«La meilleure façon d'imposer une idée aux autres, c'est de leur faire croire qu'elle vient d'eux », a fait savoir l'écrivain français Alphonse DAUDET. Et ce n'est pas tombé dans loreille de sourd quand on voit comment les politiciens usent de la malice de cette maxime pour se jouer des populations ou des peuples. C'est ce que tentent d'éprouver les acteurs de la Transition qui affichent une certaine détermination à vouloir jouer les prolongations dans une partie dont les règles du jeu sont claires et acceptées par un consensus à travers une Charte tout comme l'est sa durée qui ne devrait excéder une année. Tout le monde sait donc quand est-ce que cette partie (la Transition) a commencé et en conséquence a enclenché le compte à rebours. Mais voilà que depuis le mois de mai 2015, on assiste à une vaste campagne médiatique sur la nécessité d'une constituante avant la tenue de la présidentielle et des législatives initialement prévues pour le 11 octobre prochain. Dans cette équipée médiatique, on dit au peuple qu'il y va de son propre intérêt de doter le pays d'une nouvelle Constitution, et dans ce temps de Transition qui court, tout en sachant qu'une telle éventualité impactera le processus électoral. Des conférences publiques en marge de la journée d'hommage aux ''martyrs'', aux interviews du président du CNT, Chérif SY, en passant par des sorties dans des régions du Burkina, les autorités de la Transition font des pieds et des mains pour faire passer l'idée d'une constituante comme si c'était une des exigences des insurgés des 30 et 31 octobre dernier. Derrière ces esbroufes, il y a bel et bien des intérêts égoïstes à assouvir. Notamment le report des élections pour davantage jouir des prébendes surtout que l'on sait que pour nombre d'acteurs de cette Transition qui se disent de la société civile ou qui sont hommes de tenue, l'aventure dans la gouvernance politique prendra fin aussi brusquement qu'elle a commencé.
Dans tout ce charivari, il y a comme si le fantôme qu'on a laissé entrer dans la maison ne veut plus en sortir. Pour dire simplement que certains acteurs de la Transition ont vite oublié ce qui fonde leur présence là où ils sont aujourd'hui et la mission qui leur a été assignée par ce peuple au nom duquel ils prétendent s'exprimer. Faut-il rappeler au régime de la Transition qui tient mordicus à amener le pays vers une Ve République alors que la Charte qui le régit ne lui attribue pas cette mission, qu'il y a nécessairement des préalables qui nécessitent que les acteurs qui ont assis le consensus fondant son existence soient de la partie pour décider de ce qui doit être ? On a la nette impression que les acteurs des OSC qui se sont incrustés aux organes de la Transition veulent faire à leur convenance même si l'on sait aussi que beaucoup officient en sous-main pour des officines politiques bien connues. Toujours est-il que cette volonté de proroger la Transition pour qu'elle prospère doit procéder d'un consensus national avec l'ensemble des acteurs politiques et des organisations de la société civile.
Une approche pragmatique et surtout responsable
Un des acteurs de la vie politique du Burkina et que certains mus par la haine veulent faire passer pour quantité négligeable est bien l'ex-majorité avec comme tête de proue le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP). Les partis de cette galaxie politique ont aussi leur mot à dire dans un sujet aussi délicat que la transformation des règles de jeu en cours de partie. La clairvoyance et la responsabilité politique commandent que les maîtres de la Transition prennent langue avec cette ex-majorité tout en envisageant l'abrogation de l'article 135 querellé du nouveau code électoral qui exclut les dignitaires de l'ancien régime des compétitions électorales à venir. Car cela est une revendication qui aboutie mettra celle-ci dans de bonnes dispositions pour sa participation pleine aux échanges constructifs pour l'intérêt de tous. Et pour continuer dans le polissage de l'armature de la gouvernance sous la Transition pour que certains principes de la Démocratie soient respectés, il serait bienséant de retoucher le CNT dans sa forme organisationnelle car dans sa configuration actuelle, cet organe ne répond pas à l'ossature d'une assemblée législative parce que beaucoup plus dominé par des OSC et des militaires (50 sur 90). Si l'on est en démocratie, il est aberrant que les partis politiques auxquels la Constitution reconnaît l'animation de la vie politique soient noyautés dans un organe comme le CNT où doivent s'exprimer toutes les sensibilités sociopolitiques de la Nation dont ils sont jusqu'à preuve du contraire les porte-voix. C'est pourquoi il faut, en toute logique, remettre à César ce qui est à César et donc le CNT aux politiques avec des critères de désignation consensuels de ses membres d'autant qu'une élection populaire ne se peut en ces circonstances. Ce qui signifie en conséquence, que les militaires seront renvoyés à leurs casernes et les activistes de la société civile à leur chère mission de contre-pouvoir. Les jeux seraient plus clairs avec un horizon politique éclairci pour le pays.
Quid de l'exécutif lui-même ? Il devra connaitre quelques réaménagements. Pour mieux répondre à l'esprit de la Charte qui promeut l'inclusion, on peut envisager la mise en place d'un gouvernement d'union nationale avec des représentants des partis politiques toutes obédiences confondues. Dans cette occurrence, le chambardement total est mal indiqué aussi dérogation pourrait être faite afin que le Premier ministre et ses trois autres frères d'armes qui sont dans le gouvernement ne soient pas frappés par l'application de la nouvelle loi qui interdit désormais aux militaires de faire la politique et alors qu'ils puissent toujours rester à leurs postes ; quant aux représentants des OSC, on peut se passer d'eux pour former un gouvernement fortement politique pour mener les réformes nécessaires. Pour éviter d'être plus royaliste que le roi, il sied de laisser les politiques opérer les réformes qui leur conviennent pour mieux approfondir la démocratie. Un gouvernement où seront représentées les différentes forces politiques pourra mieux faire les réformes politiques qu'un gouvernement soumis au diktat des OSC.
Drissa TRAORE