Les jeunes de moins de trente ans -les deux tiers de la population- qui n'ont connu que le pouvoir de Compaoré depuis leur naissance, ont été particulièrement actifs aussi dans la mobilisation qui a mis en échec le putsch du 17 septembre, que ce soit à titre individuel ou au sein d'organisations de la société civile comme le Balai citoyen, CADRe, M-21 et CAR.
Cités en exemple dans toute l'Afrique pour leur lutte qui a inspiré des mouvements démocratiques, ils estiment que l'élection n'est pas un "but en soi", selon Rasmane Zongnaba du Balai Citoyen.
"L'objectif était qu'il y ait vote et des élections libres et démocratiques mais l'objectif n'est jamais atteint. Le peuple a donné son sang. Il faut que le prochain président comprenne qu'il n'est qu'un locataire de Kosyam (palais présidentiel) et que les députés comprennent qu'ils sont des employés du peuple burkinabè. Sinon, nous les balayerons de nouveau", affirme-t-il.
Le Balai citoyen, une des organisations emblématiques de la révolution, a fait circuler des caravanes pendant la campagne. Son but était notamment de convaincre les populations de voter "pour un projet de société" et non parce qu'on a "obtenu un pagne, un sac de riz, un cadeau". Ces cadeaux étaient habituels lors des scrutins sous l'ère Compaoré, selon de nombreux observateurs.
Le Balai incite aussi les Burkinabè à assister aux dépouillements avec le slogan "Je vote et je reste". Il compte ainsi éviter les tentatives de fraude et le bourrage d'urnes.
- 'faillite de la classe politique' -
Hippolyte Domboué, du Cadre de réflexion et d'action démocratique (CADRe), reste très méfiant.
"Notre lutte a été d'une manière ou d'une autre récupérée par les barons du système de Blaise Compaoré", dit M. Domboué qui affirme ne pas vouloir se "laisser voler" l'insurrection.
Il ne les cite pas mais les deux grands favoris de l'élection, Roch Marc Christian Kaboré et Zéphirin Diabré, sont des anciens apparatchiks du régime.
"Il faut redoubler d'ardeur pour ne pas se faire berner et retomber dans le même système vieux de 27 ans. Nous appelons la jeunesse à se tenir prête. Nous pensons encore re-mobiliser notre jeunesse pour faire front pour que les acquis de notre peuple ne soient pas remis dans un système ploutocratique et mafieux", poursuit M. Domboué.
Il estime que "l'insurrection est la conséquence de la faillite de l'ensemble de la classe politique".
"Nous allons appeler les masses à reprendre la direction de la rue" à "toute velléité de voler les élections (...) ou tentative d'usurpation", ajoute-il.
La CADRe estime que "l'insurrection (d'octobre 2014) a été une révolution inachevée (...) Il faut un renouvellement de la classe politique".
Zakarya Zoungrana, du M-21 (Mouvement née le 21 avril 2013 lors des premiers moments de contestation), a participé aux journées d'octobre mais aussi à la mobilisation contre le putsch raté du 17 septembre du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne de Compaoré. "La gestion du pays a toujours été déséquilibrée en faveur d'une famille. Nous luttons contre le chômage des jeunes, la cherté de la vie, les problèmes au sein de l'université", dit-il.
"Celui qui sera élu devra respecter ses promesses électorales, prendre en compte les aspirations du peuple, la réalité de la population et non faire une gestion bureaucratique", déclare-t-il. "La population est attentive. Il faut rester vigilant. Nous avons dit +non+ face aux forces armées parce que nous sommes la majorité".