Coopération : L’offensive culturelle du Japon au Burkina Faso

| 15.12.2015
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Masato Futaishi - Ambassadeur du Japon au Burkina Faso
© DR / Autre Presse
Masato Futaishi - Ambassadeur du Japon au Burkina Faso
Facteur de rapprochement entre les peuples, la culture occupe une place de choix dans la coopération nippo-burkinabè. En effet, depuis l’ouverture de son ambassade en 2009 au Burkina Faso, le Japon compte à son actif de nombreuses réalisations dans le secteur de la culture. L’Institut des peuples noirs (IPN), le renforcement des programmes de la Télévision nationale et le musée des Arts et des savoirs mossi de Bazoulé sont, entre autres, les signes de la présence du pays du Soleil levant dans le paysage culturel burkinabè.


Le premier ambassadeur résident du Japon au Burkina Faso, Tsutomu Sugiura, en fin de mission le 31 janvier 2013, affirmait devant un parterre de personnalités burkinabè : «Facteurs indispensables pour la construction d’un monde de paix, les échanges culturels contribuent à la compréhension et au respect mutuels et à la tolérance entre les peuples». Fort sans doute de ce postulat, le pays du Soleil levant, par l’entremise de sa représentation diplomatique au «pays des Hommes intègres», a entrepris une série d’activités culturelles qui ont permis de promouvoir les échanges entre les deux peuples. Le Japon a notamment soutenu l’inscription des ruines de Loropéni sur la liste du patrimoine mondial, octroyé un don pour le renforcement des capacités opérationnelles du centre de documentation de l’Institut des peuples Noirs (IPN) aujourd’hui, Direction de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles (DPPDEC). Pour Tsutomu Sugiura, ambassadeur de l’époque, l’IPN constitue pour le Burkina Faso, un véritable cadre de promotion des valeurs culturelles traditionnelles. La signature du contrat de don est intervenue, le 19 janvier 2010. D’une valeur d’environ 20,5 millions de F CFA, ce don, selon le généreux donateur, s’inscrit de manière globale dans le cadre de la promotion des valeurs culturelles traditionnelles, considérées comme mémoire collective pour les jeunes générations. Le lot est composé de onze téléviseurs écran vingt et un pouces et quarante-deux pouces, dix magnétoscopes couplés de lecteurs DVD, un vidéoprojecteur, une caméra numérique, un dictaphone numérique, un appareil-photo numérique, un groupe électrogène, un ensemble de sonorisation pour animation et des copies d’une centaine de films africains. «L’objectif recherché à l’époque était de permettre au public de visionner des films documentaires venant d’Afrique et d’ailleurs», se souvient le chef de service des relations et des expressions culturelles de la DPPDEC, Antoine Compaoré. Ce don de matériel de l’ambassade nipponne a constitué une véritable manne pour l’IPN. Mieux, elle a donné un coup de fouet aux activités quelque peu balbutiantes de l’établissement érigé à la gloire de la culture. Selon M. Compaoré, ce projet de renforcement des capacités opérationnelles a été la bienvenue. «Grâce à l’acquisition de cet important matériel sono et audiovisuel, nous avons organisé de nombreuses projections et des activités culturelles dans les villages périphériques de Ouagadougou et dans quelques localités du pays», explique-t-il. A l’occasion de la célébration du 50e anniversaire (en 2010) de l’indépendance du Burkina Faso, les autorités de la IVe république, par le biais du Ministère de la Culture et du tourisme (MCT), organisent une série de grandes conférences dans les 13 régions du pays. Cette conjoncture politique représente du pain béni pour l’IPN.

Un équipement toujours opérationnel

Le matériel gracieusement remis par l’ambassade du pays du Soleil levant va être à nouveau mis à profit. Les techniciens de l’IPN sont, en effet, sollicités pour la mise sur support audio-visuel desdites conférences. Dans la même dynamique, à en croire Antoine Compaoré, des cérémonies d’initiation, des sorties des masques sont filmées et mises à la disposition des étudiants et des chercheurs. Quant aux cassettes audiovisuelles déjà existantes sur les masques des différents groupes ethniques du Burkina, elles sont visionnées et écoutées chaque semaine par une colonie d’élèves en provenance de divers établissements scolaires de la ville de Ouagadougou. En l’espace de quelques semaines, le taux de fréquentation de l’IPN connait un pic sans précédent. «Il n’y avait plus de place à la bibliothèque à cause des films documentaires. Nous étions littéralement envahis par une nuée d’élèves et de particuliers», raconte l’un des gestionnaires du centre de la documentation de l’IPN, Lacina Salo. Cinq années après son acquisition, dans quel état se trouve aujourd’hui les équipements ? «Le matériel est toujours opérationnel à 90%. Nous avons à notre disposition deux techniciens qui s’occupent régulièrement de l’entretien du matériel», confie le chef de service des relations et des expressions culturelles de la DPPDEC, Antoine Compaoré. D’ailleurs, foi de celui-ci, une délégation de l’ambassade du Japon a pu récemment (nous sommes le 26 octobre 2015, ndlr) constater de visu la bonne santé du matériel.

Plus d’une année après le renforcement des capacités opérationnelles de l’IPN, l’ambassade du Japon au Burkina Faso revient à nouveau à la charge dans sa volonté affichée de contribuer au développement de la culture du «pays des Hommes intègres». Mis en place depuis quelques temps, le «projet tourisme durable pour l’élimination de la pauvreté» est l’occasion toute trouvée pour la représentation diplomatique nipponne de délier le cordon de la bourse en faveur de la culture burkinabè. C’est ainsi qu’un contrat d’environ 42 millions de F CFA avec le Ministère de la Culture et du tourisme (MCT) est signé le 25 mars 2011. Cette somme d’argent est destinée au financement de la construction d’un «musée des arts et des savoirs mossi» à Bazoulé (situé dans la commune rurale de Tanghin-Dassouri, à 35 km de Ouagadougou). La contribution du Burkina Faso s’élève à 12 millions de F CFA. Une année trois mois plus tard, un joyau touristique d’un coût global de 54 millions sort de terre. Il est inauguré, le 12 juin 2012, en présence des braves villageois de Bazoulé et de Tsutomu Sugiura. Construit sur un espace de 1375 m2, le musée comprend deux salles d’exposition (temporaire et permanente). Quatre paillotes circulaires complètent l’ensemble du bâtiment construit en grande partie en briques de terre pressée. L’infrastructure se dresse majestueusement sur le côté ouest du palais du chef de Bazoulé, Naaba Kiiba. Pour l’ancien ambassadeur plénipotentiaire du Japon au Burkina Faso, Tsutomu Sugiura, le patrimoine culturel est la mémoire collective d’un pays. «La sauvegarde de ce patrimoine est une forme de reconnaissance de l’identité culturelle du peuple. C’est aussi une façon de respecter son histoire et de promouvoir la diversité culturelle», explique le diplomate nippon.

Coopération culturelle, facteur de tolérance

Le canton de Bazoulé voit ainsi son offre touristique renforcée, au grand bonheur des nombreux touristes qui visitent régulièrement la célèbre mare aux crocodiles sacrés. Créée en 1978, l’Association tourisme et développement de Bazoulé (ATDB) ne s’occupait à l’origine que de la gestion des fameux amphibiens sacrés. Avec l’implantation du musée des arts et des savoirs mossi de Bazoulé, l’ATDB voit non seulement son champ d’action s’élargir, mais aussi sa bourse grossir. En effet, à en croire l’ex-président et membre d’honneur de ladite structure, Alphonse Kaboré, 6 à 7 millions de FCFA sont récoltés par mois. Cette rentrée d’argent, précise-t-il, provient essentiellement des entrées au musée et des visites de la mare aux crocodiles sacrés. Pour admirer les reptiles crocodiliens dans leur milieu naturel et le riche patrimoine moaga de Bazoulé, le visiteur doit débourser 1500 F CFA. «Nous enregistrons en moyenne une vingtaine de visiteurs par jour. Ce qui correspond à plus de 600 entrées par mois», commente M. Kaboré. En dépit d’un contexte économique difficile, souligne-t-il, l’affluence au niveau du musée est restée relativement stable. Les expatriés, les élèves et les étudiants nationaux constituent la majorité des visiteurs. «Nous sommes très reconnaissants à l’Ambassade du Japon au Burkina Faso. Son coup de pouce a donné un nouveau souffle à nos activités et à l’économie locale», confie le président d’honneur de l’ATDB, Alphonse Kaboré, le sourire aux lèvres. Quelques mois après, le Japon, par le biais de Masato Futaishi, son nouvel ambassadeur au Burkina Faso, marque cette fois-ci de son empreinte le secteur de l’information. En effet, le 5 septembre 2013 à Ouagadougou, un échange de notes et d’accord de don est signé entre les deux pays. L'aide de 173 millions de F CFA est destinée à l’achat de nouveaux programmes télévisés japonais, en vue de varier et d’enrichir les émissions thématiques de la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB). En d’autres termes, ce projet apportera, selon les parties signataires, une valeur culturelle ajoutée à la grille des programmes télévisés.

De même, il permettra de soutenir la réalisation des objectifs de la RTB en matière d’information, de sensibilisation et de distraction, au profit des populations burkinabè. «C’est auprès de la NHK (le groupe audiovisuel public japonais, NHK, ‘’Nippon Hōsō Kyōkai’’, ndlr), que les programmes ont été sollicités. Aussi, nous avons fait des choix sur la base d’une proposition de programmes envoyés par le groupe», se rappelle l’ancien chef des programmes de la RTB, Zoumana Traoré, précisant que la science, la technologie, la santé... ont été les thématiques privilégiées. Le choix de ces programmes, ajoute-t-il, a été opéré en tenant compte de leur apport pour le commun des téléspectateurs burkinabè. Ces nouveaux programmes de la «Chaîne au cœur des grands événements» bénéficieront d’une large audience. «Les téléspectateurs ont bien apprécié ces émissions que la coopération japonaise a offertes à la RTB-Télé. Nous avons reçu un feed-back positif. Je crois sincèrement que l’opération mérite d’être renouvelée», estime M. Traoré, aujourd’hui directeur général des médias au Conseil national de la Transition (CNT). «La télévision est un excellent moyen de communication et de sensibilisation des populations. Il était important d’apporter cette aide à la RTB afin qu’elle puisse jouer pleinement son rôle et lui permettre de contribuer également au développement durable du Burkina Faso par le renforcement de la communication», explique l’ambassadeur Masato Futaishi. Reconnu pour sa diversité culturelle, le Japon, ajoute-t-il, est persuadé que le développement de la coopération culturelle figure parmi les moyens les plus puissants pour rapprocher les nations. «La connaissance de la culture de l'autre contribue à la compréhension mutuelle et à la tolérance entre les peuples», conclut le diplomate nippon.

Aubin W. NANA

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