Imprimer cette page

Présidentielle et législatives du 29 novembre : Les nerfs à fleur de vote

| 30.11.2015
Réagir
Présidentielle et législatives du 29 novembre : Les nerfs à fleur de vote
© DR / Autre Presse
Présidentielle et législatives du 29 novembre : Les nerfs à fleur de vote
La démocratie, qu’elle soit rousseauiste ou tocquevillienne, est liée à une habituelle arithmétique : les élections qui légitiment ou déligitiment.


5,5 millions d’électeurs, c’est le corps électoral burkinabè qui s’est rendu, hier 29 novembre, aux urnes pour élire le président du Faso et 127 députés.

Enième élection depuis 1991 sans doute, ces scrutins ne ressemblent pourtant à aucun d’eux, loin s’en faut.

La présente compétition électorale couplée se veut être singulière, historique et inédite, car elle se tient sans celui-là même qui avait instauré un semblant d’Etat de droit, une démocratie trompe-l’œil, mais qui n’en demeurait pas moins un Leviathan : Blaise Compaoré déboulonné du pouvoir, le 31 octobre 2014 par une insurrection. Les élections sous Blaise se suivaient et se ressemblaient, car lui seul gagnait et perpétuait un système qui avait quasiment privatisé l’Etat.

Le scrutin du 29 novembre rompt avec des us et coutumes d’un passé à jamais révolu :

  • la cessation de la dominance d’un parti-Etat ;
  • un fichier électoral quasi-irréprochable ;
  • une CENI jugée compétente ;
  • pas de président-candidat qui bénéficie de la prime au sortant ;
  • 16 000 observateurs nationaux et internationaux qui vont «épier» le scrutin.

Ce rendez-vous majeur entre mandants et ceux qui sollicitent d’être des mandataires est un grand cérémonial républicain.

Trois aspects fondamentaux font que cette élection est d’une historialité inégalée pour les Burkinabè :

Primo : la masse silencieuse, cette grande muette, qui ne votait jamais, blasée par les mœurs politiques nauséabondes, s’est amoindrie. Au regard du corps électoral consistant, de l’engouement d’hier devant les bureaux de vote, en dépit du fait que certains peinaient à retrouver leur nom sur la liste et d’autres désidérata imputables à la CENI, on peut affirmer que le Burkina post-insurrection s’éloigne de plus en plus de la sphère abstentionniste.

Les insurgés de fin octobre avaient une seule obsession : faire partir Blaise, déconstruire son système, et instaurer un nouveau contrat social, d’où seront bannis les mauvais usages instaurés par le régime déchu.

Jeunes des «grins» de thé, intellectuels, gens du secteur informel, tous étaient peu ou prou, des abstentionnistes indécrottables, mais vraisemblablement, ils sont allés accomplir leur acte citoyen. (Lire les articles de nos envoyés spéciaux en provinces).

Ces «refusards» ont compris qu’en se portant aux abonnés absents à une élection, aussi ouverte et serrée, ils ne pourront pas porter de jugement après, sur des programmes qu’ils n’ont pas choisis ou rejetés par les urnes.

Ces indécis qui avaient fait que des villes telles Bobo ou même Ouagadougou, les capitales politique et économique, étaient pratiquement des «Swing state» burkinabè, risquent donc, sous réserve d’inventaire après résultats, de voir leur nombre s’amoindrir.

Secondo : c’est une élection ouverte où le quotient indétermination est très élevé, aussi bien pour la présidentielle que pour les législatives. En ce qui concerne la présidentielle, la fournée de prétendants au fauteuil de Kosyam est en surnombre, 14, pour 17 millions d’âmes. Mais c’est justement cela aussi un des traits de la démocratie, qui permet à celui qui se sent pousser des velléités de destin national, de pouvoir l’exprimer, même si évidemment, dans ce lot, se côtoient favoris, tocards et saltimbanques.

Dans cette dizaine de candidats, le duel au sommet est dominé par Roch et Zéph, les 2 pachydermes du marigot burkinabè. Malgré les sondages, les convictions de ceux qui prétendent maîtriser la carte électorale burkinabè, que l’un ou l’autre de ces 2 gagne, au premier ou au second tour, ils ne s’en trouveront pas beaucoup qui crieront au scandale et au hold-up électoral. Des tentatives de fraudes et même des fraudes, il y en a eu sans doute, mais qu’elles puissent impacter les résultats définitifs, il faut en douter.

Depuis fin octobre 2014, le parcours vers Kosyam n’est plus une promenade de santé.

Tertio : l’avènement d’un second civil au pouvoir. Ce sera la première fois que le peuple burkinabè se choisira un président civil, car depuis 1960, excepté le cas du premier président, Maurice Yaméogo, le pouvoir kaki, pour ne pas dire des prétoriens, a envahi l’arène politique, et ne voulait plus en sortir. Sur 7 présidents burkinabè, 6 son civils.

Transparence, sérieux et ouverture du scrutin, CENI jugée compétente, ont fait qu’hier 29 novembre, les Burkinabè avaient les nerfs à fleur de vote. Ils estiment que ce seront vraiment les hommes et les femmes qu’ils choisiront qui seront proclamés vainqueurs, et qu’ils ne seront pas floués de leurs choix.

A la vérité même, on peut parler d’eschatologie, la fin des temps pour la saga Compaoré. Car page après page, depuis fin octobre, les Burkinabè ont feuilleté le livre des 27 ans de règne de celui qui marqua le Burkina Faso au fer rouge. Le présent scrutin marque les premières lignes de l’épilogue, car tant qu’il n’y aura pas la justice, et la réconciliation, rien ne sera définitivement, fermé pour cette période.

Le changement donc ! «Changement», un vocable qui a traversé tous les discours des candidats, lors de la campagne électorale. A la limite, il s’agira d’une révolution copernicienne, qui ne se fera qu’avec tous les Burkinabè, cornaqués par un pouvoir voulu, accepté et compétent.

Scrutin exutoire, scrutin exorciste donc, que celui de ce 29 novembre, au pays des hommes intègres !.

Zowenmanogo ZOUNGRANA

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité