Voici ce que stipule l’article 68 de la loi Chériff(1) portant interdiction des gadgets en période de campagne électorale au Burkina. Cette disposition du Code électoral relu est entrée en vigueur depuis le 10 juillet 2015 et ce pour une durée de trois mois sur toute l’étendue du territoire national. Tous les acteurs de la vie politique nationale sont unanimes à reconnaître la pertinence de cet article 68, en ce qu’il va permettre d’équilibrer le jeu politique et éviter que les partis qui ont plus de moyens financiers n’écrasent ceux aux petits budgets. Il faut que la compétition électorale soit saine, équitable et la plus transparente possible. Votée le 7 avril dernier par les députés du Conseil national de la Transition, l’applicabilité de cette loi sur le terrain pose cependant problème. Puisqu’à écouter les spécialistes des questions électorales, cette disposition stipule qu’un militant d’un parti politique qui viendrait à enfreindre la loi pourrait tomber sous le coup de la sanction. De façon concrète, un militant d’un parti politique qui habite à Falangountou dans le Séno ou à Kankalaba dans la Léraba qui viendrait à porter un T-sirt à l’effigie de sa formation politique ou un pagne aux couleurs de son parti, pourrait être interpellé par les forces de sécurité et présenté devant le Procureur du Faso. Motif: le militant fautif tombe sous le coup de la loi qui sanctionne les contrevenants à cet article 68. Mais de vous à nous, comment expliquer à une vieille femme de 90 ans qui garde jalousement son T-sirt et son pagne frappés du sceau d’un parti politique dont elle n’a même pas la carte de membre qu’elle ne doit pas porter ce qu’elle considère comme un cadeau précieux de son neveu, fils ou fille politicienne? Comment convaincre un enfant de refuser de prendre des bonbons à lui offerts par un responsable de parti politique? La vieille femme et l’enfant, selon la rigueur de la loi, enfreignent les dispositions de l’article 68. Ah oui! Dura lex, sex lex! dira-t-on. Mais, sincèrement que reproche-t-on à «Mamie» et à «Jean»? Ont-ils commis le crime le plus grave en attentant à la Constitution? Non! Du reste, «Mamie» et«Jean»ignorent tout de cet article 68 du nouveau Code électoral dont le contenu jusqu’à ce jour n’a pas été largement expliqué aux masses laborieuses. Ce qui est écœurant avec cet article, c’est que le militant est tout aussi sanctionné que le parti politique. Avec une population à plus de 80% d’analphabètes cette disposition n’est-elle pas en déphasage avec nos réalités socio-culturelles? Sous nos tropiques, un cadeau ne se refuse pas surtout provenant d’un parent. Face à cette réalité, que le législateur nous dise comment identifier le ou les coupables? Car si tel est le cas, la majorité des Burkinabè sera interpellée et traduite en justice. Dans tous les cas l’interprétation de cette loi pose problème au citoyen lambda.
Ambèternifa Crépin SOMDA
(1)Prénom du Président du Conseil national de la Transition