Ce matin, il y a pas mal d’activités religieuses qui font que pour le moment les citoyennes et citoyens ne sont pas encore sortis, mais je pense que le taux de participation sera tout de même relativement intéressant », a introduit Roch Marc Christain Kaboré devant le constat de la faible affluence des électeurs. Il se dit satisfait à l’avance et quoi qu’il en soit, car, à travers ces élections, c’est la mise en place des mairies et des conseils régionaux qui est assurée. Des instruments qui permettront, dit-il en substance aux populations, de pratiquer la démocratie à la base et d’apporter leur contribution à l’édification du Burkina Faso.
Que pense-t-il des nombreux incidents qui ont émaillé la campagne électorale ? Après avoir relevé que c’est la première fois que de tels incidents se produisent, le chef de l’Etat pense que les partis politiques ont franchi le Rubicond et il faut qu’il y ait une introspection de leur part afin que « nous ne nous comportions plus de cette manière à l’avenir ». Revenant sur le saccage du siège de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA) à l’arrondissement 7, RMCK fait un peu dans la langue de bois en déclarant que : «Il est loisible à chaque parti politique de déposer des plaintes, de suivre leur exécution de manière à ce que la gendarmerie fasse la lumière. Il faut que les responsabilités soient situées et que des sanctions soient prises en ce sens ».
Chef de file de l’opposition politique et président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), Zéphirin Diabré, lui, a voté à Zogona dans une école Medersa de l’arrondissement 5, secteur 22 de la ville de Ouagadougou. Il était 9h précises quand le candidat arrivé deuxième à la présidentielle du 29 novembre 2015 fit son entrée dans un établissement quasi désert. « C’est une alerte pour l’ensemble de la classe politique. Attendons que la journée finisse, mais j’espère qu’il n’y a pas de désaffection », a relevé Zeph à l’issue de son vote.
Le chef de file de l’opposition politique a par ailleurs déploré le fait qu’il n’y ait pas de vote dans certaines communes (Zogoré, Béguédo, Bouroum Bouroum) parce que, selon lui, le MPP n’a pas été capable de déposer un dossier dans ces communes. Et d’ajouter que c’est une situation grave, très dangereuse, car il s’agirait d’une « prime à l’incivisme ». « Aujourd’hui, c’est le MPP qui croit qu’il en bénéficie, mais il donne des idées aux autres. Je ne comprends pas que notre armée, nos forces de défense et de sécurité ne soient pas à même dans ces petites localités d’assurer la sécurité des votes et qu’on soit amené à les reporter », s’indigne-t-il.
Deuxième personnalité du pays, Salifou Diallo, président de l’Assemblée nationale, lui, a voté à Ouahigouya dans son patelin natal au nord du pays. Embouchant la même trompette que le chef de l’Etat et visiblement conscient de la faible affluence des électeurs, il estime que « ce scrutin municipal vient achever un processus et consacrer des structures de proximité pour l’encadrement citoyen du développement de nos villes et villages ».
Dans la même localité, Gilbert Noël Ouédraogo, président de l’ADF/RDA et porte-parole de la coalition ADF/RDA - CDP - UPC - NAFA, a donné sa voix à celui qui, selon lui, va gérer le mieux sa commune.
Concernant la timidité de la participation, le responsable du parti de l’Eléphant estime en substance que cette démotivation des populations était déjà perceptible lors du déroulement de la campagne. Et de renchérir : « A l’issue de l’insurrection, les gens ont cru qu’il y aurait une insurrection électorale, mais on a constaté que les gens sont plus découragés ; ils ne votent pas, et c’est la faute de ceux qui nous gouvernent actuellement ».
Ismaël Diallo, candidat aux élections communales dans l’arrondissement 5, toujours au secteur 22, lui, a voté à l’école primaire de la zone du bois précisément au bureau no2. L’ex-porte-parole du Front de résistance citoyenne (FRC) dit avoir également noté le peu d’empressement des populations pour les élections. Et de décocher une flèche à l’endroit des hommes dans « les bars à boire la bière ». Dans les actes de vandalisme déplorés çà et là, Ismaël Diallo voit une faillite des institutions de l’Etat et des partis politiques qui ne donnent pas « le message et la conscientisation nécessaire pour que les gens deviennent des citoyens et des gens disciplinés ». Il dit par ailleurs comprendre les habitants des villages qui protestent contre le vote dans leurs localités parce qu’ils ne connaissent pas les candidats. « Aux municipales, on ne vote pas un parti mais une personne », conclut-il.
Aboubacar Dermé (Stagiaire)