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Dénonciation de nominations au Conseil constitutionnel : Le Pr Soma est-il dans ses habits d’intellectuel ou de politique ?

| 29.03.2015
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Pr Abdoulaye Soma - Président de la Société burkinabè de droit constitutionnel (SBDC)
© DR / Autre Presse
Pr Abdoulaye Soma - Président de la Société burkinabè de droit constitutionnel (SBDC)
La Société burkinabè de droit constitutionnel (SBDC) vient de jeter un pavé dans la mare. Elle a récusé publiquement et sans détour les nominations, par le président du Faso, de trois nouveaux membres du Conseil constitutionnel. Sont contestés par la SBDC, les aspects liés notamment à la qualité et au statut des personnes nommées, aux prérogatives du chef de l'Etat. Cette société savante joue certes son rôle d'agitatrice d'idées. C'est ce qu'on attend d'ailleurs de ce type de structures réunissant des spécialistes et des sommités d'une discipline aussi pointue que le droit constitutionnel.


Par le passé, cela a beaucoup manqué au pays. De sorte que des erreurs sont commises et ne sont détectées que bien tardivement, à l'application sur le terrain. Jouer ce rôle d'alerte, pour éviter des dysfonctionnements grossiers au sein de l'une des plus prestigieuses institutions de la République, est donc louable. Ce d'autant que dans les prochains mois, cette institution est appelée à jouer un rôle crucial à travers des élections très disputées. Il ne serait pas de bon ton que dans la fièvre de ce scrutin, la question de la composition des membres du Conseil constitutionnel pose problème. Les enjeux des scrutins à venir sont si importants qu'on n'a pas le droit à l'erreur. S'il faut rectifier le tir, c'est maintenant ou jamais. En cela, la SBDC aura fait son travail.

Toutefois, cette sortie peut susciter des interrogations et même semer le doute dans l'opinion. Car le président de la SBDC n'est pas n'importe. Il s'agit du Pr Abdoulaye Soma, qui se trouve être un conseiller spécial du Premier ministre. Dans nos pays où l'on n'est pas habitué à voir un haut cadre de l'Administration occupant de surcroit un poste stratégique remettre en cause une décision gouvernementale, la confusion entre l' éminent universitaire indépendant d'esprit et le conseiller spécial du chef du gouvernement. On a vite fait de suspecter une guerre entre juristes, notamment ceux de la présidence du Faso et ceux du Premier ministère et, au-delà, un contentieux entre les deux têtes de l'Exécutif. En portant cette double casquette d'intellectuel et de conseiller, le Pr Abdoulaye Soma peut semer la confusion. On aura en effet du mal à faire la part entre le président de la SBDC et le sherpa du chef du gouvernement.

Cependant, si certains peuvent voir en cette sortie fracassante une sorte de désordre au sein de l'appareil d'Etat, il y a aussi un aspect positif. Il s'agit en effet d'une démarche nouvelle.

On a rarement vu sous nos cieux, une personnalité politique appartenant au pouvoir, aussi bardée de diplômes soit-elle, oser désavouer publiquement une décision du chef de l'Etat. Cela aurait été considéré comme un outrage à chef d'Etat et puni comme tel. Le Pr Soma inaugure donc, même si cela est difficilement acceptable pour certains, une nouvelle façon d'assumer le pouvoir. Il marque son indépendance d'esprit, en refusant d'avaliser ce qu'il considère comme une erreur grave. En attendant de connaitre la position des syndicats de magistrats, qui sont avant tout les premiers concernés par ces nominations, on se demande ce que fera le Pr Soma si ses remarques ne sont pas prises en compte.

Démissionnera-t-il de son poste de conseiller ou acceptera-t-il d'avaler les couleuvres ? L'avenir proche nous le dira. Une chose est sûre, cette remise en cause publique par la SBDC d'une décision présidentielle continuera de faire des gorges chaudes. Qu'on le veuille ou non, il s'agit d'un nouveau séisme dans la marche de la transition qui laissera des traces au sommet de l'Etat. Il sera difficile de convaincre le chef de l'Etat de l'impartialité et de l'indépendance totale du Pr Soma. Le tout est cependant de voir comment tout cela sera géré.

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