Imprimer cette page

Pabré : Suspicions de fraude pour conclure l’enrôlement

| 19.05.2015
Réagir
Pabré : Suspicions de fraude pour conclure l’enrôlement
© DR / Autre Presse
Pabré : Suspicions de fraude pour conclure l’enrôlement
Débutée le 12 mai 2015 dans les provinces du Kadiogo et du Houet, la révision des listes électorales y a pris fin le 18 du mois courant. Si dans l'ensemble la Commission électorale nationale indépendante (CENI) peut se satisfaire du déroulement de l'enrôlement, une fausse note, jouée à Pabré, a cependant entaché le processus aux derniers jours de l'opération : en effet, la sous-section du MPP de cette commune accuse celle du CDP d'y avoir convoyé illégalement des non-ressortissants pour se faire enrôler, « afin de leur assurer une victoire locale aux prochaines municipales ». Une affaire qui a défrayé la chronique tout le week-end passé. Nous y étions dans la journée d'hier.


Le 3 mars 2015 à Kaya, le président de la Transition, Michel Kafando, lançait la reprise de la révision des listes électorales pour les scrutins présidentiel, législatifs et municipaux. Depuis, le processus a suivi son cours, sans à-coups majeurs à l'exception de quelques incidents vite rattrapés çà et là. Et c'est pendant que l'on s'acheminait calmement vers la fin du processus dans les provinces du Kadiogo et du Houet, que la CENI a été confrontée à une autre situation controversée dans la bourgade de Pabré située à 18 kilomètres au nord de la capitale.

En effet, un groupe d'habitants de la commune, se réclamant du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), a empêché l'enrôlement d'un certain nombre d'électeurs au motif qu'ils ne sont ni habitants ni ressortissants de Pabré et qu'ils y auraient été convoyés par le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

Pour Joseph Zongo, c'est inadmissible que des gens viennent d'ailleurs pour choisir leur maire à Pabré. Et Pascal Nabolé du même parti de renchérir : «L'ancien maire Anatole Doamba et les siens font venir des gens de Tanghin, de Kamboinsin, de Tampouy pour se faire enrôler ici à Pabré alors qu'ils n'ont aucune attache avec la commune. Lorsqu'on a posé le problème aux gendarmes, nous avons été étonnés d'entendre le commandant de brigade, lui-même, nous dire que ces gens étaient autorisés à s'inscrire. Ils nous a même laissés entendre que si nous le voulions aussi, nous pouvions convoyer des gens à Pabré pour qu'ils s'inscrivent».

Que pense-t-on d'une telle réponse du côté de la CENI ? Pour Roseline Bassonon, cadre d'appui, les propos du commandant de brigade peuvent s'expliquer par l'article 48 du Code électoral qui dit ceci : «Sont inscrits sur les listes électorales tous les électeurs qui ont leur domicile dans le village ou le secteur ou qui y résident depuis six mois au moins ; ceux qui ne résident pas dans le village ou le secteur et qui figurent depuis trois ans au moins sans interruption au rôle de la contribution des patentes ou qui ont des intérêts économiques et sociaux certains et qui auront déclaré vouloir y exercer leurs devoirs électoraux ; ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire en raison de leur fonction ou profession ; les Burkinabè résidant à l'étranger et régulièrement immatriculés à l'ambassade ou au consulat général dans le pays de leur résidence».

N'empêche, les militants du MPP, leur secrétaire général, Clément Sawadogo, en tête, restent mordicus convaincus que le CDP veut forcer le destin pour reconquérir la mairie de Pabré. La preuve, c'est le fait que les personnes qui affluent dans leur bourgade ne sont connues de personne. «Nous avons intercepté quatre jeunes hier (NDLR : dimanche 17 mai), ceux-ci nous on dit qu'ils ne connaissaient même pas Pabré avant qu'on les y envoie pour s'inscrire sur la liste électorale», a souligné Roger Dagré.

Et Abel Zongo de nous confier qu'Anatole Doamba distribue billets de banque et basins à Kamboinsin pour recruter des candidats à l'enrôlement à Pabré (Cf. encadré). Les éléments du MPP connaissent-ils de visu tous les ressortissants de Pabré ? Ceux qui se sont constitués en groupes de veille au niveau des deux bureaux des d'enrôlement (mairie et préfecture) prétendent connaître tous les ressortissants de Pabré et de ses 22 villages qui n'y résident pas.

La version des gens d'en face

A la préfecture, c'est la gendarmerie qui assure la garde du bureau des OPK. Dehors, il y a deux camps. Sous le hangar qui sert habituellement de garage aux véhicules, les militants MPP veillent au grain. De l'autre côté du domaine, les éléments venus s'enrôler et se réclamant du CDP regardent au loin l'entrée du bureau. L'un d'entre eux décide de nous parler tout en requérant l'anonymat : «Nous sommes de Pabré, tous ici présents. Mais ces gens là-bas (NDLR : les militants MPP) nous empêchent d'aller nous faire enrôler au prétexte que nous ne sommes pas d'ici. Nous-mêmes nous ne résidons pas ailleurs, nous vivons tous ici. Vous voyez ce monsieur-là (NDLR : il montre un d'entre eux), c'est sa boutique qui est juste au bout de la rue là-bas. Mais ils l'empêchent de s'inscrire. Est-ce normal ?»

