A l'instar de certains -comme Roczilla Kaboré- qui sont soupçonnés d'avoir pactisé avec l'intention blaisiste de tripatouillage de l'article 37 de la Constitution, Djibi a de sérieux soucis à se faire pour la validation de sa candidature. La «Loi Chériff» ayant désormais bétonné le chemin qui mène à Kosyam en introduisant une clause frappant d'inéligibilité tous ceux qui ont soutenu l'enfant terrible de Ziniaré dans son projet de pouvoir à vie, plus rien ne devrait plus être comme avant. Du moins, ne sera pas dans la course au palais de Kosyam qui veut, mais qui sera d'abord oint par les juges du Conseil constitutionnel. Et cette onction ne sera pas sans conséquence pour l'issue immédiate du processus de transition.
La question qui brûle presque toutes les lèvres est de savoir s'il faut désespérer de la candidature du général Djibi qui, malgré l'épée de la «Loi Chériff», continue jusque-là de croire que le dé n'est pas jeté à l'avance pour lui. Et qu'il peut non seulement déposer sa candidature comme tout le monde, mais aussi et surtout s'attendre à ce que celle-ci ne soit pas invalidée par le Conseil constitutionnel pour le motif que l'on sait déjà. En clair, faut-il croire que le sort du candidat de la Nouvelle alliance du Faso (Nafa) est scellé à l'avance?
Telle est l'interrogation dont on ne peut pas faire l'économie dans un contexte politique où il faut dorénavant compter deux camps. D'une part, celui des «insurgés des 30 et 31 octobre 2014», qui tiennent mordicus que «la dernière garde» du Blaiso, ceux qui l'ont accompagné jusqu'au mercredi fatidique du conseil des ministres du 21 octobre 2014, devraient «avoir la décence» de ne pas se présenter aux prochaines consultations électorales. De l'autre, il y a, bien sûr, les barons du régime déchu, dont certains sont revenus de leur bref exil pour essayer de rebondir sur la scène politique. Du reste, ces derniers ne se sont pas fait prier pour revivifier et remettre en selle l'ex-parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), et bien d'autres anciennes et nouvelles formations politiques, dont la Nafa, qui porte la candidature du général Djibi.
Comme on peut le voir, ce n'est pas pour le parti de l'ex-président que l'ex-ministre des Affaires étrangères veut rouler, mais pour la bien nommée «Nouvelle alliance» non moins formée par d'anciens camarades du CDP. Si l'on considère que l'adversaire du général n'est pas dans son propre camp mais dans celui d'en face, on comprend aisément la grande solidarité dont il bénéficie de la part de tous ceux qui prônent l'inclusion et s'élèvent logiquement contre l'exclusion. On peut s'imaginer que si d'aventure sa candidature venait à être invalidée par le Conseil constitutionnel, il pourrait compter sur la levée de boucliers de tous les partis de l'ex-majorité. Ce qui n'est pas rien en termes de grincements de dents, voire de crise pré-électorale.
C'est justement à cause de cette éventualité qu'il faut redouter le très attendu verdict des juges constitutionnels. Sans abonder dans le sens de ceux qui pensent que l'avenir du Burkina dépend des résolutions que prendra cette haute juridiction, il faut néanmoins craindre que la Transition -tant saluée et célébrée au-delà des frontières du Burkina- ne connaisse le même sort que dans les autres pays d'Afrique. Ce serait en tout cas dommage qu'elle s'achève sur une triste note.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'avenir du Faso dépend tout aussi bien du général Djibi que du Conseil constitutionnel. En effet, pour le premier, il s'agit de se demander si une probable invalidation de sa candidature serait une raison nécessaire et suffisante pour compromettre la relative stabilité politique de son pays. Pour le second, il est question de savoir s'il n'est pas plus sage de laisser tous les candidables compétir pour les élections à venir plutôt que de vouloir en empêcher certains au risque de compromettre la paix sociale.
Dans un cas comme dans l'autre, il y a certainement lieu de jauger les avantages et les inconvénients. Et surtout de penser à l'avenir immédiat de la nation. Personne ne devrait avoir aujourd'hui intérêt à rendre amers les fruits de l'insurrection populaire. Car, pour que le jeu politique soit aujourd'hui ouvert au point que tous ceux qui le désirent puissent se présenter à des élections, c'est bien parce que chacun a accepté, à un moment donné, de jouer ou de laisser faire le jeu de l'alternance.
Certains l'ont d'ailleurs payé au prix de leurs vies. Il faut donc savoir raison garder pour que l'intérêt général ne soit pas compromis par celui d'un individu ou d'un groupe. C'est une simple question de bon sens.
A.Woédrago