Cette proposition de l'exécutif a l'avantage de raccourcir encore plus la transition, dont les acteurs semblent être pressés de lâcher la patate chaude qui est en train de brûler leurs doigts. Ils ont en effet, reçu trop de volées de bois vert en l'espace de quelques mois d'exercice du pouvoir qu'ils songent sérieusement à rendre le tablier à qui de droit, le plus tôt possible.
Il faut dire que la communauté internationale et l'opinion publique, qualifiée ailleurs de «rue», ne leur laissent guère le choix, leur rappelant à tout bout de champ, que le compte à rebours est enclenché et qu'il faut faire fissa.
La première réunion du groupe international de contact sur la transition au Burkina a été, on ne peut plus clair. Il faut organiser les élections à bonne date et laisser la gestion du pouvoir à un exécutif et un législatif désignés sur les bases démocratiques des élections.
On peut donc, dire que le trio Zida-Sy-Kafando ne veut pas se faire prier et met les bouchées doubles pour se tirer d'une situation dans laquelle ils ont déjà perdu des plumes :
- le président du législatif, Chérif Sy, avec le «scandale» des émoluments des députés du Conseil national de la transition ;
- le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida et ses ministres et directeurs généraux contestés, sans compter la fronde au Régiment de sécurité présidentielle ( RSP) qui a mis très mal à l'aise le ministre de la défense qu'il est ;
- le président Michel Kafando dont les cadeaux menaçants de fin d'année n'ont pas été appréciés.
On passe sous silence cette grosse attente des Burkinabè qui respirent goulûment et à gorge déployée, ce vent d'espoir qui a explosé depuis un midi d'un certain 31 octobre 2014 et qui se montrent très exigeants de leurs dirigeants, voulant rattraper en 10 mois ce qu'ils ont sacrifié en 27 ans.
D'où donc, la volonté des gouvernants «transitoires» de vite refiler cette bourrasque à leurs futurs remplaçants. Mais, cet «empressement» risque de ne pas se faire sans quelques «sacrifices» ou peut même de ne pas totalement se passer comme prévu.
D'abord, la tenue des élections couplées en septembre a une forte chance de se buter à un obstacle... humide ! Si la présidentielle a lieu le 20 septembre, la campagne électorale doit probablement se tenir en août 2015. Si les nuages sont au rendez-vous, les prétendants aux fauteuils présidentiel et législatifs devront s'équiper de parapluies, pour pouvoir accéder à certaines localités qui deviennent plus qu'enclavées, lorsque tombent les premières gouttes de pluie. Le Burkina sera en pleines récoltes, et même depuis près d'une décennie, l'hivernage joue les prolongations jusqu'en fin septembre. C'est dire que les masses laborieuses auront l'esprit aux champs qu'à des élections. A juste raison d'ailleurs, car l'urne sonne creux, lorsque le ventre est vide. Et les promesses électorales, les paysans en ont eu pour leur tasse ;
Ensuite, déployer le matériel électoral (bulletins de vote et isoloirs, généralement en papier) comporte de gros risques. Certes, comme de par le passé, les aéronefs et tulico de l'armée, peuvent faire l'affaire, mais il n'en demeure pas moins que certaines localités restent des îlots inaccessibles, par manque de voies de désenclavement.
A cela, s'ajoute l'accessoire, à savoir les vacances, lors desquelles les voyages sont nombreux. Les voyageurs, inscrits par exemple à Boussé et qui seront à Bobo pendant le vote, vont-ils revenir pour jouir de leur droit au vote ?
Le président Michel Kafando, la CENI et les acteurs politiques devraient penser à ces aléas, avant d'adouber la date du 20 septembre 2015. A moins que l'esprit patriotique ne triomphe sur toutes ces considérations.
L'autre aspect, c'est que des volets de la transition risquent d'être écartés de la trajectoire de Kafando et sa suite :
- le vote des Burkinabè de l'étranger est en train d'être fixé sur le calendrier électoral de 2020. La communauté internationale a même souhaité qu'il en soit ainsi, afin de ne pas encombrer le processus de la transition d'une opération qui risquerait de lui faire plus de mal que de bien ;
- certaines réformes ne seront pas menées ou en tout cas, leur chantier sera juste entamé, quitte aux futurs tenants du pouvoir de les régler. Ce qui serait dommage pour certaines questions, notamment judiciaires ou démocratiques, qui auraient joui d'une plus grande impartialité dans leur traitement, pendant la période transitoire.
Mais, la transition n'a pas encore dit son dernier mot et il faut attendre de savoir si la Commission nationale des réformes pourra entamer ses travaux, avant novembre 2015.
L'agenda électoral se dessine donc, et s'il faut attendre la rencontre du 19 janvier prochain pour peut-être, en savoir davantage sur le vrai timing de façon pragmatique, la date du 20 septembre paraît irréaliste, compte tenu de ces impondérables :
Si donc, les Burkinabè et le pouvoir de la transition rongent leurs freins, pour fermer cette période transitionnelle, il faut baliser le processus, et se donner tous les moyens d'organiser des élections justes et acceptées. Il est donc, impérieux que les autorités, et les partis politiques tiennent compte de cette période peu propice, pour en fixer une autre. La démocratie a tout à gagner dans ce choix .
Ahmed BAMBARA