Pour lui, tout est parti du fait que des ressortissants de Pabré vivant à Tanghin (Ouaga) se sont regroupés pour venir se faire enrôler à bord d'un minibus qui leur a été affrété par un autre ressortissant du coin, tenancier d'un célèbre maquis à Ouaga. «Mais à leur arrivée, ils ont été confrontés à ces gens qui les connaissent pourtant. Ce qui est dommage, c'est que le commissaire régional de la CENI, Idrissou Koanda, a même affirmé que nous pouvons nous inscrire», poursuit-il dépité.

C'est surtout l'interprétation de l'article 47 du code électoral qui divise les deux camps. Il dit ceci : «Il est institué une liste électorale pour chaque village, secteur, arrondissement, commune rurale, commune urbaine, pour chaque province ainsi que pour chaque ambassade ou consulat général du Burkina Faso. La liste électorale de la commune urbaine ou d'arrondissement est constituée des listes électorales des secteurs et/ou des listes électorales des villages. La liste électorale de la commune rurale est constituée des listes électorales des villages et des secteurs. La liste électorale provinciale est constituée de l'ensemble des listes électorales communales. Le fichier électoral national est constitué de l'ensemble des listes électorales provinciales ainsi que de celles des Burkinabè résidant à l'étranger».

Alors, de quelle liste s'agit-il à Pabré dans le cas d'espèce ? C'est sûrement la réponse à cette question qui peut départager les protagonistes, avec un zeste de bonne volonté de part et d'autre. Cela est nécessaire au bon déroulement des prochaines joutes, car de telles oppositions ne présagent rien de bon. En attendant, en ce dernier jour de l'enrôlement, la tension avait baissé après que l'on a frôlé le pire durant le week-end.

Arnaud Ouédraogo
___

Encadré

La sous-section MPP interpelle la CENI

L'opération d'enrôlement des électeurs commencée à Ouaga depuis le mardi 12 mai dernier connaît déjà un cas célèbre de fraude. Et c'est dans la commune rurale de Pabré qu'un vaste réseau a été dénoncé par les populations, témoins de la supercherie.

Le 1er acte fut l'irruption, le mercredi dernier, de deux cars chargés de personnes (principalement des femmes) en provenance de Ouagadougou (de la zone de Tampouy) pour se faire enrôler dans les bureaux de vote de Pabré Centre. Alertés, des riverains auraient cherché à comprendre. Et ce sont des occupants du car qui auraient dévoilé qu'il s'agit d'une opération organisée par un employé de la mairie de Pabré, de la proche intimité de l'ex-maire Anatole Douamba. Ceux-ci reconnaissent n'être ni originaires de Pabré ni liés de près ou de loin à la localité ; malheureusement la supercherie n'a été détectée qu'à la fin de l'enrôlement des intéressés. La population décide alors d'organiser la vigilance autour du bureau de vote pour éviter la continuation de ces inscriptions frauduleuses.

Le 2e acte est la détection, ce jour 15 mai, d'un réseau essentiellement composé de femmes de la localité voisine de Kamboincé et ses environs. Là il s'est agi de procéder à un recrutement massif de personnes désireuses d'aller s'inscrire à Pabré moyennant récompense. Et au dire d'une de ces personnes abusées, chaque personne acceptant le deal est immédiatement récompensée d'un complet de trois pagnes, d'une somme de 1 000 F et de quoi se désaltérer après inscription. L'intéressée devrait communiquer aux commanditaires son numéro de téléphone portable pour être joignable au moment du vote. Toujours selon les dires des personnes abusées, l'ex-maire de Pabré Anatole Douamba serait le commanditaire de l'opération, qui concernerait de très nombreuses personnes.

Aux dernières nouvelles, d'autres membres du réseau de fraudes s'apprêteraient à convoyer, dans les jours restants, des recrues des périphéries de Ouaga vers les villages de Pabré. Ainsi en est-il des projets d'un ex-conseiller CDP du village de Nédogo qui aurait déjà préparé son convoi pour être acheminé le week-end sur son village.

Devant ce cas de fraudes massives organisées dans un vaste réseau par l'ex-maire Anatole Douamba et acolytes pour le compte du CDP, le MPP et les autres partis s'organisent pour le dénoncer. La CENI et les forces de l'ordre sont interpellées pour des mesures immédiates et fortes pour enrayer la fraude et châtier les fraudeurs.

Le cas de l'ex-maire de Pabré est tout de même effarant. Après la vente en plein jour de parcelles à Pabré dénoncée par la population (confère les marches et articles de dénonciation) et au sujet de laquelle la population ne comprend rien à la passivité des autorités, le revoilà dans la fraude électorale, sachant clairement qu'il est vomi et qu'il ne peut compter sur les électeurs de Pabré pour une quelconque réélection.

Naturellement tous les jours sont pour le voleur et un seul pour le propriétaire !

La sous-section MPP de Pabré

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité