En attendant le vote..., les démonstrations des forces politiques en présence se poursuivent, et pour cause. On se souvient que dans l'arrondissement n°4, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), alors giga-parti au pouvoir, a eu la surprise de voir élire un «maire rebelle» en la personne d'Anatole Issa Bonkoungou. Ce dernier, ayant déjoué les consignes de l'état-major du parti, a réussi le tour de passe de remporter la majorité des voix des conseillers municipaux dans une élection où il n'était pas supposé être candidat. Ses «patrons» préféraient évidemment quelqu'un d'autre à sa place. Sa «désobéissance» lui avait valu une suspension. Mais le «mal» était déjà fait. Ses détracteurs n'ont pas démordu tout autant. Ils ont poussé la roue jusqu'à cette décision irrévocable de dissolution du conseil municipal.
Mais Anatole «le rebelle» ne peut s'avouer vaincu. Pour aborder la reprise des élections du 23 février prochain, il a fait un pas de plus dans l'insubordination en ne se présentant pas non plus sous la bannière du CDP -son parti d'origine-, mais celle de l'Organisation pour la démocratie et le travail (ODT), une formation politique qui se réclame de la mouvance présidentielle. Mais le maire sortant de Nongremassom peut-il être considéré comme un militant d'une mouvance présidentielle présidée par Assimi Kouanda et patron du CDP? Telle est la question que les électeurs n'osent pas encore lui poser. Du reste, cela ne semble pas encore à l'ordre du jour. Sa préoccupation est d'abord de reconquérir son fauteuil de maire et après, on verra.
Certes, l'enjeu de ces élections municipales est différent de celui du jeu d'alliance qui se noue en ce moment au niveau de la politique nationale. Tout en étant opposé au CDP, Anatole peut militer dans un parti proche du pouvoir et membre du fameux Front républicain. Mais certaines langues fourchues disent que s'il est réélu, il ne fera pas long feu dans le giron de ces anciens camarades. Derrière le masque de l'ODT se cacherait plutôt les gourous du parti des démissionnaires du CDP, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Si Anatole Bonkoungou n'est pas à ces élections sous les couleurs de cette formation politique, ce serait simplement parce que sa constitution est intervenue trop tard, c'est-à-dire après le dépôt des candidatures. Ceci expliquerait donc pourquoi la conquête de l'arrondissement n°4 de Ouaga suscite autant de convoitise?
Le moins que l'on puisse dire, c'est que même si le MPP n'est pas présent dans la campagne, le cœur de ses militants et sympathisants ne balance pas moins pour Anatole «le rebelle». Certains des candidats de sa liste ne cachent d'ailleurs pas leur proximité avec les «démissionnaires». Ainsi évoque-t-on le soutien discret de Simon Compaoré. On peut même voir des affiches du MPP sur le tronc des arbres dans la rue passant devant le siège de la mairie de Nongremasson et d'autres lieux stratégiques. En clair, l'arrondissement n°4 serait dans la ligne de mire du MPP qui manœuvrerait sous le masque de l'ODT. Info ou intox?
Il est difficile de croire que c'est seulement contre ses adversaires traditionnels que le CDP fait la débauche d'énergie et de moyens que l'on a constatée tout au long de la campagne à travers les secteurs de l'arrondissement n°4. Il suffit de peser les comptes-rendus que la TéNéBreuse fait des différents meetings dans les communes rurales concernées par les élections du 23 février pour se rendre compte qu'une campagne électorale peut cacher une vraie bagarre pour le contrôle d'un territoire. Le fait que François Compaoré, «le petit président» himself, se soit déplacé dans la plupart des secteurs de la circonscription électorale n'est pas neutre. Que ce soit lui ou le sinistre Arthuro Patienté, on a pu voir que l'offensive était à la hauteur des enjeux. Il ne faut pas perdre cet arrondissement parce qu'il risque de tomber dans l'escarcelle du MPP, et donc de la véritable opposition qui fait peur au CDP. On se rappelle encore les injonctions faites par le parti pour obtenir l'allégeance des députés et maires élus sous sa bannière. L'honorable Larlé Naaba n'ayant pas obtempéré, il s'est vu logiquement éjecté avec tous les avantages et honneurs qui allaient avec son statut de député et de dignitaire du parti au pouvoir. Mais peut-on faire le même coup à un maire, c'est-à-dire le déchoir de son mandat?
On sait par exemple que Jean-Claude Bouda, le maire actuel de la ville de Manga, ne cache pas son appartenance au MPP. Il est même du bureau exécutif provisoire. Visiblement, sa nuque semble bien protégée. En tout cas, pour le moment. Quant à Anatole Bonkoungou, il a courageusement résolu l'équation en se positionnant d'ores et déjà sur une liste autre que celle du CDP. Il lui reste maintenant à gagner la confiance des électeurs en remportant, dans un premier temps, le plus grand nombre de conseillers municipaux et, ensuite, en se faisant élire comme président du conseil municipal de l'arrondissement n°4. C'est seulement après qu'il peut prétendre semer l'ODT pour migrer au MPP. Le nomadisme, notamment vers «le parti des démissionnaires du CDP», n'est pas également à exclure au sein des futurs conseils municipaux de Yamba, dans la province du Gourma, de Soubakaniédougou dans la Comoé, de Bagré dans le Boulgou, de Pensa dans le Sanmentenga, ou encore à Guiaro dans le Nahouri. Il faut attendre le verdict des urnes après le 23 février pour voir les futurs élus se déterminer plus clairement.
F. Quophy