Démissions au CDP : La rançon de l’obstination

| 07.01.2014
Réagir
Démissions au CDP : La rançon de l’obstination
© DR / Autre Presse
Démissions au CDP : La rançon de l’obstination
La démission de 75 membres du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) est un véritable événement politique. Mieux, pour faire dans l'hyperbole, disons que c'est simplement un tsumani. Mais pouvait-il en être autrement ? Le moins que l'on puisse dire est que ces démissions constituent en réalité l'épilogue d'un divorce attendu. En effet, l'élément détonateur de ce séisme aura été le pavé que Salif Diallo a jeté dans la mare, à partir de son poste d'ambassadeur à Vienne. L'on se souvient que dans une interview qu'il avait accordée à notre confrère de l'Observateur Paalga, l'homme s'était départi du devoir de réserve imposé par son statut de diplomate pour dénoncer la « patrimonialisation » du pouvoir dans son pays.

Le manque de courage politique de beaucoup de cadres du CDP a fait du mal au Burkina

Auparavant, dans le même registre, pour traduire son indépendance d'esprit, il avait affirmé ne pas être un « yes man », c'est-à-dire un béni-oui-oui. Cette sortie lui avait valu l'inquisition de ses camarades du parti, dont certains, ironie de l'histoire, se retrouvent avec lui dans le groupe des 75 démissionnaires.
Cette sortie osée de Salif Diallo, dont il a certainement mesuré les conséquences pour sa personne et ses proches, a, de toute évidence, permis à d'autres militants du parti, qui en avaient gros sur le cœur, de se départir de la couardise et de l'opportunisme politique, pour rejoindre « l'enfant terrible du Yatenga » dans sa croisade contre « le manque de démocratie » au sein du CDP, les tentatives de mise en place du Sénat et de modification de l'article 37 en vue de sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels. Il faut, à ce titre, dire que le manque de courage politique de beaucoup de cadres du CDP a fait du mal au Burkina. Il a notamment permis au régime de mettre en place et de verrouiller un système caractérisé par l'enrichissement illicite, la corruption, l'impunité, les crimes économiques et de sang. En réalité, l'on découvre au fil des jours et des événements, que le CDP, qui a été le maître d'œuvre de cette faillite morale et politique, est une sorte de mur de lamentations, un groupe de gens qui ne croient plus en rien sinon qu'à leurs intérêts. Sous cet angle, le CDP était devenu beaucoup plus une abbaye de Telem qu'un parti. Et l'on peut imaginer aujourd'hui, avec ces démissions, l'inconfort moral dans lequel végétaient certains militants, humiliés au quotidien par des ouvriers de la 25e heure et par des gens qui n'ont d'autres légitimités et d'autres mérites que ceux de leur servilité et de leur larbinisme.

Oui. Il était temps, pour ceux de la liste des démissionnaires qui ont posé des actes ou qui ont tenu des propos que l'histoire retiendra contre eux, de décharger leur conscience, de prendre leurs responsabilités et surtout d'assumer leurs actes jusqu'au bout.
Certes, parmi les démissionnaires, il y a certainement des gens qui ont été motivés par des considérations bassement matérielles, liées à des avantages qu'ils ont perdus suite au renouvellement du personnel politique au CDP, mais il en existe également dont l'acte procède d'une démarche politique réfléchie.

Le président n'écoute ni le peuple, ni même ses proches collaborateurs qui ont encore la lucidité et le courage de soutenir un débat contradictoire avec lui

En effet, il est aisé pour tout observateur de la scène politique du Burkina de déceler sur la liste des 75 démissionnaires, des gens qui sont à l'abri du besoin. C'est pourquoi leur démission du CDP peut être perçue comme un acte de témérité politique. L'on a l'impression qu'ils ont choisi de ne pas subir l'histoire. Ce faisant, ils doivent prendre conscience que, dès l'instant où ils ont claqué la porte du CDP, ils doivent se préparer à faire face aux traitements réservés aux « renégats ». En effet, il est fort probable que l'on assiste, dans les jours ou semaines à venir, à des sorties de dossiers fabriqués ou réels, contre eux. La contrepartie de leur tranquillité, c'était de rester « sages » dans les rangs comme des écoliers.
Ils ne doivent surtout pas en être étonnés, puisqu'ils savent plus que quiconque, pour avoir été au cœur des intrigues, comment fonctionnent nos républiques. La vie tranquille et l'impunité pour les soumis, les tracasseries et les diètes pour les insoumis. Cela dit, l'on peut faire deux observations majeures à propos de ces démissions. D'abord l'on peut dire que par rapport à certains sujets qui représentent un enjeu pour le pays, le président n'écoute ni le peuple, ni même ses proches collaborateurs qui ont encore la lucidité et le courage de soutenir un débat contradictoire avec lui.
L'autre observation est que la parole va se libérer et l'histoire ne va pas manquer de s'accélérer. Le Burkina est en train de vivre des moments qui seront certainement déterminants pour les échéances politiques à venir. En attendant, les Burkinabè peuvent se poser la question légitime sur les véritables motivations de ces ex-caciques du CDP. En effet, en politique, il ne faut exclure aucune hypothèse. Ont-ils fait le choix périlleux mais courageux de commettre un parricide politique dans l'intérêt supérieur de la nation ? Ou ont-ils été suscités par le pouvoir, pour garantir à Blaise Compaoré une retraite paisible à Ziniaré, en cas d'alternance dont ils pourraient être les acteurs principaux ? Et quid des mouvanciers ? Comment interprètent-ils ce coup de tonnerre dans le ciel politique burkinabè ? Vont-ils s'approcher plus du CDP pour combler le vide ou vont-ils prendre leurs libertés. Sans aucun doute, les dieux de la politique du Faso sont en train de rebattre toutes les cartes et les prochaines semaines apporteront des réponses à beaucoup d'interrogations qui turlupinent les esprits.

Sidzabda

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité