Dans Jeune Afrique, Ablassé Ouédraogo qui est candidat à la Présidence, parlant de ses atouts soutient ceci : « je suis Moagha du Plateau central, et les Mossis sont une forte composante du Burkina Faso. Je suis aussi musulman, ce qui n'est pas rien dans un pays où 70 % des gens le sont également ». Est-ce vraiment des atouts dans un pays de plus de 60 ethnies et où la laïcité est le combat quotidien des gouvernants ? Et si un autre candidat disait : « Je suis Samo et je suis catholique » et un troisième candidat annonçait : « je suis protestant et je suis Gourounsi » ? Voici des comportements ou des propos que le Conseil supérieur de la communication a travaillé à éviter en sensibilisant les leaders politiques et d'opinion à s'abstenir de tenir des propos qui pourraient porter préjudice à la cohésion et à la paix sociale. Le Burkina Faso, jusqu'à présent, a réussi à se défaire des considérations régionalistes, ethniques et religieuses.
Dans sa parution du lundi 7 juin, le site Lefaso.net titrait : « Situation nationale : les cadres et intellectuels musulmans tirent les enseignements ». Cet article fait suite à une rencontre organisée par le Cercle d'études, de recherches et de formation islamique (CERFI) avec pour objectif de « discuter des affaires de la cité, disséquer la situation socio-politique nationale pour tirer des enseignements au profit de la communauté ». C'est ainsi que l'élite et les leaders musulmans pourront jouer pleinement leur rôle « d'éclaireur ». Dans le développement, il est ressorti qu'au « nombre des attentes figurent en bonne place la transparence dans la gouvernance de la communauté et l'unité des leaders religieux musulmans afin de garantir l'intérêt de leur communauté ». A méditer. Si ce n'est pas dangereux surtout quand on les rapporte aux déclarations d'Ablassé Ouédraogo qui dit que le fait d'être « musulman » est un « atout ».
Dans son ouvrage intitulé, « La Crise politico-insurrectionnelle au Burkina Faso ou la nécessité d'une refondation », Abdou Karim Traoré, expliquant les causes du dysfonctionnement structurel de l'Etat dit que : « La République ne peut s'accommoder de l'instauration, de la restauration ou du renforcement d'institutions ethniques ou tribales qui sont appelées à jouer des rôles dans l'espace public républicain ». Malheureusement, c'est ce que le pouvoir de la IVe République a développé. Et « l'une des conséquences de cette option a été le développement du repli identitaire sur des bases ethniques et régionalistes ».
« La formation et le renforcement de l'Etat-nation que se veut être le Burkina Faso, passe par le développement des institutions républicaines fortes reflétant cette diversité communautaire ». Point. Tout contrevenant est dangereux pour la cohésion et la paix sociale. Heureusement que les Burkinabè l'ont compris.
Dabaoué Audrianne KANI