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Ah ces élections qui aliènent nos volontés !

| 13.10.2015
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Ah ces élections qui aliènent nos volontés !
© DR / Autre Presse
Ah ces élections qui aliènent nos volontés !
Aujourd'hui, le Burkina est plus que divisé sur la question des élections présidentielle et législatives censées nous sortir de la crise. Le pays est vraiment à la croisée des chemins et ces élections qui devraient être les plus ouvertes depuis les balbutiements de la démocratie au Burkina Faso s'annoncent plutôt pleines de dangers avec déjà tout ce que leur perspective a entraîné en termes d'antagonisme des acteurs politiques qui pèse sur le corps social. Les récents bruits de bottes de la soldatesque viendront montrer que le malaise est très profond et il lui faut une thérapie qui forcément indique aux Burkinabè qu'ils devraient se réconcilier avec eux-mêmes en revenant aux valeurs premières magnifiées dans la Charte consensuellement acceptée aux lendemains des évènements d'octobre 2014. Ces élections répondront-elles aux attentes du pays tout entier avec toute cette charge d'amertume qu'elles charrient ?


On ne réveillera pas un homme qui ne dort pas, dit l'adage. Les Burkinabè savent pertinemment aujourd'hui que c'est la question des élections à venir qui les divise plus que toute autre chose. Si les acteurs pilotant la Transition ont longtemps feint ignorer que la plus éminente de leurs missions était l'organisation des élections devant ramener le pays sous un ordre constitutionnel normal, ils ne pouvaient tromper l'observateur averti qui pouvait lire à travers leurs actions les bases posées de ce chantier et les orientations qui lui sont données. La volonté absolue d'enterrer l'ancien régime avec tout ce qui le rappelle et qui serait un obstacle à ce que les vainqueurs d'octobre 2014 appellent une alternance alternative est manifeste. Toute chose qui va aiguiser les antagonismes d'autant qu'un pan entier du corps sociopolitique du pays se sent menacé dans sa survie. Mais comme au pays des Hommes intègres, la minorité «éclairée » qui pense pour tous croit que tout se joue en terme de rapport de force à un moment T de l'histoire politique du Faso, eh bien on y va seulement, les forts du moment imposant leur volonté aux autres qui eux aussi espèrent au même instant, sans pour autant se terrer, que vite viendra leur tour de faire la loi !

Le hic aujourd'hui au Burkina, pour ceux qui veulent imposer leur volonté, c'est qu'ils ne contrôlent pas tout. Le rapport de force dont il est question, n'est véritablement en faveur d'aucune force politique. Ce qui est, il faut le dire, une bonne chose pour notre démocratie en construction. C'est dommage que ces prétendus démocrates qui hier seulement professaient cette nécessité d'équilibre des forces politiques soient ceux-là mêmes qui veulent aujourd'hui liquider une force au profit d'une autre. C'est dans cette dynamique que l'on se retrouve et qui fait que les prochaines élections au lieu d'être porteuses d'espoir, s'annoncent cauchemardesques. Sortiront-elles le Burkina des souffrances et des divisions dans lesquelles il est plongé depuis les funestes évènements des 30 et 31 octobre 2014 ? Apporteront-elles à ce pays, la paix et la stabilité tant recherchées ? Toutes ces questions sont d'une importance capitale.

