29 novembre, élections au Burkina Faso : Une date butoir pour éviter le pire

| 14.10.2015
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29 novembre, élections au Burkina Faso : Une date butoir pour éviter le pire
© DR / Autre Presse
29 novembre, élections au Burkina Faso : Une date butoir pour éviter le pire
Les Burkinabè ont décidément, pris rendez-vous avec le mois d’octobre. Du moins, depuis que le capitaine Blaise Compaoré et son ami Gilbert Diendéré ont fait irruption, le sang sur la baïonnette, dans la vie politique burkinabè. C’était un 15 octobre de l’année 1987. Depuis lors, les plus grands tournants de l’histoire de ce pays, en tout cas, pour ce qui concerne les tenants du régime Compaoré, se sont majoritairement déroulés dans ce mois d’octobre.


A bien des égards, le mois d’octobre pourrait être sanctuarisé comme un mois faste pour le Burkina Faso :

- 30 et 31 octobre, insurrection qui mit fin au régime fossilisé de Blaise Compaoré ;

- 13 octobre : enfin, une date pour les élections, et confirmation des restes de Thomas Sankara, selon le rapport d’autopsie.

On se rappellera que c’était dans ce mois de 2014 que le désormais ex-président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, quittera le pouvoir et le pays, en plein midi. C’est pendant ce même mois également, que Gilbert Diendéré prendra le chemin des geôles du camp Paspanga, après avoir perpétré un coup d’Etat dont les fins connaisseurs de l’homme ne sont pas encore remis de leur étonnement.

Bref, ce sera deux jours avant la date anniversaire (l’an 28 précisément) de l’assassinat du président Thomas Sankara et de ses 12 compagnons que des bribes de révélations commenceront à sortir de leurs supposées tombes situées au cimetière de Dagnoën. Les représentants des familles des défunts ont en effet, eu connaissance, de la main du juge d’instruction militaire, de ce qui est arrivé à leurs fils, frères, pères, ce jour fatidique, au Conseil de l’Entente.

Les résultats balistiques et l’autopsie sont formels : les corps des suppliciés ont été criblés de balles sorties d’armes utilisées par des militaires. De possibles coupables sont déjà dans les mailles du filet de la justice militaire, notamment ce médecin militaire qui a signé au bas d’un papyrus des temps modernes, que le guide de la Révolution d’août 83 était mort de «mort naturelle», et aussi, ces militaires grands-frères des actuels membres de l’ex-RSP.

Mais la soif de vérité reste entière. Elle est loin d’être étanchée. Comme l’a dit lui-même Me Bénéwendé Sankara, «ce n’est que le début du commencement». Les ayants droit et les Burkinabè, tous ces héritiers de Thom Sank, attendent toujours de savoir si ce sont vraiment les 13 personnes tombées sous une pluie de balles le 15 octobre 1987 qui y étaient couchées au cimetière de Dagnoën. Même si des indices tendent à le laisser croire, les experts de la question attendent les résultats des tests ADN pour en avoir le cœur net.

Pour ce qui est des résultats de cette autopsie, on sait maintenant qu’apparemment, comme on s’en doutait, que celui qui rebaptisa la Haute-Volta, Burkina Faso, n’est pas mort de mort naturelle, tel que l’a mentionné le médecin-militaire, Abdou Guébré. Mais par balles, au moins une dizaine, provenant d’armes militaires, en particulier de l’ex-RSP.

D’ailleurs, le 15 octobre 1987, après le régicide devant le pavillon «Haute-Volta» du Conseil de l’entente, c’est bien Gilbert Diendéré, qui se pointera vers 19h30 pour ordonner d’enlever le corps du père de la Révolution et de ses 12 cosuppliciés pour les enterrer à la sauvette, au cimetière de Dagnoën.

Pour dire que l’histoire au Burkina s’est accélérée, hier 13 octobre, lors de la restitution de cette autopsie, pas moins de 4 inculpés dans l’affaire Thomas Sankara, étaient dans la salle, avec leurs avocats.

La question du temps que prend ce test laisse certains Burkinabè méfiants. C’est de bonne guerre ! Après avoir été floués pendant 30 ans dans des subterfuges et des dérobades entourloupées, ils ont raison de garder ce réflexe qui leur a certainement permis de tenir tête par deux fois, contre une tentative de restauration d’un ancien système.

