Depuis la chute brutale du régime Compaoré, le « pays des hommes intègres » est ainsi sous surveillance permanente de l'institution sous- régionale. Bien sûr, les partisans de l'insurrection n'oublieront pas de sitôt l'entrée en scène très tardive de l'organisation communautaire dans la crise politique burkinabè. Elle n'a daigné se pointer au chevet du pays qu'après la « révolution » et ses morts. Mais elle fut tout de même acceptée à la table de discussions malgré certaines maladresses. La méfiance des insurgés envers la CEDEAO persiste. Ses dernières recommandations sur le Burkina, à l'issue du sommet d'Accra, sont ainsi scrutées, analysées et décortiquées. La question principale étant de savoir ce que veut la CEDEAO quand elle exhorte au « respect scrupuleux » du calendrier électoral tout en rappelant « l'importance du principe d'inclusion dans le processus de transition et les préparatifs des élections ».
Si « inclusion » s'entend abrogation de la clause excluant certaines personnes des élections, comme le demandent les partisans de l'ancien régime, alors la CEDEAO fait fausse route. Cette question du Code électoral est tranchée, notamment depuis le rejet par le Conseil constitutionnel, des recours introduits par le CDP. Pour les partisans de l'insurrection, l'inclusion est une réalité au Burkina puisqu'aucun parti légalement reconnu n'est formellement mis à l'écart. Dans tous les cas, les individus qui viendraient à être frappés d'inéligibilité peuvent user des voies de droit existantes. Le Burkina n'a donc pas de problème fondamental lié à une politique d'exclusion. Au contraire, les autorités de la transition sont même accusées d'avoir fait montre de trop de générosité à l'endroit des caciques de l'ancien régime. Sous d'autres cieux, on sait quel sort est réservé aux auteurs d'une forfaiture politique emportée par la révolution. Il ne faut donc pas persister dans la provocation car les insurgés ne digèrent toujours pas de voir ces fossoyeurs de la démocratie les narguer.
Les jeux étant faits par rapport au Code électoral, il faut donc se concentrer sur l'essentiel, à savoir le respect du calendrier électoral. Sur cette question au moins, la CEDEAO et la majorité des Burkinabè sont sur la même longueur d'onde. La tenue des élections présidentielle et législatives du 11 octobre prochain est un impératif démocratique mais aussi social et économique. Les Burkinabè sont à bout de souffle et ne souhaitent aucunement le report du scrutin même d'un jour. Pour beaucoup, le 11 octobre est déjà une éternité. Il est donc inimaginable de parler d'un quelconque report. Cela sous-entend que les polémiques autour de l'inclusion doivent cesser pour laisser la place aux vrais enjeux, l'organisation correcte des scrutins, l'élection d'un nouveau président et la relance des activités économiques. Qu'on ne vienne donc pas introduire des goulots d'étranglement inutiles qui n'auront d'autre objectif que de renvoyer les élections aux calendes grecques. Les Burkinabè n'aspirent qu'à voir les élections se tenir à bonne date. Quiconque veut, par des subterfuges ou des manœuvres diverses, retarder cette échéance, sera en déphasage avec la volonté populaire. Pour ne pas rater un nouveau rendez-vous avec l'histoire, la CEDEAO devrait donc cesser d'écouter les pleurnichards de l'ancien régime qui doivent s'estimer heureux de s'en tirer à bon compte, pour accompagner franchement la transition vers l'organisation d'élections transparentes et crédibles en octobre. Le temps n'est plus aux chicaneries. Macky Sall qui tient désormais la barre de la CEDEAO doit le comprendre.