Dans le face à face avec la société civile et la classe politique, voulu par le chef de l'Etat, Michel Kafando, pour « rendre compte » des premiers pas de la Transition et tabler sur les actions futures, la question de l'organisation des élections de novembre 2015 a pris le dessus. Pouvait-il en être autrement, puisque l'objectif fondamental du gouvernement de Transition est de tenir à bonne date des scrutins, pour ramener le Burkina post-insurrection sur le chemin de la démocratie. A savoir des municipales, des législatives et une présidentielle. Sur cette question « cruciale » des élections, le président Michel Kafando a partagé sa vision des choses avec ses interlocuteurs, sans oublier les réalités de l'heure. A propos de l'organisation des élections, le chef de l'Etat a émis l'idée suivante : « Pour des raisons budgétaires, il faut arrêter le principe du couplage. On va peut-être organiser les élections législatives et présidentielle d'abord, quitte à ce que le gouvernement qui sera issu de ce scrutin vienne organiser les municipales ». Pour ce qui est du vote des Burkinabè de l'étranger, autre grande préoccupation du moment, Michel Kafando s'est montré réaliste : « Il sera difficile d'encadrer ce vote, puisqu'il nous reste neuf mois d'actions. Et le danger pourrait venir surtout de la Côte d'Ivoire, pays abritant la plus grande communauté burkinabè, où l'atmosphère n'est pas sûre ». Pour le reste, le président Michel Kafando a rassuré ses interlocuteurs de l'organisation effective des élections d'ici à la fin de l'année. «Nous nous sommes fait un point d'honneur que le Burkina Faso aura ses nouvelles institutions en 2015. Faites-nous confiance ! », a-t-il dit aux responsables de la société civile et des partis politiques, dont il a loué la responsabilité et l'action dans le changement intervenu au Burkina Faso. Sur le point des élections, la société civile, reçue en premier lieu par le chef de l'Etat, a livré ses avis sur divers aspects, par la voix de son représentant, Jonas Hien. Pour la question du couplage des élections, le porte-parole des Organisations de la société civile (OSC) a fait part de l'existence de deux idées au sein de sa corporation. L'une porte sur le couplage des élections législatives et présidentielle, et l'autre sur la tenue d'élections générales. S'il a reconnu la réduction des coûts pour le dernier type de scrutin comme avantage, M. Hien a néanmoins posé une réserve là-dessus. Pour lui, les élections générales pourraient poser des problèmes aux populations à majorité analphabète, surtout dans le choix des candidats. Le vote des Burkinabè de l'étranger a aussi retenu l'attention du représentant des OSC, qui a évoqué la présence de deux courants dans leurs rangs. Il a indiqué que certains acteurs de la société civile veulent de l'effectivité de ce vote, censé entrer en vigueur depuis le 1er janvier 2015. D'autres, par contre, n'y sont pas favorables, relevant des difficultés matérielles, comme l'ont témoigné des missions de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à l'étranger. Pour autant, il reste convaincu que « si on permet aux Burkinabè de l'étranger de voter, ce sera leur rendre justice ». Les candidatures indépendantes auxquelles la société civile est attachée, et la constitutionnalisation de la CENI, qui fait débat, ont été également abordées par M. Hien.
Le regard des politiques
Au-delà du discours liminaire du président Michel Kafando, les différents points de la rencontre ont fait l'objet de discussions à huis clos séparés entre le président Michel Kafando et ses vis-à-vis. Et le sujet sensible des élections a le plus focalisé les débats, si l'on s'en tient aux confidences des acteurs. « Nous avons approfondi les échanges sur diverses questions. En termes de renforcement de la transparence par rapport aux élections à venir, nous avons surtout tablé sur le Conseil constitutionnel, dont la composition doit être revue pour tenir compte des exigences de la démocratie. Nous avons parlé également des dépenses lors des élections, afin de tenir compte des réalités économiques du pays », a confié Jonas Hien, au sortir du huis clos avec son groupe. Les responsables des partis politiques présents se sont également exprimés au sortir de la salle polyvalente de Kosyam, lieu de la rencontre. « Nous avions déjà exprimé notre position. Il est illusoire de penser qu'on pourra organiser des élections transparentes et dans les conditions requises dans tous les ambassades et consulats du Burkina Faso. Nous avons considéré, en ce qui concerne les votes des Burkinabé de l'étranger, qu'il était sage de commencer dès maintenant à créer les conditions de cette participation pour les élections de 2020. Parce qu'aujourd'hui, si l'on demande le nombre de Burkinabè de l'étranger vivant en Côte d'Ivoire, au Ghana et au Togo, il n'y a pas de recensement », a avancé le président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Roch Marc Christian Kaboré. De son côté, le président du Front progressiste sankariste, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, a affirmé : « Une des difficultés, c'est par exemple la participation des Burkinabè de l'étranger. Il y a aussi qu'il faut revoir le fichier électoral. Le président de la Transition semble être très optimiste parce qu'il a pu lever nos inquiétudes ». Er d'ajouter : «Par rapport au Régiment de sécurité présidentielle, RSP, il (président) nous a rassurés qu'effectivement, il y a eu quelques petits soucis, mais que tout semble rentrer dans l'ordre, parce les forces de défense et de sécurité sont partie intégrante de la Transition et nous souhaitons une cohésion sociale et une unité nationale pour pouvoir accompagner la transition jusqu'à l'organisation d'élections propres, paisibles et acceptables».