Il faudra toutefois apprendre désormais à faire confiance à la justice. De nombreux actes ont été posés militant pour le slogan «plus rien ne sera comme avant». L’exhumation des tombes, la dissolution de l’ex-RSP, l’arrestation du général Gilbert Diendéré sont autant d’éclaircies à l’horizon qui permettent d’espérer. Comme l’a dit lui-même Sita Sangaré, le directeur de la justice militaire, la justice elle-même cherche désormais, à se réconcilier avec le peuple. Les honneurs réservés aux «boys» militaires de Kafando doivent motiver plus d’un à marcher désormais aux côtés du peuple.

Mais, ce 13 octobre restera aussi vivace dans la mémoire des Burkinabè, car après le coup d’Etat du 16 septembre, qui a mis un arrêt au processus transitionnel, et par ricochet électoral, une nouvelle date a été arrêtée, de façon consensuelle et par les signataires de la charte et par le gouvernement qui l’entérinera, aujourd’hui même lors du conseil des ministres : ce sera le 29 novembre 2015. Une échéance choisie, selon le gouvernement qui tient compte des impératifs sécuritaires et ceux liés à la charte.

Que dire de cette nouvelle date ?

C’est toujours bon à prendre, car depuis mi-septembre, le Burkina était dans l’expectative. Et si malgré la phobie sécuritaire, qui a surtout dicté le choix de ce nouveau chronogramme, assez éloigné tout de même, il y a un certain soulagement au niveau de la classe politique, qui peut désormais, effectuer son programme. On reste également dubitatif car ce 29 novembre n’est pas celle qui avait été souhaitée et même proposée par les politiques, qui se sont basés sur le fait que de sources sécuritaires, il n’y avait pas péril en la demeure, et plus vite on ira aux élections, mieux ça vaudra pour le Burkina.

Retenons donc ceci: la date du 29 novembre 2015 a fait l’unanimité au sein des acteurs signataires de la charte de la transition. Après des moments qui ont semblé une éternité, voici donc une nouvelle date.

Mais Michel Kafando a eu l’occasion de signifier à tous, les raisons de cette apparente nonchalance : le deuil est sacré en Afrique, d’autant plus qu’il est porté pour des hommes, des femmes et des enfants qui ont payé de leur vie, pour que ces élections aient lieu.

Mais voilà, même si officiellement, on a parlé d’unanimité, cette date du 29 septembre semble être celle voulue par le gouvernement.

On sort donc de cette période de ni pain, ni mie pour le Burkina, mais, en même temps, il ne faut pas tomber benoitement dans un optimisme béat. Le 29 novembre 2015, tout comme celle avortée du 11 octobre, n’est pas gravé dans le marbre de la constitution, ni dans celui de la charte. C’est pratiquement décembre 2015, car en cas de second tour, on tombe dans ce dernier mois de l’année, et là encore, il faut souhaiter que tout se déroule sans couac. Encore que dans ce cas, les municipales de 2016 ne sont plus si lointaines.

La faiblesse insigne de ce nouveau programme est qu’en cas de pépin, on glissera inéluctablement sur 2016. En 45 jours, surtout, vu sous le prisme du temps politique, tout peut arriver. Et tout comme pour le 11 octobre, lorsque les partis politiques, obnubilés par les élections, avaient abandonné la transition, pour ne se réveiller qu’au coup d’Etat du 17 septembre, il faudra donc, épier cette transition durant ce mois et demi, pour espérer aboutir au jour J. Surtout que même avec le départ de l’ex-RSP, certains sont suspectés d’avoir toujours des agendas cachés.

Enfin, en prenant au mot les autorités de la transition, relativement à l’aspect sécuritaire, le risque zéro n’existant nulle part, est-on sûr qu’à la date du 29 novembre, tout aurait été circonscrit pour le déroulement des élections ?

Pour tout dire, le 29 septembre apparaît comme en timing risqué, car désormais, une date butoir que le Burkina Faso doit coute que coute respecté s’il espère retrouver une vie constitutionnelle normale. Plus question de tergiverser, même en cas de couac naturel ou à dessein. D’où ce brin de circonspection, car plus on se rapproche de 2016, sans élections, plus on pourrait connaître la situation de la Côte d’Ivoire des années 2000, ou pire, Dieu nous en garde, la Centrafrique. C’est dire que c’est limite, et que le Burkina n’a plus droit à un changement de timing car ce sera un saut dans l’inconnu pour ne pas dire le pire. C’est connu, les interminables transitions sont conflictogènes par essence .

Ahmed BAMBARA

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