Après sa brillante élection, Roch Marc Christian Kaboré a la lourde tâche de redonner, de reconstituer le tissu social burkinabè pour un développement harmonieux
Treize mois après la chute de «l’homme fort», Blaise Compaoré, les Burkinabè ont réussi tant bien que mal à mener à terme un processus électoral conduit par une Transition fragile et frileuse. En tenant ce pari d’organiser des élections libres et transparentes, c’est à la fois l’image d’un pays «résolument tourné vers l’ancrage d’une démocratie véritable» qui est envoyée au monde entier. Au lendemain de ce triomphe qui fait de lui le 7e président burkinabè, de gros défis se dressent face à lui.
Réformes constitutionnelles
Dans un premier temps, il s’agira d’achever les chantiers des réformes entamées par le pouvoir de la Transition. A ce titre, l’adoption d’une nouvelle Constitution et un éventuel passage à une 5e république s’imposent comme un socle indispensable sur lequel reposera une nouvelle gestion des affaires publiques basée sur le mérite et la compétence mais surtout la rigueur. Ceci pour que force revienne à l’Etat et à la loi.
Pour réussir ce pari, le tout nouveau président doit rompre avec les pratiques d’antan, qui tendaient à favoriser un clan au détriment de l’immense majorité des Burkinabè. Cette rupture qu’il a prônée au cours de la campagne électorale, exige de lui qu’il s’entoure d’hommes et de femmes qui ne rechignent pas face au sacrifice de soi et ayant un respect profond du bien public.
De l’épineuse question de la Justice
Le deuxième défi majeur qui se présente à celui qui sera investi bientôt est incontestablement celui de la justice avec les dossiers emblématiques (Thomas Sankara, Norbert Zongo, Boukary Dabo...). Aussi, il sera impératif pour Roch, qui a été pendant plus de deux décennies un des tauliers du système Compaoré, de répondre aux attentes de ses concitoyens car de la gestion de ce département dépendra son autorité et sa marge de manœuvre. Jusque-là, la Transition, fille de l’insurrection populaire, s’est contentée de tracer les sillons, mais aucune avancée véritable n’a été enregistrée.
Front social
A cela vient se greffer le front social bouillant depuis plusieurs mois et qui ne semble pas disposé à se laisser compter les choses. Bassolma Bazié, l’un des présidents des centrales syndicales, l’a d’ailleurs annoncé après le verdict des urnes. «Aucun Burkinabè n’ignore les revendications des travailleurs», a-t-il lancé. Il est évident que durant les premiers mois, une accalmie certaine sera observée par les centrales syndicales pour permettre à la nouvelle équipe de «savourer» sa victoire. Mais cette trêve fera place aussitôt à une montée d’adrénaline sur ce front qui ne s’en privera pas.
Vient ensuite la question de l’employabilité des jeunes, véritable bombe sociale. Pour ce que l’on sait, la jeunesse, fer de lance de l’insurrection qui a contraint Blaise Compaoré a signé sa reddition, est restée sur sa faim au cours du processus de la Transition. Roch, dont l’élection suscite beaucoup d’espoirs au sein de ce pan de la société burkinabè, devra avoir à l’esprit que son pouvoir tiendra à la satisfaction des revendications de cette jeunesse dont la plus grande partie est désœuvrée et désorientée.
Pour édulcorer la question de l’insécurité généralisée, un recrutement massif d’agents de sécurité (une sorte de haute intensité de main d’œuvre de la sécurité) permettra de résorber en partie cette question de l’emploi des jeunes.
Enfin se dresse, le chantier de la réconciliation nationale dont les grands axes ont été tracés par la Commission nationale de la réconciliation et des reformes présidée par l’intrépide Archevêque de Bobo-Dioulasso, Mgr Paul Ouédraogo. Au-delà des clivages politiques, le Burkina Faso, qui a frôlé le pire à maintes reprises, se doit dans les prochains mois de crever l’abcès qui a conduit à la déchirure du tissu social et politique en ouvrant de larges concertations entre les fils égarés et ceux qui ont eu le réflexe de rester sur le chemin de la droiture.
Cela se fera à travers l’initiation d’un dialogue franc impliquant tous les acteurs quelles que soient leurs origines ou appartenances politiques, mais dans un esprit d’égalité et de justice. Reconnu pour son esprit d’ouverture et son calme, Roch devra puiser dans son for intérieur les ressources nécessaires pour conduire les 17 millions de Burkinabè à privilégier une chose: la patrie commune.
W. DAVY