Election de Michaëlle Jean à l'OIF : Si Blaise avait été réaliste…

| 01.12.2014
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Election de Michaëlle Jean à l'OIF : Si Blaise avait été réaliste…
© DR / Autre Presse
Election de Michaëlle Jean à l'OIF : Si Blaise avait été réaliste…
Il aura fallu donc, un huis-clos tendu d'où l'Ivoirien Alassane Ouattara est ressorti en claquant la porte ( ?), le visage fermé, pour qu'un nom sorte, pour que la communauté de l'OIF, en quasi apnée, retombe sur terre. Elle a désormais, sa secrétaire générale : Michaelle Jean.

 

En tout cas, l'élection de cette Canadienne de 57 ans, d'origine haïtienne, au poste de secrétaire général de l'OIF aura été tout, sauf sereine et consensuelle.

En effet, des 5 candidats en lice jusqu'à hier dimanche, à savoir Michaelle Jean du Canada, Jean-Claude de l'Estrae de l'Ile Maurice, Pierre Buyoya du Burundi, Henri Lopès du Congo-Brazzaville et Augustin Nze Nfumu de Guinée Equatoriale, aucun d'eux n'est parvenu à s'imposer pour succéder au géant, au propre comme au figuré, Abdou Diouf. On avait même pensé à un intérim qu'aurait assuré l'ex-président libanais. En fin de compte, la France, le Canada et les Africains tenaient coûte que coûte, à l'élection d'un SG de plein exercice.

Après donc d'interminables tractations, des arguments à charge et à décharge sur l'éventualité d'un départ du secrétariat général de l'OIF du continent, l'huis-clos a donc tranché dans le vif : ce sera la Canadienne, une candidate non-africaine qui succédera donc à l'ex-président sénégalais Abdou Diouf à ce poste très convoité par de nombreux francophones. C'est un véritable séisme diplomatique pour l'Afrique dont il faut attendre quelques mois, avant que les sismographes politiques ne situent le degré d'amplitude et les éventuelles répliques.

Exit donc cette douce règle non écrite qui avait cours et qui astreint l'OIF à choisir un SG d'un pays du Sud. Envolées les espérances de ces Africains qui pensaient toujours que la France pèserait de tout son poids pour que ce poste ne quitte jamais le sol africain. Sur les 274 millions de francophones, presque la moitié ne vient-elle pas du continent noir ? N'est-ce pas grâce à ces francophones africains de l'OIF que rayonne la diplomatie française ?

A qui la faute de cette déconvenue diplomatique ? Aux Africains d'abord, qui ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Si par exemple, l'ex-président burkinabè Blaise Compaoré avait été réaliste, il aurait accepté d'étrenner ce poste prestidigieux, au lieu de s'entêter dans ses certitudes référendaires qui l'ont finalement emporté. En effet, selon les confidences d'Abdou Diouf, celui-là même qui a dirigé l'OIF pendant 12 longues années, Blaise Compaoré avait ses faveurs et celles de la France pour prendre la tête de l'organisation. Confidence confirmée par l'entourage de Hollande qui s'était, on s'en souvient, ouvert à Blaise pour qu'il accepte ledit poste. «Je n'ai ni le profil, ni la compétence », avait répondu Blaise à ces propositions. S'il avait su anticiper, c'était quasiment un adoubement qui l'attendait... Car être proposé par l'emblématique SG sortant, Abdou Diouf et par la France, c'était plié à l'avance. Faute de Blaise, Hollande semble avoir après jeté son dévolu, il l'a dit lors de son interview sur France 24, RFI et TV Monde, sur Michaelle Jean.

Mais comme avec des si on peut mettre Paris dans une bouteille !

Les Africains ont aussi péché par cette kyrielle de candidats, maladie infantile des Etats, lorsqu'il s'agit de postuler à des postes internationaux. On l'a vu même à l'échelle de postulants à des organisations sous-régionales où régionales, il se trouve des pays africains qui envoient chacun, non pas un mais deux candidatures. Exemple : le Burkina ; il y a plusieurs années de cela, a envoyé pour le poste de DG de TV5-Afrique, les dossiers de Serge Théophile Balima et d'Adama Barro. Tous les deux dossiers ont été écartés. A juste titre.

Des deux, qui était le «candidat» du Burkina ? C'était souvent des comportements risibles, si ce n'est qu'ils pénalisaient des candidats compétents, qui auraient pu accéder à ces postes pour eux et pour le pays.

En multipliant les candidats africains pour l'OIF dont certains n'en menaient pas large, les Africains devaient s'attendre à cette impasse, qui ouvrirait une voie royale à la postulante non africaine qui avait le soutien tacite du Québec, d'Ottawa et de la France

Reste que passé le moment de rage et d'impuissance face à la victoire de cette «intruse», les Africains devraient travailler à exiger de la nouvelle SG de l'OIF, un plus grand tropisme africain, question de rééquilibrer la balance que d'aucuns sentent déjà pencher vers le Nord. En effet, il se murmure que l'Afrique n'était pas la tasse de thé de l'ex-gouverneure fédérale du Canada même, si elle a battue en dernier ressort, sa campagne axée sur l'Afrique. Native d'Haïti, elle a vécu entièrement au Canada, donc n'a qu'une connaissance infime voire anecdotique de l'Afrique. Elle devra désormais, y faire de nombreuses immersions.

Force est de reconnaître qu'elle a eu pourtant un programme alléchant, axé sur une Francophonie économique qui devra ramener l'Afrique au centre du business, de laquelle elle est souvent absente. Reste à allier théorie et pratique.

Celle qui a remplacé Abdou Diouf devra consolider donc l'existant, et faire dans la prospective réaliste. Car la Francophonie, c'est 57 Etats, 274 millions de locuteurs dans le monde, et en 2050, 700 millions, dont 85% seront francophones. Autant de diversités culturelles et de problèmes à gérer. Michaelle Jean est prevenue.

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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