Municipales du 22 mai au Burkina Faso : Des élections locales à enjeu national

| 23.05.2016
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Municipales du 22 mai au Burkina Faso : Des élections locales à enjeu national
© DR / Autre Presse
Municipales du 22 mai au Burkina Faso : Des élections locales à enjeu national
La tension était à son comble dans les états-majors des partis politiques, hier soir. Aussitôt les bureaux de vote fermés que les responsables de partis, les visages graves, les yeux clignotants et les oreilles toute ouïe, s’attellent au fastidieux et épineux travail de compilation des résultats des élections municipales. Avec un soin maniaque, ils décrochent les appels, s'ils n'appellent pas, pour prendre le pouls de l'atmosphère dans les arrondissements de la capitale politique et les villes de l'intérieur du pays.


Succédant à la bataille de la conquête des cœurs de l'électorat, celle des chiffres peut encore compter sur le soutien enfiévré et chauvin des militants de base qui, par essaim, quadrillent les différents bureaux de vote. Il ne pouvait en être autrement, car ces élections sont le premier véritable test local démocratique de la période post-insurrection. Pour une fois, elles mettent aux prises, dans des conditions transparentes et libres, les principales formations politiques, dans ce qu'elles ont de plus percutants et rassurants, y compris des maires sortants de l'ancien parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).
Ce scrutin devant permettre à l'ensemble des 350 communes urbaines et rurales du Burkina Faso de présenter fière allure dans la perspective des cinq prochaines années, revêt de nombreux enjeux, au-delà de celui de parachever la mise en place de l’édifice institutionnel post-insurrection.

Le premier est le taux de participation. Il s'annonce très bas, largement en- deçà de celui des élections couplées de novembre dernier, 59,87%, en dépit de la présence remarquée du CDP. On retiendra que la journée de ce 22 mai fut un rendez-vous manqué, à l'image de la campagne électorale, fade et insipide. Ne s'étant pas passionnés pour ces élections, les gens n'ont pas dérogé à leurs habitudes hebdomadaires. Le président du Faso, sitôt son devoir de citoyen accompli, aux environs de 8 heures GMT à l’école de la Patte d’Oie «B», avait laissé entendre qu’il espérait un taux de participation intéressant. On voudrait bien le croire, mais hélas, sous réserve d’inventaire, l’optimisne n’est pas de mise. Ils se sont endimanchés pour aller au culte ; après quoi, ils ont, pour la plupart, préféré les gargotes et les visites à leurs amis et parents.

Le deuxième enjeu, le degré d'acceptation et d'ancrage des trois grosses pointures de la saynète politique, en l'occurrence le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le CDP et l'Union pour le progrès et le changement (UPC) qui feraient la course en tête du peloton.

Verra-t-on si le parti au pouvoir, le MPP, qui a tout à perdre son honorabilité et son prestige, confirmer son ascendance populaire ou s'il sera dégonflé comme un ballon de baudruche ? Quoiqu'il advienne, le parti est vachement attendu dans les cinq plus grandes villes du pays, à savoir Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Ouahigouya et Dédougou, constituant à la fois le terreau et le ferment des mouvements de contestation. Nombreux sont ceux qui estiment par exemple, que si le MPP ne s’empare pas de la mairie centrale de Ouaga, il aura perdu un peu le pouvoir d’Etat, partant du fait que, qui tient le centre, tient la périphérie.

Verra-t-on aussi si le parti de Zéph, classé deuxième, à la présidentielle de novembre dernier, avec 29,62% des suffrages exprimés, profitera de l'émoussement des espoirs suscités par le MPP pour gagner du terrain et prendre du coup, le dessus. Ou bien se contentera-t-il de la deuxième place, évitant une troisième, synonyme d'une cruelle désillusion. Si cette hypothèse dans l'ordre possible des choses, venait à se matérialiser, l'homo politicus moyen viendrait à croire que le parti a atteint son pic maximal avec 1 615 conseillers dans 251 communes en 2012, qu'il amorce aujourd'hui, une course dans le sens contraire de l'aiguille d'une montre.

Enfin, on saura si l'ancien parti au pouvoir, le CDP, dont des noms des candidats avaient été mis en avant sur les tabloïds des accusations diffamantes, tient encore la route. Le parti, qui caresse le secret dessein d'arriver sur la plus haute marche, à défaut la deuxième, a dû se couvrir soigneusement de poudrette, en nouant des alliances objectives avec des partis issus et membres de l'ancienne majorité présidentielle. Tel que ce fut le cas à Koudougou, dans le Centre-Ouest du pays où l'adversité, aussi âpre, compose avec des visions antagoniques proprement agnostiques.

De toute évidence, l'attente sera longue, non sans risques réels de débordements. Car certains pourraient se laisser prendre au jeu de la surenchère. C’est d’ailleurs, le cas dans les communes de Bouroum-Bouroum, Béguédo, Dapélogo et Zogoré où l’atmosphère conflictogène a fait annuler le scrutin. C'est pourquoi l'on se plaît à rêver que la Commission nationale électorale indépendante agira avec célérité, comme elle l'a fait dans le cadre de la présidentielle de novembre, proclamant les résultats provisoires dans les 48 h suivant les élections.

De la sorte, le suspens fera long feu et chacun pourra se faire une idée nette de ses espoirs d'une resocialisation et d'une reconstruction d'une nouvelle cité vivant au rythme du travail, de la solidarité et du partage.

Christian N. BADO

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