Convergence de vues
Pour sa part, le président du parti Le Faso autrement, Ablassé Ouédraogo a soutenu : «Le Burkina Faso se prépare pour les élections, mais il nous faut des moyens et nous avons besoin du concours de tous les partenaires pour qu'elles soient des élections réussies, équitables et transparentes ». Sur le vote des Burkinabè de l'étranger, il a invité les uns et les autres au pragmatisme. « Le président du Faso dit qu'il y aura des difficultés à faire participer les Burkinabè de l'étranger aux élections. Ce n'est pas la catastrophe, c'est déjà dans la loi fondamentale, dans le code électoral. Tout le monde semble unanime qu'il ne faut pas s'engager dans des aventures qui pourront provoquer une déstabilisation de notre pays. Faisons des élections dont le processus ne sera pas contesté...», a opiné Ablassé Ouédraogo. La présidente du Parti pour la démocratie et le changement (PDC), Sarah Sérémé et le secrétaire général de l'Union pour le progrès et le changement (UPC), Adama Sosso sont également préoccupés par les élections. « Nos préoccupations ont trait à l'organisation des élections à l'issue de la Transition. Nous avons souhaité, que toutes les mesures soient prises pour que les élections soient fiables et crédibles, que ce soit dans l'administration électorale, que la formation des militants appelés à servir sur le terrain », a commenté Mme sérémé. Quant au second, il a lâché: « Le chef de l'Etat nous a donné sa vision par rapport à l'organisation des élections, à savoir coupler les élections législatives et présidentielle et probablement le report des municipales pour le pouvoir qui sera issu de ces élections. S'agissant du vote des Burkinabè de l'étranger, le gouvernement propose que cette question soit reportée pour des questions budgétaires et sécuritaires ». Exit les élections, le président Kafando a étalé les actions déjà réalisées par la Transition, qui compte environ deux mois d'activités. Il a fait cas de la formation du gouvernement, de la mise en place du Conseil national de Transition et de la création d'une Commission vérité et réconciliation. Au plan diplomatique, a-t-il relevé, les doutes sont levés, certains pays ayant cru au départ à un «coup d'Etat classique », alors qu'il s'agit d'une insurrection populaire. «Jusque-là, ça va, même si nous avons commis des erreurs. Nous sommes ouverts à la critique, que nous acceptons de bon cœur. Si les critiques sont justifiées, le gouvernement prendra ses responsabilités pour les corriger », a conclu le chef de l'Etat.
Kader Patrick KARANTAO
Beyon Romain NEBIE
-----------------------------------------------------------------------------
Des enquêtes aux USA sur l'affaire Moumouni Diéguimdé
La polémique autour du ministre en charge des transports, Moumouni Diéguimdé, dont les agents réclament la démission depuis quelques jours, s'est invitée aux échanges. «Le cas du ministre en charge des transports a été évoqué. Le président nous a informés, que des enquêtes sont actuellement en cours au niveau des Etats-Unis, puisque le problème reproché au ministre vient de là-bas. Si ces enquêtes révélaient effectivement que le ministre a commis des faits délictueux, le gouvernement pourrait prendre ses responsabilités », a affirmé le porte-parole de la société civile, Jonas Hien. L'opposante Sarah Sérémé a abondé dans le même sens. « Le président nous a donné les explications, et sûrement que le gouvernement communiquera davantage pour expliquer qu'il attend de manière formelle certaines enquêtes diligentées aux Etats-Unis. Il faut donc attendre pour savoir la véracité des faits reprochés au ministre en charge des transports », a-t-elle laissé entendre.
K.P.K
B.R .N