Des agendas vernis ou contrariés

Il est évident que la date du 11 octobre 2015 initialement retenue pour les élections présidentielle et législatives ne peut plus avoir droit de cité avec l'intrusion du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui va ralentir le processus. Mais sur la question, selon leurs motivations, les acteurs politiques ne tiennent pas le même langage. Ainsi, pour les acteurs politiques de l'ex-CFOP, il faut que les élections se tiennent au plus vite et cela au plus tard le 8 novembre. Cette frange de la classe politique, qui semble avoir le vent en poupe actuellement, ne veut pas traîner les pas surtout que pour beaucoup de partis, les activités de précampagne ont troué les caisses. Mais en plus, des stratégies élaborées pourraient en souffrir car bâties dans un contexte trouble qui permettent pas mal d'indélicatesses envers la loi. Il faut dire que pour certains, les élections tenues dans les circonstances que l'on connaît, ce n'est plus seulement le quart de tour clamé, mais le « toukgilli » qui se fera puisque, entre temps, la lumière sur l'épineux problème des fraudes électorales sera mise sous le boisseau. Et, cerise sur le gâteau, des adversaires et non des moindres sont financièrement asséchés et quasiment en quarantaine donc absents sur le terrain de la pèche aux voix.
Au gouvernement, où siègent politiques et militants d'OSC, il va s'en dire que l'unanimité de vue sur le sujet serait un leurre. S'il y a, selon certaines indiscrétions, ceux qui pensent qu'il faut reculer le scrutin de six (6) mois, il y a ceux qui pensent qu'il faut le tenir tout de suite et maintenant, quitte à refiler la patate chaude à la nouvelle équipe qui sera élue. Si les six mois sont actés, cela veut dire que les élections se tiendront d'ici le mois de mars 2016. Ce qui laisse le temps au gouvernement de pacifier le pays, d'apaiser les cœurs et surtout les rancœurs. En somme, réconcilier les Burkinabè entre eux. Mais cette approche ne rencontre pas l'assentiment des acteurs politiques de l'ex-CFOP et c'est ce qui justifie leur anticipation dans la proposition d'une date « pression », celle du 8 novembre, au gouvernement.
Pour ce qui est des partis dont les comptes bancaires sont sous embargo pour trois mois au moins, ils sont plus préoccupés par des questions existentielles que par l'organisation d'une élection dont la plupart d'entre eux sont exclus et, aujourd'hui encore, ils font les frais du coup d'Etat du 17 septembre dernier. Et pour eux, le pire peut être encore devant car si les enquêtes qui sont en cours révèlent une quelconque connexion dans le coup de force du RSP, rien ne nous dit qu'ils ne seront pas simplement mis sur la touche et boutés hors du jeu politique, donc des élections à venir. Que vont donner les conclusions de ces enquêtes ? Rien pour l'heure ne présage de ce qui en sortira. Toutefois l'on sait que si l'on veut tuer son chien, on l'accuse de rage. Et comme s'il y a des partis que ce putsch arrangeait, c'est bien ceux dont les leaders et hauts cadres ont été exclus du jeu politique, on imagine le poids que sera leur croix. C'est dire donc qu'à l'étape actuelle des choses, aller aux élections dans un tel contexte sera un suicide politique pour ces partis.

Tout compte fait, l'échéance du 11 octobre ne peut être respectée et ce n'est pas une institution comme le CNT dont les membres se frotteraient les mains si la transition se prolongeait de 6 mois pour que certains puissent jouir des dividendes de leurs actions commises pendant la semaine chaude du 17 au 24 septembre qui en serait offusquée. Surtout qu'au bout du compte les portefeuilles de nos 90 députés seront encore bourrés de « feuilles » avec toutes sortes de gratifications. Bref, pour faire plus sérieux, repousser les élections pour donner le temps au gouvernement et aux institutions de la Transition de baliser le terrain pour des élections transparentes et crédibles reste la meilleure option. Et pour cause, il ne faut pas occulter le fait que le coup d'Etat du RSP, comme l'a reconnu le président de la Transition, a mis au grand jour et de façon abrupte des problèmes qu'il va falloir résoudre ; tout comme des problèmes en lien avec l'organisation des scrutins restent en suspens telle cette question des fraudes avec les cartes d'électeurs délictueuses saisies qui n'est pas encore réglée. Et que dire des nouveaux problèmes crées par ce coup de force qui a fait des victimes et des dégâts matériels considérables ? Pour tout dire, les contentieux à solder sont si énormes que plus que jamais on doit reconnaître que rien ne garantit aujourd'hui que le pays sorte d'une élection apaisée, au regard des rancœurs accumulées et de la désunion que connaissent ses fils et filles.o

Pouloumdé ILBOUDO

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